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Les directions syndicales vont leur train… parfois ça déraille !

1er février 2005

Le viol d’une contrôleuse le 25 janvier à bord d’un train Toulouse-Cahors a déclenché l’indignation et la colère de tous ses collègues à l’échelle de tout le pays. Une grève spontanée s’en est immédiatement suivie. Démarrée à Toulouse sitôt les faits connus, elle s’est répandue comme une traînée de poudre et a paralysé dès le lendemain le trafic voyageurs dans les trois quarts des régions – Gallois le PDG de la SNCF lui même le reconnaissait. Elle s’est poursuivie un second jour dans 13 régions sur 23, et même un troisième dans les régions de Toulouse, Bordeaux et Rouen. Quelques agents de conduite, notamment au dépôt de Sotteville les Rouen, se sont également joints au mouvement.

A l’échelle de la SNCF, les contrôleurs (ASCT, selon la désignation maison) représentent un peu plus de 5 % de l’effectif (ils sont 8400), mais sans eux, la plupart des trains de voyageurs ne peuvent pas rouler. Aussi cette grève, partie sans aucun préavis – n’en déplaise à tous ceux qui se sont félicités de la signature du dernier accord allongeant les délais déjà existants – et sans véritable appel des fédérations syndicales, a eu les effets les plus retentissants. Aucun des mouvements bien « carrés » et bien encadrés initiés par les dirigeants des appareils et notamment celui qui est majoritaire, la CGT, n’a pu avoir ces dernières années un tel impact. De quoi donner des idées à plus d’un cheminot…

Eh bien si les militants de la base de la CGT n’ont pas eu davantage que ceux de SUD besoin des consignes de leur direction pour trouver le bon chemin – « nos délégués appuient localement ces mouvements », a affirmé le 26 janvier Didier Le Reste secrétaire général de la CGT-Cheminots – on aura cherché vainement non seulement tout appel à l’extension du mouvement de la part de la direction fédérale CGT, mais également toute incitation à maintenir la grève sur les objectifs que s’étaient donnés les contrôleurs.

Un communiqué daté du 27 janvier, diffusé en tract, indiquait : « Pour sa part la fédération CGT des cheminots a proposé aux autres fédérations d’exiger de la Direction de la SNCF la tenue d’une table ronde portant sur les conditions de travail et la sécurité des ASCT. » S’en suivait la série des mesures annoncées lors de la tenue de cette table ronde, dont pour l’essentiel la promesse d’un supplément de 50 emplois. Et le communiqué poursuivait et concluait ainsi :

« Sans répondre à l’ensemble des attentes et aspirations des ASCT, la direction de la SNCF a été contrainte de faire un certain nombre de propositions qu’il s’agit d’apprécier dans le contexte actuel.

Il conviendra de vérifier la mise en œuvre de ces engagements. La CGT appelle ses militants(e) à faire preuve de la plus grande vigilance et à veiller à ce que l’évolution de l’emploi permette d’améliorer les conditions de travail, la sûreté et la qualité du service rendu aux usagers. »

Or 50 emplois supplémentaires, cela ne représente que 2 à 3 contrôleurs… par région. On est loin de ce que réclamaient les grévistes ! Les contrôleurs demandent au moins deux agents par train, ce que tout le monde, cheminot ou pas mais direction SNCF excepté, considère comme totalement justifié. Ceux d’entre eux qui ont prolongé leur mouvement, l’ont donc fait en se passant de l’appui qu’aurait normalement du leur offrir une direction syndicale digne de ce nom.

Les grévistes sont entrés en lutte contre la politique de la compagnie ferroviaire qui en quelques années a supprimé des centaines d’emplois d’ASCT. Le problème des contrôleurs est celui non seulement de tous les cheminots, confrontés partout aux suppressions d’emplois, mais aussi celui de tous les services publics aujourd’hui, face à l’offensive gouvernementale. Nul ne peut dire si une autre attitude des directions syndicales aurait pu permettre ou pas d’élargir le mouvement, mais ce qui est certain c’est que celle qui est la plus influente d’entre elles n’a surtout rien voulu tenter.

Les directions fédérales ou confédérales peuvent à l’occasion lancer des journées d’actions avec des appels à une « grève carrée » – mais surtout pas tout le monde en même temps ! – comme les 18, 19 et 20 janvier, ou encore à une journée de manifestation comme pour le 5 février, mais pas engager le mouvement d’ampleur nécessaire pour faire gagner les travailleurs, ni profiter des meilleures occasions pour lui donner ses chances de se développer. Ce qui ne signifie pas que les militants ouvriers qui ont conscience de la nécessité du « tous ensemble » et se donnent la généralisation des luttes pour objectif, doivent tourner le dos aux initiatives des directions syndicales. Dans la mesure où celles-ci peuvent aider un plus grand nombre de travailleurs à prendre conscience de la nécessité de la lutte, ils doivent au contraire y participer. Mais ils ont aussi à convaincre les travailleurs autour d’eux qu’ils ne pourront pas compter sur les chefs syndicaux pour mener leurs luttes jusqu’à satisfaction ; et ils doivent leur faire prendre conscience que c’est avant tout d’eux-mêmes, de leur volonté de s’organiser et de prendre directement en main la direction de leurs luttes, que dépendra ou pas la défense de leurs intérêts.

Louis Guilbert

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