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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 4, juillet-août 1999

Les prétendues 35 heures à la SNCF : Collusion des dirigeants CGT et CFDT avec la direction

Mis en ligne le 1er août 1999 Convergences Entreprises

Après avoir cassé la grève des cheminots contre les 35 heures à la sauce Aubry-Gallois, les fédérations CGT et CFDT de la SNCF ont donc finalement signé l’accord sur les 35 heures le vendredi 4 juin.

Une parodie de démocratie

Est-ce que le résultat du référendum sur lequel se sont appuyés les responsables fédéraux CGT et CFDT des cheminots pour signer est vraiment une « victoire de la démocratie » comme l’a estimé Didier Le Reste, secrétaire de la fédération CGT ? Y a-t-il des raisons de se féliciter que « 90 000 cheminots aient répondu » comme le fait Denis Andlauer, secrétaire fédéral CFDT ? La démocratie ! Alors que deux cheminots sur trois n’ont pas voulu participer ou ont répondu « non » à ce référendum organisé, rappelons-le, sous le contrôle des seules fédérations CGT-CFDT, favorables au « oui », avec l’appui logistique du patron.

En fait, un peu moins de 50 % des cheminots (88 460 soit 47,19 %) ont participé au référendum (toutes réponses confondues), moins que le nombre de voix que les seules CGT et CFDT obtiennent lors des élections professionnelles (68 % des votants pour plus de 80 % de participation au vote).

Un « oui » ni massif (52 299 réponses positives, soit 28 % des 187 467 cheminots), ni très net, vu la formulation de la question : « considérez-vous que pour l’essentiel, (emploi, conditions de vie, conditions de travail) le texte proposé va dans le bon sens ? ».

C’est le patron, Louis Gallois, qui, à plus juste titre, peut se féliciter de la bonne marche de l’opération, « une étape dans le dialogue social à la SNCF ». Ce dialogue social d’un nouveau type auguré par le rapprochement de Bernard Thibault et Nicole Notat, on le voit ici, vise surtout à faire passer des mesures dont bon nombre de salariés ne voulaient pas. Le prétexte avancé par les fédérations pour signer est la promesse de créer 5500 emplois d’ici fin 2001 n’est même pas vrai, car il s’agit surtout de l’embauche au statut de bon nombre de contractuels, ce qui est bien sûr positif mais ne créera pas un emploi de plus. La contrepartie, bien réelle cette fois, est que les agents devront accepter plus de flexibilité dans l’organisation du travail. Le travail de nuit et de week-end sera introduit dans l’ensemble des établissements, même là où il n’avait pas cours. Les salaires seront freinés ou même carrément en baisse avec la perte d’un certain nombre de primes. Et les jours de congés supplémentaires seront à la disposition du patron en fonction du service.

Les cheminots avaient répondu par la grève

Depuis le début la fédération CGT et, même si c’est dans une moindre mesure, la fédération CFDT, se sont opposées à leurs syndiqués en essayant de les « convaincre » d’accepter la signature. La CGT a même pratiqué la désinformation systématique en prônant dans un long document les qualités d’un accord qui devait créer des emplois et offrirait des jours de congés supplémentaires. La réponse des cheminots à cette campagne a été la grève des conducteurs.

Formellement, elle a démarré suite à un mot d’ordre de la seule FGAAC. En fait, la plus grande partie des militants CGT, mais aussi de SUD, et même de la CFDT mais aussi des non-syndiqués, ont été le moteur de cette grève. Malgré le désaveu de la fédération CFDT et de la CGT. La fédération CGT n’a pas hésité à se heurter aux militants du rang voire à des syndicats entiers. Quant à SUD, il a commencé par dénoncer au sommet le mot d’ordre de la FGAAC, puis comme bon nombre de syndiqués de SUD avaient rejoint la grève, la direction de SUD a finalement lancé le mot d’ordre pour la semaine suivante d’une grève reconductible valable pour toutes les catégories. Mais on ne peut pas pour autant dire qu’elle ait fait ce qu’il fallait pour étendre réellement la grève.

Elle s’est pourtant étendue : d’abord à un nombre significatif de conducteurs, puis à des secteurs sédentaires comme à Rouen Quatre Mares, ou Paris-St Lazare, grâce à l’initiative de militants de toutes étiquettes syndicales qui se sont déplacés par équipes pour discuter de l’accord et des raisons du mouvement dans les secteurs pas encore en grève.

Vouloir l’extension de la grève était d’autant plus légitime que l’accord sur les 35 heures vise tout le monde. Ce n’est pas le problème d’une seule corporation. Ce qui n’a pas empêché le secrétaire CFDT, Denis Andlauer (l’un des responsables de la défunte opposition CFDT « Tous ensemble » qui s’est auto-sabordée au dernier congrès de la confédération), de s’en prendre dans la grande presse aux grévistes qui ne seraient que « 2,5 % ». Si, par la suite, il est revenu sur ses propos dans « Rouge » en reconnaissant qu’ils n’étaient peut-être pas très judicieux, c’était pour en remettre une couche contre « la grève catégorielle » de la FGAAC au « comportement réactionnaire. Tout ce qui bouge n’est pas rouge ». Le patron n’aurait pas osé en dire autant !

La grève s’est arrêtée au bout de dix jours, cassée par les directions CGT et CFDT pressées de signer l’accord. Bon nombre de responsables fédéraux se sont fait dire leurs quatre vérités, les cartes ont volé, et nombre de militants syndicaux et de non syndiqués en colère attendent la seconde manche. Car le problème n’est pas réglé. Le projet national est signé, mais les discussions décentralisées vont commencer probablement en septembre, l’accord devant être opérationnel au 1er janvier 2000. Les directions locales de la SNCF s’activent déjà pour trouver les postes à supprimer et détecter les « temps morts » afin de réorganiser le travail d’une façon plus flexible.

Il n’est pas dit que dans ces accords locaux les directions syndicales puissent continuer à faire la loi. Il est même possible que certains militants syndicalistes, qui sont restés solidaires de leur direction pour arrêter le mouvement national, essaient alors de regagner auprès de la base le crédit que leur fédération leur a fait perdre…

Le référendum, puis la signature de l’accord, ont été perçus par nombre de cheminots – et pas seulement les grévistes – comme une trahison ouverte, délibérée. Le ministre PCF Jean-Claude Gayssot y a peut-être gagné ses galons gouvernementaux de briseur de grève efficace. Mais bien des militants ont pu vérifier que ce n’est ni à Matignon, ni dans les salons, ni aux sièges des confédérations syndicales que se trouvent leurs amis. La plupart des cheminots n’attendaient déjà plus rien de Nicole Notat, mais ceux qui avaient des illusions en Bernard Thibault et dans le recentrage de la CGT et son ouverture nouvelle, ont pu vérifier que la confédération CGT s’est surtout ouverte aux propositions patronales, pas aux luttes. Pour la première fois depuis des décennies, ils ont vu les appareils syndicaux les plus influents s’opposer ouvertement à leur grève. De quoi être vacciné pour les étapes suivantes.

La première manche de la lutte contre les 35 heures à la mode Gallois-Aubry a échoué, grâce aux directions CGT et CFDT qui ont volé au secours de la direction. Reste la deuxième manche, d’autant que se profilent déjà d’autres attaques sur les retraites. Les cheminots savent clairement que cette fois il leur faudra s’imposer jusqu’au bout à des directions confédérales qui viennent de choisir le camp du patronat et du gouvernement.

Cela souligne d’autant plus la nécessité de la mise en place, lors des prochaines luttes, d’organismes représentatifs des travailleurs en grève, à savoir des comités de grève et des coordinations, contrôlés démocratiquement par les travailleurs en grève. Les cheminots en ont déjà fait l’expérience dans le passé. S’ils veulent réussir, ils doivent renouer avec cette expérience.

Cécile Bernier

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