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DOSSIER : Municipales, le mythe de l’élection et de la gestion démocratiques

Le lent déclin des mairies rouges

Mis en ligne le 17 janvier 2008 Convergences Politique

« La gauche a gagné des mairies, mais que vont y gagner les travailleurs ? » titrait notre journal Lutte Ouvrière au lendemain de l’élection municipale de 1977. Le Parti communiste était à son apogée municipal, avec 72 mairies de villes de plus de 30 000 habitants, 22 de plus qu’en 1971, dont 6 villes dépassant les 100 000 habitants. Le Parti socialiste tirait déjà le maximum de profit de l’alliance d’Union de la gauche, sous l’étiquette de laquelle PC et PS s’étaient présentés en commun dans la quasi-totalité de ces grandes villes, y engrangeant 81 mairies, soit 35 de plus qu’en 1971.

Les travailleurs n’ont rien gagné aux victoires de la gauche. Le PC, lui, a payé le prix fort pour cette Union pour laquelle il a bradé son crédit, dans l’espoir d’accéder à quelques éphémères postes de ministres. Aujourd’hui le PC n’a plus une seule mairie de ville de plus de 100 000 habitants, et ne contrôle que 29 mairies de villes de plus de 30 000 habitants.

L’épreuve du pouvoir

Ça n’a pas traîné. Avec l’élection de Mitterrand en 1981, le blocage des salaires et les vagues de licenciements collectifs dans la sidérurgie, le discrédit du PCF et ses 4 ministres a été rapide. La sanction est tombée dès l’élection municipale de 1983, et plus durement sur le PC que sur le PS. Il y a perdu 20 de ses villes de plus de 30 000 habitants, dont 3 de plus de 100 000 (Nîmes, Reims, Saint Étienne).

Pour tenter d’enrayer sa perte d’influence, son secrétaire général Georges Marchais décide la sortie des communistes du gouvernement. Bien que des maires puissent paraître plus « proches du peuple » que leurs camarades ministres, ce retrait stratégique suscite parmi les premiers une levée de bouclier. Rénovateurs, refondateurs et autres fossoyeurs des restes d’indépendance du PC vis-à-vis du PS, défendent leurs sièges que l’alliance avec les socialistes favorise. Le PCF ne perd pas seulement sa base : une partie de son appareil s’éloigne pour garder ses mairies.

Des banlieues rouges aux banlieues roses

En banlieue parisienne, le maire d’Orly, Gaston Viens, est exclu du PC en 1989 pour avoir fait, par dessus la tête du parti, sa nouvelle liste avec le PS. Jean Ooghes, maire de Sainte-Geneviève-des-Bois choisit de le quitter la même année. En février 1996, c’est au tour du maire d’Arcueil Marcel Trigon d’entrer en dissidence et de quitter le PC, après avoir été réélu grâce à lui, mais sur une liste où il s’était ménagé une majorité non-PC. Le maire de Montreuil, Jean-Pierre Brard le suit dans la même voie en mai 1996.

Au-delà de ces départs, l’effritement rapide des voix du Parti communiste donne au Parti socialiste l’occasion de le réduire aussi sur le terrain municipal. Dès l’élection de 1983, le PS organise contre le PC des « primaires à gauche » . Avec le recul général de la gauche, celles-ci sont un échec, dont la droite bénéficie. Mais en 1989, le PS prend au PC la ville des Mureaux, en 1995 Ris-Orangis.

Mortelle piqûre de rappel

Chat échaudé prenant goût à la douche froide, le PC n’en ré-entre pas moins au gouvernement, sous la houlette de Jospin en 1997, avec un rapport de forces encore plus défavorable qu’en 1981. L’effet boule de neige reprend : plus le PC s’intègre à l’appareil d’État, plus il s’associe aux attaques anti-ouvrières, plus il réduit sa base sociale. En 2001, si le parti affirme encore avoir 203 600 militants (la réalité est sûrement moindre) et si sa perte de voix aux municipales est, du moins dans les villes qu’il détient, moins grande que sa chute dans les scores nationaux, le verdict des municipales est sans appel : 10 villes de plus de 30 000 habitants sont perdues, dont Nîmes, la dernière grande ville du PC.

Quand elle ne passe pas au rose (Pantin) ou au vert (l’Île-Saint-Denis), la banlieue rouge de Paris tourne parfois au bleu comme Colombes, Argenteuil (95000 habitants) et Drancy (62 000), ces deux dernières ex-fiefs PC depuis 1935. Mais même lorsque le PC garde la mairie, la victoire est amère : les « places fortes » du PC sont confrontées à une abstention qui dépasse les 50 % en 2001 dans 10 d’entre elles. Même les municipalités les mieux réélues sont touchées : la liste PC de Bobigny ne rassemble que 26 % des inscrits, celle conduite par le rénovateur Braouzec à Saint-Denis seulement 23 %. Les élus restent, les électeurs s’en vont…

Bouée de sauvetage ?

Si le PS avait besoin du PC dans les années 1970-1980 pour revenir au pouvoir, c’est désormais le PC qui est sous perfusion du PS.

« Le capitalisme, c’est les riches qui décident. Résiste ! » , proclament aujourd’hui les affiches du PC. Le ton un tantinet contestataire qu’il est capable de prendre le temps d’une campagne électorale, les sourires éventuels qu’il peut faire à l’extrême gauche, tout au moins dans les communes où le PS lui impose des primaires, n’ont d’autre but que d’améliorer le rapport de forces en sa faveur pour les marchandages du second tour, pieds et poings alliés avec les socialistes.

Lucas BRUGHEL


Pouvoir, quand tu nous tiens !

Les maires de droite sont dans leur rôle en flattant les préjugés réactionnaires, en prônant le tout sécuritaire, en multipliant les caméras de surveillance ou en préférant payer les amendes, plutôt que d’imposer à leurs très chers administrés la promiscuité avec des HLM.

Mais par peur de perdre des électeurs ou pour attirer une clientèle plus aisée, les maires de gauche emboîtent parfois le pas.

Le socialiste Georges Frêche, maire de Montpellier de 1977 à 2004 avant de devenir président de Région, s’est affiché récemment par des écarts racistes. Question de plaire à une partie de son électorat, dans une ville et une région qui compte encore un fort pourcentage de « pieds-noirs » nostalgiques des colonies. Même si, face au scandale, le PS a dû finir, tardivement, par l’exclure.

Mais il n’est pas rare non plus que des maires communistes connus pratiquent l’exercice. Avec un peu plus d’hypocrisie, en faisant le grand écart entre coquetteries anti-immigrés et professions de foi sociales.

Le maire de Vitry en banlieue parisienne, avait fait détruire au bulldozer en 1980 un foyer de travailleurs africains… le même, capable en 1993 de soutenir les cheminots s’opposant à la fermeture des ateliers SNCF.

Le maire de Vénissieux dans la banlieue de Lyon, André Gérin, écrivait à Chirac en novembre 2005, au moment des émeutes de banlieues : « Je souscris à vos propos pour rétablir l’ordre […] L’heure est au rassemblement républicain pour éradiquer la gangrène, la barbarie, la sauvagerie » … ajoutant certes qu’une des causes de cette « gangrène » était la déchirure entre « une jeunesse populaire qui s’enfonce dans la pauvreté » et « une France opulente » . Responsable, il préconisait néanmoins comme solution au chômage des jeunes « la généralisation de l’apprentissage rémunéré, dès 14 ans » … le même, capable d’interdire en mars 2006, par décret municipal, toute coupure d’eau, de gaz et d’électricité aux familles en difficulté, au grand dam de la préfecture.

L.B.

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