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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 32, mars-avril 2004

Les chômeurs d’Alès contre les coupures de courant

Mis en ligne le 6 mars 2004 Convergences Politique

Depuis sa création durant l’hiver 97/98 le Collectif d’action contre le chômage d’Alès et des Cévennes a constamment été confronté au problème des coupures pour impayés. 20 000 coupures par an dans le Gard selon les chiffres de monsieur Delaunay directeur départemental EDF, soit environ 2 millions de coupures/an pour l’hexagone. Les coupures concernent certainement une majorité de précaires et de chômeurs.

La plupart des chauffages modernes, même quant ils ne sont pas purement électriques, sont régulés à l’électricité : se voir couper le courant c’est se voir couper le chauffage. Pas drôle quand c’est en plein hiver et qu’on a des enfants ! A la demande des intéressés nous avons donc multiplié les interventions, généralement avec succès, allant d’accompagner la personne à EDF jusqu’à débouler, banderoles en tête, dans les bureaux de cet organisme.

Le drame de Saint Ambroix

Mais pendant que nous faisons rétablir l’électricité chez un chômeur, six agents à plein temps sur Alès sont employés à couper (ou remettre) le courant ailleurs : nous avons très vite senti la nécessité de frapper plus fort. Le 15 janvier 2001 EDF coupait le courant à une jeune mère de famille et à sa gamine de trois ans. C’était dans un vieux taudis du vieux Bessèges. Le 26 février, à notre appel, publiquement devant la presse et les photographes convoqués, nous remettions le courant. Ceci était passible de prison, nous le savions, mais nous savions aussi qu’il serait difficile de nous poursuivre. Laisser une enfant de trois ans sans électricité ni chauffage n’est guère défendable en 2001 ! Nous avons annoncé que nous continuerions à remettre le courant à toutes les personnes dans cette situation qui nous le demanderaient. Nous l’avons fait. Comme prévu EDF n’a pas osé nous poursuivre.

Le 5 décembre 2001, à Saint Ambroix, Philippe Comte, un jeune chômeur de 35 ans, est mort asphyxié dans l’incendie de son appartement. EDF lui avait coupé le courant depuis deux mois. Il s’éclairait à la bougie et il a mis le feu. Il devait 1400 F (213,5 €) ! les services de la DDSS ont viré cette somme sur le compte d’EDF le 12 décembre : une semaine après sa mort. Peut-être que Philippe aurait pu faire les démarches plus rapidement… Il n’en reste pas moins qu’il est mort parce qu’il devait 1400 F à EDF.

Ceci a bien sûr révolté tout le monde. Il nous fallait relancer l’action, de façon plus systématique.

Notre cahier de revendications

  • 1)Interdiction des coupures d’électricité pendant la même période que celle où il est interdit d’expulser les gens de leur logement. Une mesure d’urgence, à prendre tout de suite et qui n’aura plus nécessité d’être le jour où nos autres revendications seront satisfaites.
  • 2)Le minimum d’énergie électrique dont doit disposer une famille c’est ce qu’il faut pour alimenter une machine à laver, un frigo, une télé et quelques ampoules. Cela représente environ 3 KVA. C’est la puissance qu’actuellement EDF laisse temporairement aux familles dites « en minimum d’énergie » avant de procéder à la coupure pure et simple. Nous demandons que le droit à l’énergie électrique pour tous, affirmé par la loi du 10 février 2000, soit matérialisé par le maintien de cette puissance à tous ceux qui sont en dessous du seuil de pauvreté européen. La facture étant directement payée par l’Etat à EDF.
  • 3)Le droit des pauvres à se chauffer doit être matérialisé par l’attribution aux familles au dessous du seuil de pauvreté de bons chauffage, par exemple de chèques chauffage analogues aux chèques restaurant leur permettant un chauffage décent en hiver.
  • 4)L’électricité, affirme la loi sur le service public de l’électricité du 10 février 2000, est un produit de première nécessité : la TVA sur sa consommation doit être ramenée à 5,5% (19,6% à l’heure actuelle).
  • 5)Il faut casser le marché lucratif du taudis. La loi doit dans ce but prévoir des normes d’isolation thermique des appartements et des normes de qualité pour les appareils de chauffage très strictes. Vérification doit être faite par un organisme agréé. Les propriétaires désireux de louer à des personnes ou des familles bénéficiant des aides publiques au logement doivent impérativement obtenir cet agrément.

Ces différentes revendications ont été pesées et discutées par les chômeurs eux-mêmes avant d’être adoptées en assemblée générale. Différentes préoccupations y transparaissent :

  • La suppression du régime des aides actuellement en vigueur et son remplacement par le droit pour tous les précaires à 3 KVA payés par l’Etat.
  • L’attribution de chèques chauffage, plutôt que de l’argent liquide qui risque de disparaître dans les dettes courantes.
  • La mise en place du contrôle technique des appartements, autrement dit la guerre aux marchands de sommeil.

Les arrêtés municipaux, un premier succès

Nous avons écrit aux ministres, aux députés, à EDF, distribué des tracts, rencontré EDF et les politiciens sans autre succès que de faire connaître nos revendications et notre action. Notre objectif serait de convaincre les organisations nationales de chômeurs de s’associer à notre action, à l’échelle du pays.

Pour commencer, nous avons choisi de centrer notre action sur la première de nos revendications et de demander aux maires de prendre des arrêtés municipaux interdisant les coupures de courant en hiver, du 1er novembre au 15 mars, durant la même période que celle où il est interdit d’expulser les gens de leurs appartements. Nous avons écrit à tous les maires du département et sommes allés voir beaucoup de maires des environs d’Alès. Nous avons le soutien de Marie-George Buffet, d’Arlette Laguiller, d’Olivier Besancenot et localement d’une partie du PS.

Dans le Gard, 40 maires ont pris à ce jour un arrêté ou un délibéré. Les arrêtés ont force de loi. Les délibérés, plus démocratiques, n’ont pas de valeur juridique : nous avons écrit à ces maires pour leur demander de compléter leur délibéré par un arrêté. Le préfet, si un arrêté ne lui convient pas, a deux mois pour en faire la remarque au maire. En cas de persistance du maire dans son opinion il a deux mois de plus pour porter l’affaire devant le Tribunal administratif. Le préfet a fait quelques lettres de remontrances mais n’a transmis aucun dossier devant le Tribunal administratif. Pour six des arrêtés les délais sont déjà passés.

Nos prochains objectifs

Aller voir personnellement les 385 maires de notre département nous prendrait des années. Nous avons écrit aux présidents des 40 communautés de communes pour leur demander de nous inviter en début ou en fin d’une de leurs réunions : voir une dizaine de maires d’un coup accélérerait les choses.

Les arrêtés ont force de loi en notre faveur. Il faut, en liaison avec les intéressés et avec les mairies, contraindre EDF à les respecter. Nous pouvons faire assigner EDF en référé par les personnes privées d’électricité : une condamnation d’EDF aurait certainement un impact très fort qui la rendrait plus prudente.

Dans les Landes, des associations ont pris exemple sur notre initiative et ont obtenu une trentaine d’arrêtés et de délibérés. Cela commence aussi en Haute-Vienne. Enfin un arrêté a été pris, à l’initiative des conseillers municipaux de Lutte ouvrière, à Watreloo dans le Nord.

29 février 2004

Sébastien LENOIR

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