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Ouvrières du Textile d’Asie

Les nouvelles « machines à coudre du monde »

Mis en ligne le 17 juin 2013 Convergences Monde

Adidas a fermé sa dernière usine dans ce pays parce que les salaires y seraient « trop élevés ». La France ? L’Italie ? Pas du tout, cela se passe en Chine. Face aux 107 dollars de leurs camarades cambodgiens, les travailleurs de la Chaussure chinois et leurs 258 dollars mensuels n’ont pas tenu le coup.

Restructuration à l’échelle du tiers de l’humanité

Les délocalisations touchent en ce moment les secteurs les moins mécanisés, incorporant beaucoup de travail peu qualifié. Il s’agit pour partie d’un redéploiement des zones côtières comme le Guangdong (la région de Canton), berceau du décollage économique, vers l’intérieur encore sous-développé de ce pays-continent. Mais dans le cas du Textile, les usines se sont transplantées dans toute l’Asie du sud-est, du Bangladesh au Vietnam en passant par le Laos. 150 des 370 usines textiles cambodgiennes vouées à l’exportation ont ainsi surgi de terre depuis deux ans. Entre rachat et construction, les capitalistes chinois en sont venus à posséder 80 % du total et leurs semblables coréens 10 %.

Toutes les usines textiles quittent la Chine ? Oh non ! Il s’agit des ateliers de confection. La Chine conserve – et même développe – les activités plus rentables. Avec l’Inde, spécialisée pour sa part dans le coton, elle est l’un des rares pays à maîtriser à peu près toutes les activités de la filière : production de fibres, tissage, confection. N’allez pas croire que « nos » trusts occidentaux n’en profitent pas : Air Liquide vient par exemple d’investir 350 millions d’euros dans la fourniture de gaz industriels nécessaires à la synthèse du nylon dans le Fujian, au sud-est du pays.

L’exemple du Bangladesh

Les textiles du Bangladesh sont – tout comme ceux du Cambodge – exportés à plus de 80 %. Les 4 millions de travailleurs de la branche font tourner 6 500 usines, depuis les grosses unités ayant pignon sur rue jusqu’aux petits ateliers. La rapidité d’exécution est capitale pour remporter des contrats. Aussi les manufacturiers n’hésitent-ils pas à engranger plus qu’ils ne peuvent produire. Ils délestent le surplus – en fait la partie la moins rentable de la fabrication – sur une myriade de petits sous-traitants dont le profit dépend de la capacité à exploiter les salariés davantage que la moyenne.

Le Bangladesh a si peu de travailleurs qualifiés qu’une bonne partie de l’encadrement vient de l’étranger. C’est ce que certains économistes appellent « le moment T-shirt » : une période censée amorcer une ère de prospérité, en surexploitant la main-d’œuvre pour accumuler le capital nécessaire à une « montée en gamme » comme en connaît la Chine aujourd’hui.

H&M ou Levi Strauss peuvent bien annoncer qu’ils se tournent vers la Mauritanie ou l’Afrique du Sud, aucun pays d’Afrique ou d’ailleurs n’offre de capacités de production aussi volumineuses pour un coût aussi dérisoire que le Bangladesh. L’effondrement des droits de douane combiné à l’expiration des quotas de production par pays explique que 28 % des T-shirts achetés en France proviennent de ce pays.

Invasion planifiée par l’OMC ? Concurrence déloyale contre laquelle il faudrait protéger l’industrie française, comme dit Montebourg ? Que nenni ! Les « partenaires » du Bangladesh ont négocié en contrepartie l’ouverture du marché bangladais à leurs produits à eux, d’une valeur bien supérieure. La Chine comme les autres : l’État y a d’autant plus accompagné l’éjection des ateliers de confection qu’il préfère consacrer ses ressources énergétiques ou ses droits à polluer à des industries technologiquement supérieures.

Peut-être plus qu’un mauvais moment à passer...

Et l’effet « T-shirt », censé apporter le progrès après des années de noire exploitation n’aboutit qu’à faire passer les ateliers d’un pays à l’autre chaque fois qu’un petit développement fait monter le coût du travail. Ainsi le Vietnam miserait aujourd’hui sur l’étape suivante, en formant des travailleurs qualifiés, en dopant la productivité par la mécanisation tout en apportant l’aide de l’État aux capitalistes locaux pour leur permettre de prendre pied en Afrique.

Le Bangladesh, lui, dépend du textile, qui fournit 80 % des recettes d’exportation. Et son seul avantage réside dans la faiblesse de ses salaires – au risque d’anéantir une partie de sa population car, si les salariés réguliers touchent 37 dollars par mois, les migrants ou les enfants, plus vulnérables, ne sont parfois tout simplement pas payés !

M.P.

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Numéro 88, juin-juillet-août 2013

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