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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 85, janvier-février 2013

Editorial

Mali : les guerres à visées impérialistes n’ont jamais aidé les peuples !

Mis en ligne le 28 janvier 2013 Convergences Politique

En dix jours, on en est déjà à 2 000 hommes que François Hollande et son gouvernement ont envoyés au Mali, avec leur panoplie d’hélicoptères, chasseurs et avions espions dans les airs, chars Sagaie et canons Caesar au sol. Un déploiement énorme, selon les militaires eux-mêmes. Et on n’a pas tout vu. Hollande a justifié le début de ce débarquement du 11 janvier par l’appel au secours du gouvernement malien « ami ». Il fallait stopper l’avancée menaçante vers le sud du Mali des groupes islamistes qui en occupent déjà le nord. Mais cette nouvelle aventure guerrière, dite anti-terroriste, rappelle immanquablement les précédentes croisades des grandes puissances en Irak, en Afghanistan… voire l’aventure de Poutine en Tchétchénie. On sait quand elles commencent, mais on ne sait pas ni quand ni comment elles finissent. En tout cas on sait que leurs ravages contre les populations, sous de multiples aspects, n’ont pas de cesse.

Sauver le Mali de l’avance des islamistes ?

Mensonge. Cette guerre comme bien d’autres menées par les grands de ce monde, même les petites pointures à la Hollande, sont d’abord menées en appui aux pillages économiques de leurs trusts, en particulier dans cette région du Sahel qui pue le pétrole et le gaz de BP ou de Total en Algérie, l’uranium d’Areva au Niger – pays limitrophes de ce Nord-Mali dont il s’agit de faire la reconquête. Et en appui aux cliques politiques corrompues censées maintenir l’ordre nécessaire à ces pillages. Tant pis si les populations, déjà laissées dans un dénuement extrême, au mieux aidées par les seules économies des hommes partis travailler dans l’immigration, vont probablement le payer cher, dans le Nord comme dans le Sud du Mali. Tant pis si davantage encore de jeunes seront livrés au désespoir… et aux terroristes recruteurs, dont le terreau est précisément la misère. Qu’on sache des tristes expériences de ces vingt dernières années, les dirigeants des grandes puissances partis en croisade contre le terrorisme ne nous en ont pas délivré, au contraire !

Oui, le Mali est un pays aujourd’hui ravagé, un pays « failli » comme l’écrit la presse, à satiété. Mais « failli » pourquoi ? Et de la faute à qui ? Pillé déjà par de grands trusts, dont quelque 125 sociétés françaises et filiales, de BNP à Alcatel, en passant par Paribas, Vinci et Bolloré. Or, coton… Mais déstabilisé aussi par les conséquences de la guerre en Libye engagée en 2011 par les grandes puissances, France en tête. D’ex-militaires pro-Kadhafi, des mercenaires de tous poils ont franchi avec armes et bagages la frontière du Nord-Mali où déjà des groupes islamistes radicaux (Aqmi et Mujao) et des mouvements indépendantistes touaregs (islamistes comme Ansar Eddine ou laïcs comme le MNLA) visaient à prendre le pouvoir. Ce qu’ensemble et malgré les rivalités entre eux, ils ont réussi à faire au printemps 2012. La débandade de l’armée malienne est allée de pair avec la crise politique dans laquelle a sombré alors le pays : putsch militaire du capitaine Sanogo renversant il y a neuf mois le président Amadou Toumani Touré, puis installation d’un gouvernement provisoire, avec l’appui de la France, qui n’est qu’un paravent aux guéguerres entre cliques corrompues, l’armée de son côté utilisant surtout ses galons à racketter la population.

Mais devant pareille débâcle et devant les dures exactions commises contre la population au Nord par les nouveaux maîtres djihadistes (obligation du port du voile pour les femmes, coups de fouet voire mutilations pour mauvaises mœurs, etc.), une bonne partie de la population du Mali et des travailleurs maliens, ici, dans l’émigration, ont pu se réjouir de l’engagement de l’armée française. En précisant toutefois qu’on a volontairement omis de nous montrer les images des manifestations hostiles à cette intervention qui avaient eu lieu dans les rues de Bamako les jours précédents.

Le remède, pire que le mal

La liste est pourtant longue, des craintes qu’on peut nourrir sur l’issue de cette aventure guerrière.

Une guerre sans morts ? Voilà dix jours que l’armée française bombarde là-bas, quadrille au sol, et il n’y aurait officiellement pas une seule victime ? On nous ment manifestement.

Une guerre limitée ? Si Hollande a d’abord parlé d’épauler l’armée malienne pour empêcher l’avance des intégristes vers le sud, il a ensuite et très vite proposé de « rétablir l’intégralité territoriale du Mali ». Donc de réoccuper tout le Nord ? Comment ? Maison par maison ? Pour en extirper les combattants djihadistes ? Avec au Sud la chasse aux Touaregs, ou « peaux claires », qui a déjà commencé, à Bamako où jusqu’à peu la cohabitation ne posait pas de problème.

Une guerre sans bavures, sans conséquences imprévisibles ? La guerre s’est immédiatement propagée en Algérie ! C’est en représailles aux opérations militaires françaises qu’un groupe armé islamiste a envahi la base gazière d’In Amenas, avec la riposte des forces spéciales algériennes et les conséquences que l’on sait. Allez savoir qui, de la fermeté du pouvoir algérien ou du culot des terroristes islamistes, peut emporter la sympathie d’une jeunesse algérienne déshéritée. Et ce qui vaut pour la déstabilisation de l’Algérie vaut pour toute cette partie de l’Afrique : Tchad, Niger, Nigéria, Congo, minée par la misère liée aux appétits impérialistes.

Une guerre forcément juste ? Parce que les chefs de tous les partis, de Copé à Le Pen, en passant par Fillon, Mélenchon, le PCF ou les Verts, s’en disent solidaires, malgré leurs réserves sur les modalités ? Indépendamment du désastre prévisible en Afrique, la guerre ne manquera pas d’être prétexte à davantage de sacrifices imposés aux classes populaires ici. Raison de guerre, et silence dans les rangs !

C’est évidemment la population malienne qui va payer le prix le plus lourd. Pas seulement par la collecte – ou nouvel impôt – que le gouvernement malien lance déjà pour la payer. Mais surtout par les morts, les destructions et désorganisations, les exodes de masse ou exactions tribales qui ont déjà commencé.

Mais que faire alors ? L’émancipation des peuples, comme celle des travailleurs, ne peut être l’œuvre que des peuples eux-mêmes. C’est évidemment facile à dire, plus difficile à faire. Les travailleurs dans les métropoles des pays riches, les peuples dans les pays qu’elles saignent, ont pourtant ensemble la force du nombre pour empêcher les pillards capitalistes et leurs cliques au pouvoir de nuire. Et de s’organiser contre des groupes terroristes qui se nourrissent de la misère et du désespoir, mais sont loin d’être des ennemis irréductibles de l’impérialisme. Il n’y a pas de solution hormis la mobilisation venue d’en bas. C’est une première tâche d’en convaincre.

21 janvier 2013


Les intérêts de l’impérialisme au Mali… et dans la région

« La France ne défend aucun intérêt économique au Mali, elle est au service de la paix. », a déclaré Hollande. Certes le Mali, qui figure parmi les 25 pays les plus pauvres du monde, n’est que le 87e client de la France et son 165e fournisseur.

On peut néanmoins noter :

  • 125 sociétés françaises présentes au Mali.
  • un pays troisième producteur d’or en Afrique.
  • des réserves de pétrole décelées dans le nord ; de la bauxite, du minerai de fer, des phosphate, du manganèse, du nickel et du marbre, dont l’exploitation est en projet.
  • des gisements d’uranium à Faléa, à 350 kilomètres à l’ouest de Bamako, qui pourraient représenter 12 000 tonnes d’uranium, soit quatre fois les réserves de la mine d’Arlit au Niger. Une société française participe aux travaux de prospection ; Areva s’est mise sur les rangs pour la future exploitation.

Mais les intérêts économiques que défend l’impérialisme français dans cette guerre sont avant tout ceux qu’elle possède dans toute la région. À commencer par le Niger voisin d’où Areva extrait un tiers de sa production d’uranium. Et le sous-sol du Sahel, considéré voici encore moins de dix ans comme sans intérêt, s’est révélé riche de diverses ressources, notamment de pétrole, dont le Tchad, la Mauritanie et le Niger commencent à être producteurs.


L’Algérie embringuée

C’est une véritable volte-face qu’a fait l’Algérie en décidant de soutenir la guerre de la France au Mali. Il y a peu, elle se faisait fort de parrainer des négociations avec les séparatistes touaregs du MNLA et le mouvement islamiste Ansar Eddine. Et c’est par la bouche de Fabius que les Algériens ont appris que leur pays avait décidé de soutenir la guerre en autorisant « sans limite le survol de son territoire » par les avions militaires français. Depuis, on évoque même l’offre à l’aviation française d’utiliser, si nécessaire, les aéroports du Sud algérien.

Avec l’attaque djihadiste contre la base pétrolière d’In Amenas, l’Algérie reçoit la monnaie de sa pièce. Elle craignait qu’une intervention au Nord-Mali ne re-déplace vers son territoire les groupes armés islamistes qu’elle avait pourchassés pendant les dix années de guerre entre l’armée et les islamistes. Elle y repique, dès les premiers jours de la guerre.

La solidarité gouvernementale va dans les deux sens. Hollande s’est empressé de prendre la défense de Bouteflika et de son armée : « Un pays comme l’Algérie a les réponses qui paraissent à mes yeux les plus adaptées, car il ne pouvait y avoir de négociation. »

Ce que montre la prise d’otages d’In Amenas, c’est bien comment la guerre déclenchée par la France, loin de sauver le Mali et encore moins les Maliens, pourrait contribuer à déstabiliser toute la région. 


Le Front de gauche, petit doigt sur la couture du pantalon

« L’intervention militaire française comporte de grands risques de guerre », alertait le PCF dans son communiqué du samedi 12 janvier, alors que depuis la veille la guerre battait déjà son plein. Seule critique du PCF : l’opération « aurait dû s’inscrire dans le cadre d’une mission de l’ONU. » Seul conseil à Hollande : « Cette intervention n’efface pas la nécessité de la recherche d’une solution politique et d’un dialogue avec les groupes de la rébellion non liés au terrorisme et respectueux de l’intégrité territoriale. »

La déclaration de Mélenchon, que la presse a présentée comme une « voix dissonante » face à l’unanimité de la classe politique française, est de la même veine : « Le Parti de gauche prend acte de la décision du président de la République d’engager militairement des troupes françaises au Mali » mais « n’en juge pas moins inacceptable que la décision de faire la guerre soit prise en dépit des règles établies par la résolution 2085 de l’ONU ». La guerre, pourquoi pas, mais dans les formes !

Il eut fallu au moins un débat parlementaire, disent-ils tous.

Il a eu lieu le 16 janvier. Au nom de l’ensemble du groupe des députés du Front de gauche, François Asensi y a déclaré : « Que devait faire la France face à l’offensive des troupes djihadistes lancée jeudi dernier ? La position du Front de gauche, communistes et républicains est claire : abandonner le peuple malien à la barbarie des fanatiques aurait été une erreur politique et une faute morale. La non-intervention aurait été la pire lâcheté. »

Il y a un peu plus de cinquante ans, en 1956, les députés du PCF votaient les pleins pouvoirs au gouvernement socialiste pour la guerre en Algérie. À l’époque, déjà, la guerre qui allait faire près d’un million de morts dans la population algérienne portait le nom de « pacification ».

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