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Leurs vacances et les nôtres

10 août 2005

On les aura entendus les restaurateurs, hôteliers et autres directeurs d’offices du tourisme, se plaindre de la mauvaise saison estivale dans l’hexagone. Moins de chambres réservées, pour des durées moins importantes. Des familles qui partent, mais qui dépensent moins. Et l’argent qui ne rentre pas. Ces « difficultés » des professionnels du tourisme ne nous feront pas pleurer. Cela dit, elles reflètent un phénomène nouveau : avec le recul du pouvoir d’achat depuis 20 ans, les budgets vacances rétrécissent.

10 millions de Français ne sont jamais partis en vacances, 20 millions n’en prendront pas cette année. Les voyages forment la jeunesse ? Peut-être, mais les jeunes partent justement de moins en moins. D’après le ministère du tourisme lui-même, cette « baisse sensible » est « en grande partie liée aux difficultés économiques : prolongement des études, précarité de l’emploi, petits boulots, stages, chômage. » Pourtant, la loi de « lutte contre l’exclusion » de 1998 avait reconnu les vacances comme un droit fondamental de l’individu au même titre que le logement ou la santé. Comme quoi les belles paroles, même venant d’un gouvernement de gauche - Jospin était premier ministre à l’époque -, ne suffisent pas. D’ailleurs, les 35heures, censées permettre un accès plus large aux loisirs, n’ont rien changé, elles ont même accru les inégalités face aux vacances.

Le gouvernement de droite, lui, affiche moins d’hypocrisie, mais plus de cynisme. Son mot d’ordre depuis 2002 : au boulot ! Et, une fois n’est pas coutume, il montre l’exemple. Autant les vacances des ministres en 2003 ont été largement remarquées, puisque rien ne semblait pouvoir troubler leur repos, pas même la mort de 15 000 personnes âgées victimes de la vétusté des hôpitaux et des maisons de retraite pendant la canicule. Autant leur travail acharné de cet été risque de laisser des traces.

Par un décret du 5 août, le gouvernement fait d’une pierre deux coups avec une tactique vieille comme le chômage de masse : en systématisant le contrôle des demandeurs d’emploi, il tente de renforcer le préjugé du chômeur-profiteur, de faire passer les victimes pour les coupables. En radiant ceux qui refusent les emplois sous-payés, à temps partiel ou trop loin de chez eux, il fait baisser les statistiques du chômage et offre aux patrons des salariés forcés d’accepter leurs conditions. Cette mesure votée par le parlement UMP avec la « loi de cohésion sociale » ne fait que prolonger celle votée par le parlement socialiste en 2001, non moins hypocritement appelée « Plan d’Aide au Retour à l’Emploi ». Depuis 20 ans, tous les gouvernements aggravent la pauvreté, l’exploitation et l’insécurité sociale en prétendant lutter contre le chômage. Un bluff qui ne durera pas éternellement...

Bien sûr ce n’est pas la seule attaque estivale : le Contrat Nouvelle Embauche, appliqué depuis le 4 août fait de la précarité la règle. Pour l’instant dans les entreprises de moins de 20 salariés, mais après ? La rémunération du livret A, souvent la seule épargne des ménages modestes, baisse à nouveau, pour atteindre 2%, autant dire rien si l’on tient compte de l’inflation. Les autoroutes devraient être en grande partie privatisées dès la fin du mois, au détriment des usagers, qui verront les tarifs augmenter, et des salariés dont les conditions de travail pourraient encore se dégrader.

Pourtant, tout le monde ne semble pas subir cette « crise économique » dont le gouvernement nous rebat les oreilles : le tourisme aérien atteint des niveaux records vers les destinations luxueuses, les ventes de yachts explosent... Certains passent des vacances de rêve malgré le mauvais temps ! C’est que les patrons ont bien des choses à fêter : les entreprises du CAC 40 ont publié leurs comptes pour le premier semestre : Total : +44%, Arcelet : +117%, Renault : +52%, Société Générale : + 30% et, record des records, France Télécom : +340% ! Toujours d’actualité le slogan : « De l’argent, il y en a, dans les caisses du patronat ». Pour nos salaires et pour l’emploi, c’est là qu’on le prendra !

Des riches toujours plus riches, des pauvres de plus en plus nombreux et un gouvernement qui tente de faire passer ses coups bas en douce : tous comptes faits, le mois d’août n’est pas si différent du reste de l’année. À nous d’oeuvrer pour que la rentrée sociale leur fasse regretter les vacances !

Raphaël PRESTION

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