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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 80, mars-avril 2012

Limoges : Plan de licenciement dans une Scop !

Mis en ligne le 25 mars 2012 Convergences Entreprises

La crise vient de frapper la plus ancienne des Scop du Limousin : la SOPCZ (Société des Ouvriers Plombiers Couvreurs Zingueurs) fondée en 1905, à la suite des grandes grèves des ouvriers de la porcelaine qui avaient paralysé Limoges.

En 2012, la SOPCZ compte 191 salariés dont 171 « sociétaires » et une vingtaine de stagiaires ou CDD. Elle emploie par ailleurs une trentaine d’intérimaires sur l’année. Pour le Bâtiment, c’est une grosse boîte locale. Mais, comme les autres entreprises du Bâtiment de la région, la Scop n’échappe pas à la crise. La baisse des investissements des collectivités territoriales, des entreprises privées et des particuliers engendre une concurrence accrue sur les marchés disponibles. Et la SOPCZ voit ses marges chuter. Réaction de la direction : engager un plan de 26 licenciements !

La direction – 7 cadres, dont 6 recrutés hors de l’entreprise – monopolise toutes les décisions. Les deux assemblées générales annuelles ne servent qu’à entériner les décisions passées. Le bilan financier n’est donné qu’au début de l’AG dans un jargon comptable difficilement déchiffrable. De telle sorte que la plupart des salariés ont abdiqué tout contrôle sur l’entreprise, considérant l’assemblée générale comme une mascarade. Il y a bien eu quelques mouvements de 2003 à 2006. Sur les salaires, où nous avons obtenu de 200 euros d’augmentation pour les bas salaires à 80 euros pour les autres. Pour l’amélioration des conditions de travail. Mais l’entreprise engrangeait des bénéfices. Pas mal d’ouvriers participaient aussi aux actions nationales syndicales, malgré une forte pression de l’encadrement pour les en détourner.

Depuis trois ans, l’entreprise est en difficulté financière. Les « sociétaires », c’est-à-dire dans cette SCOP tous les salariés, ont laissé leurs bénéfices de 2006 (environ un mois de salaire) pour combler une partie du trou et la direction a mis en place un plan de 26 licenciements, auquel s’ajoute le départ de 30 intérimaires, avec le chantage à la fermeture s’il n’était pas appliqué.

Certains salariés se sont résignés à la situation, d’autres ont réagi. En particulier le secteur Travaux publics, rejoint par d’autres. La direction n’a rien voulu entendre : l’inspection du Travail a annulé le premier plan (en réponse à des problèmes de reclassement et à un courrier adressé par 38 salariés), mais ne s’y oppose pas. Profitant de la vague de froid, la direction a mis l’entreprise « en intempéries », sauf astreintes et dépannages, pour couper court à la contestation, alors qu’elle faisait d’habitude travailler par tous les temps. Il a été difficile de s’organiser durant les intempéries et le plan social a été entériné par le Comité d’entreprise. Douche froide pour tout le monde à la reprise. Une AG de 24 salariés s’est néanmoins tenue, mais sans suite au final, la plupart ne voulant pas porter la contestation à l’extérieur de l’entreprise. La crainte qu’elle ne ferme a été plus forte que l’envie d’en découdre. Mais une certaine satisfaction était néanmoins perceptible, du fait que l’agitation a dérouté la direction et que, finalement, nous lui avons montré qu’elle se comportait comme n’importe quel patron. Beaucoup en ont conclu que la Scop ne les protège pas de la situation économique et que rester seul dans son coin avec ses propres problèmes ne peut être la solution.

12 mars 2012

René SENS



SCOP, ou coopératives ouvrières, une solution ?


Les Scop (Sociétés coopératives ouvrières de production) sont nées parallèlement à l’organisation du mouvement ouvrier, après la révolution de février 1848. En 1900, la France en compte 250. Le mouvement se développe en 1936 et après la guerre, et ces Scop sont 650 en 1979. Mais c’est surtout l’entrée en crise du système capitaliste dans les années 1980 qui voit leur nombre augmenter. En effet, dans pas mal de PME en difficulté, faute de repreneur, ce sont les salariés qui poursuivent l’activité de l’entreprise sous forme de Scop. En 2010, la France en compte 2000, employant plus de 40 000 salariés.

Chaque Scop a ses propres statuts et la situation n’est pas identique de l’une à l’autre. Mais le principe de base (un coopérateur = une voix) est le même pour toutes les Scop, quelle que soit la part de capital détenue. Ce mode de gouvernance est présenté comme démocratique, mais la réalité est bien loin de cet idéal, car les Scop, sauf exception, reproduisent le schéma classique des entreprise, avec leurs responsables, certes élus, mais qui au fil des ans deviennent de véritables « managers ». La syndicalisation y est inexistante, les pressions à son encontre venant généralement des directions qui invoquent que ce serait inutile, le pouvoir de décision « appartenant à tous ». Dans la plupart des Scop, les travailleurs sont coupés de l’organisation du monde du travail et subissent les coups du gouvernement sans possibilité de s’organiser avec les autres travailleurs du pays.

Le fait que les Scop aient traversé jusque-là un peu mieux la crise économique, s’explique probablement par des rémunérations toutes primes confondues bien souvent inférieures au privé (l’échelle des salaires y est en moyenne de 1 à 4), par une fiscalisation plus favorable (les Scop sont soumises à un impôt sur société moindre, exonération entre autres de l’ex-taxe professionnelle) et par des heures de travail souvent « bénévoles ». Le taux de survie à 5 ans y est sensiblement supérieur au privé : 57 % contre 52 % au niveau national (Source : INSEE). Mais fondamentalement, les Scop n’échappent pas aux lois de l’économie capitaliste. Elles ont besoin de faire du profit pour leurs investissements, la satisfaction de leurs créanciers et la pression est donc forte sur les salaires et les conditions de travail. Elles sont aussi soumises à la concurrence capitaliste des grands groupes industriels qui cherchent à mettre la main sur les marchés locaux et étranglent par la sous-traitance les PME locales, dont les Scop.

Alors, les Scop, une solution face au capitalisme ? Ici ou là, ces derniers temps, des travailleurs en lutte d’entreprises menacées de fermeture ont évoqué la reprise à leur compte, ou des syndicalistes l’ont fait pour eux, comme ceux de la CFDT à SeaFrance par exemple. Mais la plus grande méfiance était au rendez-vous ! Car force est de constater que dans le cadre du capitalisme, les contraintes du système sont les mêmes pour toutes les entreprises, autogérées ou pas !

R.S.


En Limousin

Il y a 44 Scop employant plus de 800 salariés. Toutes fonctionnent comme une entreprise ordinaire avec division du travail et hiérarchie. Une seule fait exception, Ambiance Bois en Creuse, qui s’est montée suite à la faillite de l’entreprise en 1988. Une vingtaine de salariés y pratiquent une gestion en réunion hebdomadaire. Tous les salaires sont égaux et les tâches partagées par rotation. Le ou la PDG est choisie chaque année par tirage au sort. Depuis 1988, l’entreprise est toujours là, ce qui prouve si besoin était que les ouvriers peuvent se passer de patrons ! Mais même dans le fonctionnement des Scop, c’est une exception.

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