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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 98, mars-avril 2015

Livres

23 mars 2015 Convergences Culture

Essai



Le communisme désarmé : le PCF et les classes populaires depuis les années 1970

Julian Mischi

Agone, 332 pages, 20 €.


L’auteur, sociologue, a eu accès aux archives locales et nationales du PCF du début des années 1970 aux années 2000, et explore un aspect du déclin idéologique et numérique de ce qui fut, pour beaucoup, « le parti de la classe ouvrière » : la rupture entre son appareil de direction et sa base populaire. Sur cette période marquée par le strict alignement de la direction stalinienne du PCF sur la politique de l’URSS et son abandon de tout changement révolutionnaire de la société, on n’apprendra sans doute rien de nouveau sur les louvoiements politiques de l’appareil du PCF, qui alterna entre alliances électorales et replis vis-à-vis du PS. On en saura en revanche bien plus sur les attitudes de la « base » du parti à chacun de ces virages. Car c’est une des originalités de ce livre que d’avoir voulu mettre en évidence les critiques de la politique du parti au sein de quatre cellules représentatives de la sociologie militante du PCF : deux cellules ouvrières de Saint-Nazaire et du bassin minier de Longwy, une cellule paysanne de l’Allier, et une cellule de la banlieue industrielle de Grenoble.

Il apparaît ainsi que les structures du PCF ont été le siège de débats houleux, voire musclés, à l’occasion de chaque congrès et que les origines sociales des militants ont grandement conditionné leur manière de marquer leur désapprobation. Si le milieu enseignant et universitaire n’hésitait pas à écrire dans la presse les raisons de son malaise, le milieu ouvrier quittait l’organisation plutôt silencieusement, mais tout aussi gêné aux entournures à chacune des crises du parti. Deux d’entre elles sont représentatives de la coupure effective entre la politique défendue par la direction et le ressenti des militants : l’invasion de l’Afghanistan et la participation au gouvernement socialiste de 1981 à 1983. La première a majoritairement mobilisé les intellectuels du parti qui ne comprenaient pas le soutien inconditionnel de l’appareil à une guerre perçue comme injuste et qui risquait de le mettre en porte-à-faux avec son milieu. La seconde a eu des conséquences peut-être moins visibles mais plus profondes sur le terrain où nombre de cadres ouvriers locaux animaient des sections syndicales et se sont vus désavoués, voire combattus politiquement, lorsqu’ils menaient des grèves alors que le PCF était devenu un « parti de gouvernement ». Ainsi, la direction n’hésita-t-elle pas à littéralement sacrifier une fédération entière dans le département de la Meurthe-et-Moselle hostile à la politique du gouvernement, et qui osait la combattre dans les usines.

Mischi explore enfin la période qui suivit la chute de l’URSS en soulignant l’évolution du discours politique du PCF, originellement en faveur d’une représentation politique des classes populaires, vers celui d’un parti d’élus d’un nombre de communes encore conséquent. Cette évolution marque ainsi l’abandon progressif d’une représentativité de la classe ouvrière, au profit de la promotion de la « diversité » et de la « solidarité », et l’abandon, même verbal, de son corollaire : la lutte pour le socialisme. L’ambition affichée du parti n’est plus alors que d’être le meilleur gestionnaire, et surtout de conserver son vivier électoral.

L’auteur ne propose cependant aucune analyse critique de la politique de la direction du PCF, se cantonnant à marquer les phénomènes de rupture entre celle-ci et sa base. Il ne revient pas plus sur d’autres périodes aussi tourmentées du PC comme la participation au Front Populaire, la justification du pacte germano-soviétique ou la participation à l’union nationale au sortir de la Deuxième Guerre mondiale. C’est en somme une analyse, très bien documentée, de la coupure idéologique d’un appareil bureaucratique avec les aspirations les plus profondes des classes populaires, sous l’angle des militants « de base », mais qui manque du recul historique et politique nécessaires, notamment de la situation de soumission de la direction vis-à-vis de l’URSS, pour qu’on puisse y voir autre chose qu’une simple opposition entre direction opportuniste et base désorientée.

Simon COSTES

Un extrait sur le site de Contretemps : http://www.contretemps.eu/lectures/...



Romans


Debout-Payé

Gauz

Éditions Nouvel Attila, 2014, 17 €.


Étudiant ivoirien, Ossiri arrive à Paris dans les années 1990 et se retrouve sans papiers au bout de trois mois, condamné à se faire embaucher comme vigile par un sous-traitant de sous-traitant de sous-traitant. Il y raconte la condition du vigile, gris et invisible, incarné le plus souvent par un grand Noir. C’est un problème économique, pas de couleur de peau, glisse-t-il au cours d’une de ses balades introspectives pour tromper l’ennui de celui qui est (sous-)payé à rester debout.

Ces balades sont une occasion de brosser une satire des temples de la consommation, le Sephora des Champs Elysées entre autres, où se côtoient femmes d’émirs, touristes chinois et le consommateur lambda. Mais aussi de livrer ses réflexions politiques sur les dictateurs d’Afrique de l’ouest et des soutiens qu’ils ont au gouvernement français, toutes couleurs politiques confondues.

Cette histoire politique d’un immigré, qui survole une période allant des années 1960 à l’effondrement des tours jumelles de New York, est un concentré percutant et parfois hilarant de critiques de la société marchande, de l’exploitation et de la condition des sans-papiers.

On y trouve aussi la tendresse d’Ossiri pour son ami et collègue Kassoum, maître-chien, qui travaille avec un berger beauceron répondant au nom de Joseph « en l’honneur de Staline, Mobutu et Kabila, trois dictateurs partageant le même prénom et un certain sens de la cruauté ».

Anne HANSEN



Le Paradis – un peu plus loin

Mario Vargas Llosa

Traduction française en 2005, livre de poche Folio, 595 pages, 10,90 €.


C’est la vie romancée, à quelque cinquante ans de distance, de Flora Tristan et celle de son petit-fils, le peintre Paul Gauguin. L’auteur évoque avec l’ironie attendrie de l’écrivain célèbre la vie et l’activité de la militante ouvrière et féministe qui, avant Marx, proclamait déjà : « L’affranchissement des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ».

Le romancier s’appuie sur les écrits de Flora, entre autres son journal où elle raconte son « Tour de France » entrepris en 1844, dernière année de sa courte existence, pour mettre sur pied l’union ouvrière. Il dresse le portrait de cette femme passionnée, bouleversée et révoltée par l’exploitation des travailleurs, internationaliste, habitée par sa mission de forger l’unité du prolétariat pour parvenir à son émancipation.

Le roman fourmille d’informations précises sur la condition ouvrière de cette première moitié du XIXe siècle, avec un prolétariat souvent encore prisonnier des corporations, divisé par la barrière des dialectes et terriblement exploité. Dans les fabriques de drap de Carcassonne, on travaillait de 14 à 18 heures par jour pour un salaire quotidien d’un franc cinquante à deux francs, les femmes gagnant moitié moins. Dans certaines usines textiles d’Avignon, c’était pire, avec une journée de travail de 20 heures. Le travail des enfants était monnaie courante : à 7 ans, on trimait dans les soieries et les filatures pour 8 centimes par jour. C’était aussi l’époque où fleurissaient les cercles de « socialistes utopiques », fouriéristes, saint-simoniens et icariens voulant sauver les travailleurs de l’exploitation sans leur concours et avec l’aide de riches mécènes, banquiers ou industriels. Bref, un roman passionnant sur un grand peintre, une militante engagée et une classe ouvrière en voie de formation.

Charles BOSCO



Ouvrage de vulgarisation


Incognito - Les vies secrètes du cerveau

David Eagleman

Traduction française en 2013, réédité en poche en février 2015, collection Marabout − 350 pages, 6,99 €.


« …il y a autant de connexions dans un seul centimètre cube de matière cérébrale que d’étoiles dans la Voie lactée », écrit David Eagleman, qui dirige un laboratoire de neurosciences à Houston. Dans cet ouvrage, publié en 2011, pas du tout abstrait et d’une lecture fort agréable, l’auteur nous invite à un voyage fascinant dans notre cerveau. À l’aide d’anecdotes, de tests ludiques, de comparaisons et d’exemples tirés de la vie quotidienne, il jette un éclairage original sur le fonctionnement de cet organe, notre expérience réelle du monde, la raison, les émotions, l’inconscient, le libre-arbitre, le sentiment religieux... Résolument matérialiste, le neuroscientifique, né en 1971, fait montre d’un talent de vulgarisation hors du commun, expliquant des phénomènes complexes de façon amusante, sans jamais être pédant ni superficiel. Il instruit en donnant du plaisir. Éblouissant !

Ch. B.

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