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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 76, juin-juillet 2011

Maroc : le « Mouvement du 20 février » se poursuit, malgré la répression

Mis en ligne le 15 juin 2011 Convergences Monde

Depuis quatre mois le royaume de sa majesté Mohamed VI n‘est plus aussi paisible qu’avant. L’onde de choc des révolutions arabes est passée par là. La colère monte et la révolte gronde contre le markzen (expression qui désigne l’appareil d’État, ses politiciens, ses affairistes, sa presse, sa police et son armée qui vivent sur le dos du peuple pauvre). Et malgré une répression de plus en plus violente, un nouvel appel à manifester est lancé pour le dimanche 5 juin dans tout le Maroc.

Le Mouvement du 20 février : « Je ne veux plus être un sujet sans verbe ! »

Peu après le soulèvement en Tunisie et la fuite du dictateur Ben Ali, l’espoir de révolte et de changement a gagné la jeunesse marocaine. Certains avaient lancé des appels pour descendre dans la rue le dimanche 20 février 2011. C’est ainsi qu’est né le mouvement qui réclame la fin de l’actuelle Constitution marocaine – laquelle donne tous les pouvoirs au roi –, la dissolution du parlement et du gouvernement et une amélioration des conditions de vie pour la population pauvre, ainsi que la libération des prisonniers politiques.

De nombreuses organisations se sont par la suite associées au mouvement, associations des droits de l’homme, altermondialistes de ATTAC, partis de la gauche radicale (Voie Démocratique, PSU, PADS) et même la gauche institutionnelle (USFP et PPS), les groupes révolutionnaires, les syndicats, et même certains islamistes opposants au régime (jeunesse du PJD et Al Adl Wal Ihsane).

Ce premier dimanche de manifestation avait rassemblé environ 120 000 personnes à travers le pays (selon le site d’information Mamfakinch.com). La répression faisait aussi ses premières victimes : dans la ville de Sefrou, six manifestants étaient tabassés à mort par la police.

Des Comités du 20 février se sont créés dans chaque ville pour organiser le mouvement localement. Et des comités d’appui étaient ouverts aux organisations qui voulaient apporter un soutien logistique au mouvement.

Les rassemblements et manifestations se sont multipliés dans tout le pays. Jusque dans le village de Beni Tadjit au sud du Maroc (qui faisait figure de Sidi Bouzid marocaine), où le Mouvement du 20 février a suscité un formidable espoir d’en finir avec la misère qui frappe la région. Durant un mois, les habitants sont descendus chaque jour dans la rue.

Dans la plupart des villes les rassemblements avaient lieu chaque dimanche. Face à la dureté de l’État policier, aux intimidations du régime, les jeunes militants n’ont pas baissé les bras. Même si chaque distribution de tract risquait de se terminer au poste de police ils étaient toujours plus nombreux à réclamer « liberté et dignité » ou à dire « je ne veux plus être un sujet sans verbe ».

« Achaâb yourid isqat Annidam ! » (le peuple veut faire chuter le système)

Le slogan qui a tant résonné en Tunisie, en Egypte, en Libye et en Syrie a commence à envahir les rues marocaines. Plusieurs manifestations ont traversé les quartiers populaires de Casablanca, Fès, Rabat, Salé ou Marrakech. Beaucoup de Marocains qui n’avaient jamais vu de tels évènements dans leur quartier descendaient voir les cortèges, applaudissaient sur le bord de rue, et souvent rejoignaient les manifestants convaincus par les slogans et les mots d’ordres. Partis à quelques milliers, les cortèges décuplaient en ralliant la population pauvre.

Cette stratégie d’aller vers les classes populaires et de mettre en avant les revendications sociales a beaucoup été défendue par les militants marxistes des groupes Al Mounadil-a, Solidarité pour une alternative socialiste et Voie Démocratique, qui ont dû forcer les réticences de la gauche modérée.

La carotte et le bâton

Face au mouvement, le régime a équilibré ses réponses entre promesses et répression. Dans son grand discours du 9 mars, le roi promettait une réforme de la Constitution ainsi qu’un élargissement des libertés et de la démocratie en général. Mais c’est surtout la police qui a gardé la liberté de réprimer toute forme de contestation. Comme le 13 mars à Casablanca où une cinquantaine de manifestants furent hospitalisés, ou la nuit du 29 avril à Rabat où la police a attaqué et saccagé le siège de l’UMT (l’Union marocaine du travail) pour bastonner les diplômés chômeurs qui y passaient la nuit.

Pourtant les violences policières restaient encore de l’ordre de l’exception, et de nombreuses manifestations se déroulaient pacifiquement dans tout le pays malgré les interdictions. Si à ce stade le Mouvement du 20 février n’a pas rassemblé toute la contestation qui existe au Maroc, il a néanmoins libéré la parole. Il a permis à tous ceux qui sont mécontents de leur sort (diplômés chômeurs, étudiants, infirmiers, instituteurs, employés de restaurants, ouvriers des mines…) de s’exprimer. Et les grèves et les sit-in se multipliaient depuis le 20 février.

Retour aux années de plomb ?

L’attentat de Marrakech le 28 avril a mis fin à cette parenthèse. L’évènement a été utilisé à fond par le régime pour renforcer les mesures sécuritaires. L’épisode de la prison de Temara (au sud de la capitale Rabat) marque le début de cette période sanglante. Les jeunes étaient venus manifester pour réclamer la fermeture de la prison secrète de la DST, surnommée Guantemara en référence à Guantanamo, car il s’y pratique aussi les pires tortures sur les prisonniers politiques. Les manifestants ont trouvé face à eux plusieurs brigades de police anti terroriste (type GIGN), cagoulées et lourdement armées, qui les ont sauvagement attaqués faisant une soixantaine de blessés dont certains étaient au bord du coma. Depuis un mois, la police disperse tous les rassemblements. Chaque manifestation se termine souvent avec des dizaines de blessés. À Safi (le grand port industriel sur le littoral atlantique, entre Marrakech et Casablanca), jeudi 2 juin, un militant est encore décédé sous les coups de la police (officiellement sa mort serait due à une crise cardiaque).

Pourtant la colère reste vive et la mobilisation se poursuit. Il y a deux semaines à sa sortie de la grande prière du vendredi, le roi, habitué à être accueilli par une foule de flatteurs (récompensés ?), s’est vu quelque peu chahuté par les diplômés chômeurs venus réclamer des emplois. Du jamais vu. Peut-être le signe d’une radicalisation du mouvement. La cérémonie habituellement retransmise en direct sur les télévisions officielles à été interrompue.

Il reste encore beaucoup à faire pour mettre en pièces le système du markzen qui opprime et exploite sans limites, pour le profit des intimes du palais. Les discours à n’en plus finir sur l’exception marocaine à la vague de révolution arabe ne sont que des fabrications officielles. Le régime vit bel et bien dans la crainte de son peuple.

Le 3 juin 2011

Réda CHEBAB

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Numéro 76, juin-juillet 2011

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