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DOSSIER : Europe : Avec ou sans traité, non à l’austérité !

Les « solutions citoyennes » des altermondialistes et des antilibéraux : Pas réformable le traité ? Le capitalisme non plus

Mis en ligne le 9 octobre 2012 Convergences Politique

« Poser les questions qui fâchent comme celle des paradis fiscaux », « se décider à contrôler les agences de notations », car « le capitalisme financier [a] imposé sa logique à toute l’économie et [a] contribué à la pervertir ». Ces citations ne proviennent pas d’un tract altermondialiste mais du discours de Nicolas Sarkozy à Toulon en 2008 [1].

Les vœux pieux sur la moralisation du capitalisme sont décidément facilement récupérables par ses défenseurs et gestionnaires. Malheureusement, et malgré des dénonciations justes et précises du fonctionnement du capitalisme, le discours des économistes et divers conseillers qui inspirent la mouvance « antilibérale » et altermondialiste (les « Économistes atterrés », le Conseil scientifique d’Attac, le Comité pour l’Annulation de la dette du Tiers-monde) et les « solutions » qu’ils proposent, reprises par une bonne partie de la « gauche du non » au traité, du Front de gauche à une partie de nos camarades du NPA, s’en tiennent à ces vœux pieux.

Une « démocratie » pas dans son assiette ?

Principal reproche qu’ils font au traité : son caractère « anti-démocratique », notamment du fait des sanctions automatiques (en clair des demandes de plans d’austérité) qu’il prévoit… même s’ils expliquent eux-mêmes que ces sanctions ne sont pas si automatiques que ça (voir notre article, Le pacte des gangsters, TSC… quoi ?). Bref, le traité contraindrait les prises de décisions de chacun des États, censées êtres plus démocratiques. Mais en quoi, par exemple, le gouvernement Monti en Italie, chargé d’appliquer les mesures d’austérité, et soutenu par les principaux partis du pays, serait-il une aide ? Et en quoi, en France, sommes-nous à l’abri derrière « notre » gouvernement ?

Les altermondialistes ont tendance à mettre l’adjectif « démocratique » à toutes les sauces, et en appellent à un « véritable processus constituant démocratique » européen, voire à « remplacer le FMI par une institution démocratique » [2]. Mais laquelle ? Démocratique par rapport à qui ?

Le livre de recettes

Ce ne sont pas les seuls vœux pieux qu’ils émettent. Comme par exemple « désarmer les marchés financiers » ou « lutter contre les paradis fiscaux » [3], au choix en les « éradiquant » ou en « interdisant aux banques et entreprises européennes d’avoir des activités et des filiales dans les paradis fiscaux » [4] (y compris les paradis fiscaux européens ?), voire « interdire les transactions spéculatives » [5] (sans que l’on comprenne bien comment les distinguer des autres transactions). Les politiciens de gauche comme de droite n’hésitent pas à tenir ce langage, et même les grandes puissances impérialistes, puisqu’une partie de ces objectifs sont censés être partagés par… le G20 [6]. Enfumages et promesses électorales…

Passons aux solutions « techniques » des Économistes atterrés et d’Attac : création d’un budget européen, d’une « banque publique de développement durable » [7], d’un « pôle public bancaire européen » qui serait sous le « contrôle démocratique des salariés, des citoyens » et… « des pouvoirs publics » [8]. Des pouvoirs publics ? De ces mêmes pouvoirs publics qui subventionnent à milliards les grands patrons licencieurs, les banques spéculatives ?

Parfois, on est dans la sophistication, comme cette proposition d’une « discrimination positive » qui contraindrait légalement « les grandes entreprises et les ménages riches » à acheter des obligations d’Etat à 0 % « proportionnellement à leur patrimoine et à leurs revenus » [9], alors que, pour les autres, le prêt sera rémunéré. Mais qui répartira ainsi plus « justement » les taux d’intérêt ? Ces mêmes pouvoirs publics ?

Le même arsenal de réformes est proposé pour la BCE (la Banque centrale européenne), dont la « refonte » semble être une priorité pour les altermondialistes. Ils expliquent, à juste titre, que les prêts de la BCE aux États passent forcément par les banques privées, permettant à ces dernières de s’en mettre plein les poches au passage. Ils dénoncent, exemples à l’appui, cette banque centrale au service du capital financier. Mais va-t-elle changer de rôle en passant sous contrôle des mêmes États… au service du même capital financier ?

Ces mêmes économistes bien intentionnés proposent une série de solutions clé en main. Mais, pour la population grecque, le problème n’est pas tant de demander une banque publique de « développement durable » que de faire payer les armateurs et l’Église exonérés d’impôts, ou encore les banques et les marchands d’armes français et allemands qui continuent à s’en mettre plein les poches grâce aux commandes d’armements et emprunts de l’État grec. Et qui payera pour le « budget européen » proposé par les économistes atterrés ? Là, pas de réponse. De ce côté-là, la mesure n’est pas si clé en main.

Finalement, ces propositions apparaissent plus comme le volet économique d’un programme électoral… pour une institution qui ne connait pas d’élections.

Bons conseils aux « pouvoirs publics », ou programme de mobilisation et de contrôle ouvriers ?

Ces propositions sont censées reposer sur les « mobilisations sociales et citoyennes européennes ». Mais quel type de mobilisations ? Il s’agirait, pour l’heure, avant tout de la campagne pour un référendum sur le traité européen, ainsi que pour un audit « citoyen » censé séparer le bon grain de l’ivraie dans la dette publique.

Dans toutes ces propositions il n’y a rien pour les travailleurs. Nous sommes donc appelés, au mieux, à nous mobiliser pour des revendications de conseillers « aux pouvoirs publics ». Au pire, à défendre le leurre de « la libre prise de décisions des Etats »… au service du capital, ce que d’aucuns appellent « la souveraineté nationale » !

Cela signifie-t-il que notre programme, celui des travailleurs mobilisés, ne concerne pas la finance ? Certainement pas. Mais notre programme, l’expropriation et la fusion des banques, des grands groupes capitalistes, sous le contrôle des travailleurs en lutte, ne peut pas être défendu en masquant qu’il s’agit en réalité d’une lutte de la classe ouvrière pour la direction de la société, donc pour le renversement du capitalisme.

Certes, il y a 95 ans, un certain Lénine proposait entre autres une mesure « technique », face à la « catastrophe imminente » (la crise, le chômage et la famine) en Russie, face « à la faillite financière »  : la fusion de toutes les banques en une seule en effet (un « pôle bancaire public » en somme), mais, disait-il, parmi une « série de mesures de contrôle ouvrier sur les capitalistes, prises par un gouvernement révolutionnaire »  [10] ! Une solution, certes, mais… à trois semaines de la prise du pouvoir par les soviets en octobre 1917 ! Un sacré détail, qui semble avoir échappé aux gentils diablotins du « processus démocratique ».

Toni ROUVEL, 20 septembre 2012


[1Rappelé opportunément par D. Millet et E. Toussaint dans AAA : Audit. Annulation. Autre politique. (2012)

[2- AAA p. 80

[3Pour Sarkozy, à l’époque des rodomontades, les paradis fiscaux étaient une « question qui fâche ». Doublé sur sa gauche.

[4Les économistes atterrés. L’Europe mal-traitée. Refuser le pacte budgétaire et ouvrir d’autres perspectives. (2012) p. 101

[5- Idem. p.100

[6- Là aussi rappelé opportunément par Attac dans Le piège de la dette publique. Comment s’en sortir. (2011) p. 153

[7L’Europe mal-traitée. p. 101

[8Le piège de la dette publique. p. 152

[9AAA. p. 163

[10- Brochure La catastrophe imminente et les moyens de la conjurer, chapitre « La faillite financière et les moyens de la conjurer » et suivants. 10-14 Septembre 1917.

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