Editorial
Le seul référendum à préparer : dans la lutte, la rue, la grève
Mis en ligne le 30 septembre 2004 Convergences Politique
Chirac lui-même ne doit pas en revenir. Certes, en inventant un référendum au beau milieu d’une période de trois ans sans élections (trois ans, vous vous rendez compte, comment la classe politique pourrait-elle tenir !) il en espérait certainement, outre une division de la gauche, une polarisation des attentions sur ce sujet plutôt que sur ceux qui concernent vraiment la vie des gens. Mais un tel déchaînement de passions (le plus souvent feintes, bien sûr) alors que nous sommes plus d’un an avant que le référendum n’ait lieu et sans même la certitude qu’il aura lieu...
Certes, on ne s’étonne pas que le Parti socialiste tout entier, des « éléphants » aux animaux de moindre envergure, se soit rué sur l’occasion. Pour ces gens tout est bon pour éviter d’intervenir, de faire campagne sur les problèmes de la population laborieuse, le chômage, les bas salaires, les conditions de travail, ou même d’en parler sérieusement.
Et le psychodrame autour des états d’âme de Fabius et de ses chamailleries avec ses pairs ne prêterait qu’à rire s’il n’avait d’autre conséquence que de régler des comptes au sein de la direction du PS, voire de décider qui sera ou ne sera pas le candidat du parti aux prochaines présidentielles. Mais il vient se surajouter aux campagnes pour le non pratiquement déjà entamées par le PCF et même une partie de l’extrême gauche.
Ainsi tout est fait par cette gauche pour persuader ceux qui peuvent lui prêter attention, c’est-à-dire la majorité des travailleurs combatifs et des militants du mouvement ouvrier, que la question décisive des dix-huit mois à venir sera ce référendum et son résultat. Déjà des directions nationales des syndicats se positionnent, CFDT pour le oui, Sud pour le non, et la discussion enfle parmi les militants, notamment de la CGT, allumée par les partisans du non, mais tisonnée par le fait qu’aucune autre perspective de combat ne leur est proposée.
C’était là le piège tendu par Chirac : distraire des vrais problèmes, agiter un leurre. Car tout le monde sait, et bien des partisans du oui comme du non le disent ouvertement, que quel que soit le résultat il n’aura pas de conséquences fondamentales sur la construction européenne : rejetée la constitution proposée laisserait les choses en l’état où elles sont déjà, adoptée elle ne les aggraverait ni ne les améliorerait. Comme il n’aura pas non plus de conséquence sur la politique française puisque, qu’on dise oui, qu’on dise non ou qu’on s’abstienne, Chirac restera président et la droite majoritaire au parlement. Qu’est-ce que les victoires successives et rapprochées de la gauche aux élections régionales et aux européennes ont changé ?
Alors ? Alors il est de la plus grande importance que les travailleurs, les militants ouvriers, syndicalistes, de gauche se persuadent que, quelle que soit l’attitude qu’il conviendra d’adopter dans les urnes quand Chirac nous aura délivré sa question, qu’ils penchent pour le non ou l’abstention - ce qui à notre avis ne pourra être réellement décidé que dans le contexte politique et social du référendum lui-même - ce n’est absolument pas le problème qui est à l’ordre du jour.
Alors que les attaques patronales et gouvernementales s’intensifient et se multiplient, contre les services publics, contre les salaires et le temps de travail, et que tout est fait pour pressurer les plus pauvres pour donner encore aux plus aux riches - le projet de budget 2005 en étant la parfaite illustration- c’est de préparer la contre-offensive dont il convient de se préoccuper. De rien d’autre et surtout pas des fausses questions posées par nos adversaires.
En tout cas ce devrait être l’attitude de l’extrême gauche. Sans ambiguïté. Sans essayer de marier les contraires comme, par exemple, le fait la LCR qui propose deux campagnes parallèles. Car, dans l’atmosphère que toute la gauche s’emploie à aider la droite à créer, la campagne pour le non au référendum a toutes les chances de prendre le pas, pour ne pas dire d’étouffer, celle contre la casse de la Poste et des services publics. Or c’est celle-ci qu’il faudrait développer et tenter de mener à bien.
26 septembre 2004
Mots-clés : Europe | Référendum