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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 94, juin-juillet-août 2014

Les guerres de Hollande en Afrique : Plus impérialiste que moi, tu meurs !

Mis en ligne le 14 juin 2014 Convergences Monde

Après avoir successivement lancé deux guerres en Afrique, la première au Mali en janvier 2013, la seconde en Centrafrique il y a six mois, voilà que Hollande s’est saisi du prétexte du rapt de collégiennes par la secte Boko Haram pour tenter d’avancer un pied dans un pays, le Nigeria, ne faisant pas partie des anciennes colonies de la France. Mais quand on s’érige en gendarme de l’Afrique, pourquoi ne pas rêver d’offrir aux patrons français, en plus du bois, des diamants, de l’or ou de l’uranium que l’armée est en train de défendre dans l’ex-Afrique française, une petite ouverture vers les richesses du Nigeria, principal pays pétrolier du continent ?

Cette nouvelle opération s’est limitée pour l’instant à une conférence à Paris, le 17 mai, où Hollande a paradé aux côtés des présidents du Nigeria, du Tchad, du Cameroun, du Niger et du Bénin, tous se promettant de mutualiser les moyens de renseignement et d’échanger les informations. Ce qui serait paraît-il beaucoup, vu que chacun des participants se méfie de l’autre.

Mais où en sont aujourd’hui les deux guerres en cours ? Ces guerres dont on nous avait dit qu’elles ne devaient être que des opérations éclairs, et humanitaires bien sûr, pour sauver le Mali de la sécession et la Centrafrique du marasme.

Au Mali, la guerre n’en finit pas

Le ministre français de la Défense avait annoncé, début mai, que la guerre au Mali était « en train de se terminer dans sa phase de guerre frontale contre les groupes jihadistes ». Il a dû annoncer fin mai qu’il reportait aux calendes grecques la réduction du nombre de soldats engagés. Des affrontements dans la ville de Kidal entre les indépendantistes Touareg du MNLA, qui contrôlent la ville, et l’armée malienne avaient tourné à la débâcle des troupes gouvernementales et fait 50 morts dans leurs rangs. Quant aux groupes jihadistes, dont le renforcement a été en grande partie le fruit de la guerre menée en Libye par Sarkozy deux ans plus tôt, ils se sont seulement déplacés.

En Centrafrique, le chaos

Mais c’est en Centrafrique que l’intervention française a aujourd’hui les conséquences les plus catastrophiques. Vendredi 30 mai, le commandement militaire français à Bangui a annoncé que ses troupes « réagiront avec la plus grande détermination à toute prise à partie de ses soldats ou menace contre les habitants de la capitale ». Car les soldats en question ont bien été pris à partie ou en tout cas hués. Et pas sans raison.

Dans la capitale centrafricaine, et notamment près de l’aéroport où stationnent les troupes françaises et celles des forces internationales engagées à leurs côtés, plusieurs manifestations ont eu lieu, demandant le départ du gouvernement de transition mis en place par la France et celui des forces militaires étrangères.

La situation y est de plus en plus tendue depuis l’attaque d’une église, mercredi 28 mai, qui a fait 17 morts. En représailles, une mosquée était à son tour mise à sac et des milices anti-balaka (les milices dites « chrétiennes ») ont multiplié les ratonnades, lynchant et tuant trois jeunes musulmans qui se rendaient à un match. Dans le quartier où se sont regroupés les quelques milliers de musulmans qui restent encore à Bangui (seulement 15 000 aujourd’hui), on reproche aux troupes françaises et à celles de la MISCA [1] leur complicité avec les milices anti-balaka. De l’autre côté, l’attaque contre l’église a servi de prétexte pour reprocher à ces mêmes troupes de ne pas assez protéger la communauté dite chrétienne, devenue aujourd’hui l’essentiel de la population de la ville.

Des notables choisis par la France et rivaux entre eux

La presse rapporte qu’au sein même du gouvernement provisoire, mis en place il y a quelques mois sous la houlette de la France et comprenant des ministres issus des deux communautés, certains considéreraient les derniers évènements comme des provocations soutenues… par leurs collègues ministres du clan d’en face. Quant à la présidente, elle a promis le désarmement du seul quartier musulman restant à Bangui, sans parler de celui des milices chrétiennes. Autant dire qu’elle lançait un appel à l’achèvement de la « purification ethnique » ou « purification religieuse » de la capitale centrafricaine.

Il est bien difficile de savoir ce que pense le gros de la population centrafricaine, victime de ces guerres de milices que l’arrivée des troupes françaises il y a six mois n’a fait qu’aviver. Sauf que l’ampleur des manifestations de ces derniers jours à Bangui (le journal Le Monde parle de milliers de manifestants), comme les quelques interviews de manifestants à la télévision, témoigne qu’elles ne sont pas seulement le fait de tel ou tel clan, mais expriment un ras-le-bol de la population face au chaos dans lequel s’enfonce le pays.

Un pays coupé en deux

L’arrivée de l’armée française en décembre 2013, pour renverser le gouvernement établi quelques mois auparavant par la Seleka (des groupes armés venus des régions à majorité musulmane, avec l’appui du Tchad), pas assez à la botte de Paris, avait donné des ailes aux milices rivales. Et il s’en est suivi, sous les yeux consentants de la France, une véritable chasse aux gens venus du Nord et plus généralement à tous les musulmans de la capitale, chasse qui s’est étendue à toute la région sud-ouest du pays.

Résultat des opérations : plus d’un million de Centrafricains ont fui leur domicile (dont la quasi-totalité des musulmans de la capitale) ; 700 000 sont partis dans les régions nord et est du pays, 300 000 dans les pays voisins. Le pays est maintenant quasiment coupé en deux, Nord et Est « musulmans », Sud et Ouest « chrétiens ». Quant au Tchad, le grand allié de la France en Afrique, il a été prié d’écarter de la capitale centrafricaine ses troupes jugées favorables aux groupes de la Seleka. Il est chargé du seul contrôle du nord du pays. Mais il en est surtout à renforcer le contrôle de ses propres frontières, de peur que les déplacés centrafricains ne cherchent à se réfugier au Tchad.

Une façon de piéger les Centrafricains dans leur misère et dans la guerre.

30 mai 2014, Olivier BELIN


[1Mission internationale de soutien à la Centrafrique : regroupement des troupes envoyées par les États africains alliés de la France.

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