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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 104, mars-avril 2016 > Réfugiés

Réfugiés

Turquie – UE

Marchandage assassin sur le dos des réfugiés

Mis en ligne le 20 mars 2016 Convergences Politique

L’encre de l’accord conclu lundi 7 mars entre l’Union européenne (UE) et la Turquie n’était pas encore sèche que déjà des voix politiciennes s’élevaient pour le dénoncer et le remettre en cause. Mais certainement pas pour les mêmes raisons que nous. Dans les allées du pouvoir d’hier et d’aujourd’hui, tous ceux qui font semblant de s’émouvoir sont aussi cyniques que ceux qui signent.

Indignation sélective

Pour toute une partie de la classe politique française, le problème n’est pas le contenu de l’accord, mais les contreparties exigées par le gouvernement de Davutoğlu. Les dirigeants turcs ont en effet obtenu l’accélération de la procédure d’adhésion de leur pays dans l’UE. Leurs ressortissants pourraient être dispensés de visa pour circuler dans l’UE. De quoi nourrir les réactions xénophobes de nos politiciens.

Hollande lui-même a désavoué l’essentiel du projet, estimant samedi 12 mars qu’il ne fallait faire « aucune concession » à la Turquie, notamment sur les visas. Certes, il a fait mine de se préoccuper du respect des droits de l’homme par la clique du président turc Erdoğan. Mais quand ce dernier a envoyé la police fermer le journal d’opposition Zaman, il n’a, à l’instar de l’UE, pas réagi autrement que pour la forme. La guerre menée contre les Kurdes ne gène pas plus Hollande qu’Obama, du moment qu’Erdoğan veut bien être leur allié dans la guerre en Syrie. Quant à l’intervention de la police d’Erdoğan, début mars, contre les grévistes de Renault Bursa, elle arrange le trust automobile français.

Le Figaro n’hésite pas à titrer « Crise des migrants : l’Europe impuissante face au chantage turc. » Selon lui, le gouvernement turc n’a aucun intérêt à juguler la crise migratoire. Tant que des dizaines de milliers de Syriens continuent d’affluer, il peut à loisir ouvrir ou fermer ses frontières et contraindre l’UE à négocier avec lui.

Le vrai scandale

Le scandaleux de l’accord du 7 mars n’est pas cette aide financière promise de 3 milliards d’euros, qui s’ajoutent aux 6 milliards obtenus par la Turquie entre 2001 et 2013. C’est fort peu s’il s’agissait d’assurer des conditions de vies un peu dignes aux près de 3 millions de réfugiés syriens actuellement en Turquie. L’Europe n’en accueille que trois fois mois, et la France qu’une pincée. Le scandale est que ces 3 milliards ne sont que le salaire versé à la Turquie pour qu’elle accepte de jouer le rôle de flic de l’Europe.

Erdoğan envisage de construire au moins une ville nouvelle réservée aux migrants, au plus près de la frontière syrienne, afin de pouvoir les renvoyer dans leur pays d’origine dès que possible. Si les Syriens sont traités comme les Kurdes, la ville nouvelle risque de ressembler à un bon vieux camp de concentration...

Et le summum de l’hypocrisie de nos gouvernants est ce marchandage humain surnommé la règle du « un pour un ». Pour tout migrant « illégal » qu’elle renverrait en Turquie, l’UE européenne s’engage à prendre en échange à la Turquie, « légalement », un migrant bien choisi. On virera un pauvre qui a risqué sa vie sur une embarcation de fortune et on achètera en échange à la Turquie un professeur, un ingénieur, technicien ou ouvrier qualifié syrien. C’est tout bénéfice pour nos patrons. Jusqu’à ce qu’à terme le fait de ne plus laisser de chance de traverser la mer ou la frontière finisse par tarir le flux des migrants vers l’Europe riche et par boucler ceux qui fuient la guerre et la misère dans les camps d’un pays pauvre.

13 mars 2016, M. P.

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