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Le gouvernement licencie à la place des patrons !

23 novembre 2001

3 700 ouvriers vont être licenciés à Moulinex. Ils ont multiplié les actions ces dernières semaines, et même menacé, à Cormelles-le-Royal, de faire sauter l’usine. Ils ont réussi à faire monter les indemnités de licenciement. Mais on ne leur a même pas accordé l’indemnité complémentaire (en plus de l’indemnité légale), soit 80 000 F pour tous qu’ils demandaient. Ils n’auront qu’une indemnité variant entre 30 000 et 80 000 F selon l’ancienneté.

Et on leur a fait un dernier chantage : si les travailleurs de l’usine d’Alençon, qui continuaient à se battre pour une indemnité complémentaire aux travailleurs partant en préretraite et pour des garanties de reclassements, n’acceptaient pas ce plan social, l’indemnité cédée était remise en cause pour tous. Car les représentants patronaux et gouvernementaux avaient décrété que l’accord n’était valable que si toutes les usines Moulinex étaient libérées par les ouvriers au plus tard le mercredi 22, afin que le repreneur SEB puisse commencer ses affaires.

Aux grands patrons qui ont récemment pétitionné contre les méfaits supposés du projet de loi de « modernisation sociale » de Guigou, celle-ci a répondu qu’ils n’avaient pas à s’inquiéter ! Cette loi ne faisait que prolonger légèrement les procédures de licenciements, d’au plus 21 jours, précisait-elle ! Le temps de faire « comprendre » et « accepter » aux salariés mis à la porte « les modalités » d’une restructuration !

Les ouvriers de Moulinex n’ont ni accepté ni compris. Sauf qu’il fallait se battre pour ne pas être jetés à la porte sans rien. Ils l’ont montré jusqu’au bout quand ils sont entrés en lutte, en désespoir de cause, pour les indemnités.

Mais vis-à-vis des patrons, le gouvernement a joué le rôle promis. Leur rendre les licenciements le moins difficile et coûteux possible. Dans le cas de Moulinex, comme cet été dans celui d’AOM-Air Liberté, il peut les a même dégagés du souci de gérer un plan de licenciement, par une collaboration des syndicats.

Les directions syndicales nationales ont tout fait, dans la toute récente vague de licenciements, pour morceler les réactions des travailleurs entreprise par entreprise et pour éviter la seule chose qui puisse changer le rapport de force, à savoir que les travailleurs de toutes les entreprises touchées se retrouvent ensemble. Sans parler de Nicole Notat, qui n’a besoin ni de Guigou ni de Jospin pour lier son char à celui des patrons, et qui a trouvé moyen de critiquer l’égoïsme des ouvriers de Moulinex en leur reprochant de « penser que les fers à repasser et les micro-ondes seront toujours et encore fabriqués en Europe, alors que ces activités permettent le développement de l’emploi dans d’autres pays qui sont en développement ».

La politique de négociations et de « médiation » prônée par le gouvernement vise à embarquer les militants syndicaux locaux eux-mêmes sur le terrain de la recherche d’un « bon » repreneur ou d’un « contre-projet industriel », pour les conduire à accepter ensuite, et à faire accepter aux travailleurs, la solution prétendument la moins mauvaise.

Les actionnaires de Moulinex se sont fait verser en décembre dernier 800 millions de francs de dividendes. Quelques mois plus tard l’entreprise annonçait 853 millions de déficit et commençait à parler de plan de licenciements. Début septembre, elle déposait le bilan. A l’Etat de se charger des licenciements et des dettes !

Après plusieurs mois de douche écossaise sur les divers projets et le nombre des fermetures d’usines qu’ils pouvaient entraîner, le dépôt de bilan était présenté aux ouvriers comme une quasi-bonne nouvelle. L’Etat allait prendre en charge l’entreprise, nommer un « délégué interministériel ». On allait voir ce qu’on allait voir ! Ca devait permettre de « remettre à plat les choses » disait le responsable CFDT, de trouver « un projet d’entreprises porteur » rajoutait celui de la CGT, relayant les promesses rassurantes des politiciens, du maire d’Alençon jusqu’à Jospin lui-même.

En guise d’avenir radieux tracé, selon le ministre de l’industrie, par la « reprise du groupe par un véritable industriel », on a demandé aux syndicalistes et aux travailleurs de choisir entre le groupe SEB qui comptait faire près de 5 000 licenciements, dont 3 750 en France, et une société financière qui prétendait en faire 1 000 de moins. Après quoi, le tribunal chargé de l’affaire a choisi la solution inverse de celle qui avait la préférence des syndicalistes, celle que soutenait le ministre des Finance Fabius. SEB s’est vu octroyer pour une bouchée de pain Moulinex, tous les produits et la marque, mais les seules usines qui l’intéressaient.

Ni les anciens propriétaires de Moulinex, ni ceux du groupe SEB ne paieront un centime pour les licenciements. C’est le délégué du gouvernement qui a négocié avec les représentants des ouvriers en colère le montant des indemnités de licenciement, en se montrant aussi chiche que n’importe quel patron. Et ce devrait-être à une caisse d’assurance spécialisée dans le paiement des dettes des entreprises déclarées insolvables de les payer. A moins que ce ne soit à l’Etat, car le gouvernement n’est pas encore sûr d’obtenir du Medef, gérant de la caisse en question, qu’il ouvre les cordons de la bourse.

Sordide exemple de collusion entre patrons, gouvernants et confédérations syndicales. Cela se passe à Moulinex, comme cela se passe quasiment partout ! Il va vraiment falloir s’y mettre tous ensemble pour balayer tout ça !

Olivier BELIN

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