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DOSSIER : Après les congrès CFDT et CGT : où vont les syndicats ?

Les raisons du « déclin des syndicats »

Mis en ligne le 1er avril 1999 Convergences Politique

La CGT avait 4 millions d’adhérents en 1948. Dix ans après, elle n’en a plus que 1,625 millions pour remonter à 2,377 millions en 1975 et redescendre quasiment sans interruption depuis cette date. En 1997 l’effectif déclaré était de 634 515. La CFDT, avait 572 000 adhérents en 1965, 900 000 en 1977, 535 000 en 1988. Depuis elle remonte pour atteindre 723 000 en 1997. Il faut prendre ces chiffres d’adhérents déclarés par les syndicats eux-mêmes avec prudence. Cependant la diminution depuis vingt ans des effectifs est incontestable.

Les explications objectives avancées par les dirigeants — le chômage, la précarité, les effectifs en constante décroissance des grands centres industriels, la dispersion des travailleurs dans les PME, etc. — sont bien réelles. Mais elles masquent leurs responsabilités politiques dans la situation. Depuis longtemps leur orientation ne permet pas aux travailleurs de lutter efficacement, d’améliorer leur situation par des victoires. Sur les vingt dernières années par exemple il n’y a quasiment pas d’acquis syndicaux. Comment les travailleurs, surtout ceux qui n’ont jamais été syndiqués, verraient-ils un intérêt ou une nécessité de joindre l’organisation syndicale.

Pour organiser chômeurs ou précaires... il faut les défendre

Il est indiscutablement plus difficile d’organiser les chômeurs que les salariés. Leur nombre pèse sur toute la classe ouvrière. Les intérimaires, les précaires, ceux qui ont un petit boulot, les temps partiels, les jeunes qui commencent à travailler par tous les petits boulots sont à la merci des patrons. Quelles mobilisations ont été organisées par les confédérations pour combattre le chômage ? Pour lier chômeurs et travailleurs ? Où sont les batailles pour l’embauche des intérimaires, des CDD, des temps partiels involontaires ? Pour la réduction du temps travail pour créer des emplois pour tous ?

A un autre niveau, les syndicats et les bourses du travail du début du siècle étaient des lieux naturels de soutien matériel et moral des chômeurs, des structures d’entre-aide ouvrière. Rien de tel aujourd’hui.

Une autre orientation ne serait-elle pas possible ? On en a quelques exemples avec le rôle qu’a joué SUD dans la création et l’animation d’AC !, ou parfois la place prise par la CGT chômeurs, comme à Marseille par exemple. Il y avait, il y a toujours d’autres possibilités à saisir qui placeraient les organisations syndicales au centre de la lutte contre le chômage, y compris du point de vue des chômeurs... et referaient peut-être des organisations syndicales les organisations de tous les travailleurs, ceux qui ont un emploi, ceux qui ont demi emploi et ceux qui n’en ont pas.

La classe ouvrière change, elle ne diminue pas

Les organisations ouvrières se sont appuyées sur leurs forces dans les grandes concentrations industrielles, très majoritairement masculines. L’évolution de la structure de la classe ouvrière les a percuté de plein fouet. Ces trente dernières années ont vu les grandes entreprises dégraisser leurs effectifs, voire disparaître. Les ceintures rouges des villes sont devenues des déserts industriels. Les petites et moyennes entreprises, le tertiaire, les techniciens et ouvriers très qualifiés, sont devenus de plus en plus nombreux. En même temps les femmes sont massivement entrées dans le travail salarié. Aujourd’hui la majorité des employés sont des employées, et les femmes sont de loin la majorité des smicards.

Pourtant au total la classe salariée et exploitée est plus nombreuse aujourd’hui. Et la situation comparée des ouvriers industriels, des techniciens et des employées du tertiaire est plus proche.

Organiser ces nouvelles couches et ces nouvelles entreprises, souvent plus petites en nombre de salariés, n’est certainement pas chose facile. Pas impossible quand même puisque, ici ou là, des militants syndicalistes ont su le faire, avec quelques petits succès... Jusqu’au personnel de certains Mac Do, c’est dire.

Cela exigerait un énorme effort militant des organisations syndicales ? Certes. L’histoire du mouvement ouvrier montre que les afflux en masse dans les organisations syndicales se sont produits lorsque une perspective de changement de leur sort était ouverte aux travailleurs : par la montée des luttes ou par la combativité d’un courant s’attelant à organiser les couches de prolétaires qui ne l’étaient pas encore.

La bureaucratie, première raison

Mais comment s’étonner que les syndicats ne se préoccupent guère d’organiser les nouvelles couches du prolétariat... puisqu’ils ne se sont même pas préoccupés de conserver les syndiqués dans leurs soi-disant bastions. Car dans ceux-ci il y a eu une désyndicalisation massive, comme les chiffres le prouvent. Et pas seulement parce que certaines usines ont disparu, ou que leurs effectifs se sont réduits : les effectifs syndiqués se sont réduits dans des proportions bien plus considérables encore.

Car c’est la bureaucratie elle-même qui a contribué à vider les syndicats. Sa politique qui tournait le dos aux intérêts des travailleurs quand elle ne les trahissait pas ouvertement et simplement. Et pour imposer cette politique de trahison, sa pratique de ne tenir aucun compte de l’avis des syndiqués, de ne même pas le leur demander, voire de les exclure quand ils le donnaient quand même. Combien de militants, de ceux qui auraient pu contribuer à faire du syndicat un organisme vivant, ouvert, combatif et attirant, ont été ainsi marginalisés, poussés dehors, carrément exclus ? Et pas seulement à la CGT, dont la réputation jusqu’à ces dernières années n’était plus à faire, mais aussi, ce qu’on oublie parfois, à la CFDT ou à FO.

Alors, combien de salariés refusent de se syndiquer car ils n’ont pas confiance dans le fait que le syndicat est démocratique et les représente vraiment ? Comment convaincre les travailleurs combatifs qui veulent la démocratie dans les luttes de rejoindre et de construire un syndicat qui ne la défend pas ? Combien de syndiqués écœurés par la pratique du PC dans la CGT ont-ils abandonné le combat syndical ? S’il est un reproche que l’on entend partout, dans les entreprises, c’est bien que les dirigeants syndicaux décident pour les travailleurs sans respect pour la démocratie, ou plus sobrement et plus populairement, « qu’ils n’en ont rien à faire de nous ».

En 1995 Thibault a appelé à cesser la grève avant les décisions des assemblées des cheminots, Notat ne s’est pas préoccupée de l’avis des syndiqués CFDT contre le plan Juppé.

Et certains se demandent quelles sont les raisons du « déclin des syndicats » ?

Charles PAZ


Leurs préoccupations... et les nôtres

Ce n’est qu’indirectement que l’érosion des effectifs affecte les appareils dirigeants qui, du fait de leur intégration, ont de nombreux moyens d’exister indépendamment de leurs syndiqués. Mais des effectifs amoindris signifient aussi des capacités amoindries d’encadrer les travailleurs, de faire passer d’inévitables pilules amères, de prévenir les explosions de colère et d’arrêter les conflits. C’est ce qu’ont exprimé tant Bernard Thibault, le nouveau secrétaire général de la CGT, qu’Ernest Antoine Seillière, le dirigeant du MEDEF.

Le premier a rappelé que l’existence des « coordinations » de 1986, lors de la grève des cheminots – coordinations qui avaient permis que les cheminots contrôlent en partie leur propre mouvement – était le reflet de la faiblesse relative des syndicats officiels. Quant au représentant des patrons, il déplorait « une situation de division et de minceur des effectifs » des syndicats français, ajoutant : « nous aimerions avoir, comme dans un certain nombre de pays, un syndicalisme de discussions et de négociation véritablement représentatif du secteur marchand ».

En effet les syndicats des pays nordiques par exemple organisent parfois plus de 50 % des travailleurs sans pour autant organiser la lutte de classe, mais sont au contraire les champions de la collaboration. Etre syndiqué dans ces conditions c’est souvent adhérer à une forme d’assurance bien loin de la conscience de la nécessité de la lutte.

Certes dans les luttes les travailleurs savent, et souvent doivent, se donner une organisation spécifique, comme les coordinations par exemple. Mais en-dehors des luttes une organisation permanente est indispensable pour maintenir le rapport de force vis-à-vis du patron. Et pour cela permettre l’activité continue, consciente, militante, démocratique, unitaire des travailleurs les plus actifs pour le combat de classe. De toute évidence ce n’est pas la définition du syndicat ni de Seillière... ni de Thibault.

J.J.F.


Le syndicalisme institutionnel à la française : « Représentativité » et « mandatement »

C’est en 1945 qu’est mise en place la notion de représentativité au niveau national. La CGT et la CFTC, membres du Conseil National de la Résistance en sont à l’initiative. De quoi s’agit-il ?

Lors des élections professionnelles (délégués du personnels et délégués au Comité d’Entreprise) les organisations syndicales reconnues représentatives par le gouvernement ont le monopole des candidatures au premier tour. Il n’y a de second tour que si moins de 50 % des inscrits ont voté au premier tour. Autant dire que les syndicalistes dissidents auront bien du mal à se présenter aux suffrages de leurs camarades de travail.

En 1968, aux accords de Grenelle, la CGT et les autres appareils syndicaux obtiennent de De Gaulle, pour prix de la reprise du travail, la « reconnaissance de la section d’entreprise » avec délégués syndicaux et représentants syndicaux au Comité d’Entreprise non élus, dotés d’heures de délégation. Bien entendu, seuls les syndicats reconnus comme « représentatifs » peuvent bénéficier de ces avantages.

Des syndicats dissidents (s’étant par exemple constitués à la suite d’exclusions de militants) devront faire la preuve de leur représentativité locale auprès du tribunal (au vu, entre autres, de leurs résultats électoraux, si tant est qu’ils aient eu la possibilité de se présenter lors d’un second tour !). Aujourd’hui, un syndicat comme SUD, qui s’est constitué sur une base combative contre la ligne recentrée de la CFDT, doit prouver sa « représentativité » contestée le plus souvent par les grandes centrales qui refusent qu’on vienne s’installer sur leurs plates bandes.

Le monopole des appareils et la démangeaison du stylo va encore s’aggraver avec l’innovation de la loi Aubry : « le mandatement ». Il s’agit de permettre à des salariés d’une entreprise de signer un accord sans être syndiqués, sans être délégués syndicaux, en étant simplement mandatés à cet effet par une organisation représentative. Cela conduit à ce que les employeurs commencent à négocier avec un ou des salariés choisis par eux, et puis contactent un syndicat pour qu’il mandate les négociateurs pour signer. Actuellement 40 % des accords Aubry ont été signés par des mandatés ! Et toutes les confédérations se sont précipitées sur cette loi pour accroître leur « implantation ». Mais le mandatement accentue encore la distance entre le représentant qui signe et l’organisation collective minimale des travailleurs : il n’est plus là pour représenter plus ou moins bien les travailleurs au quotidien, mais ne sert qu’à signer. C’est à cela que les patrons réduisent l’utilité du syndicat et on n’a pas vu beaucoup de dirigeants syndicaux s’élever contre cette mesure !

C.P.

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