Déchéance de nationalité
Le Pen et Sarkozy chez Hollande
Mis en ligne le 11 février 2016 Convergences Politique
Le projet de « déchéance de nationalité », annoncé par Hollande trois jours après les attentats du 13 novembre, a subi quelques charcutages. Il s’agit désormais d’un projet « égalitaire » de déchéance pour tous, en expliquant, par ailleurs, qu’il ne sera appliqué qu’aux binationaux.
C’est si gros que, après avoir avalé depuis quatre ans moult couleuvres pour garder son poste de ministre, Christiane Taubira a fini par claquer la porte du gouvernement. À moins que Valls la lui ait claqué au nez, ou qu’elle ait jugé le temps venu de voguer vers d’autres horizons : à peine sa démission annoncée, dans la « gauche du PS » comme chez les écologistes certains commencent à la pressentir pour une candidature aux présidentielles. Une tempête dans leur petit monde.
Contre le terrorisme, le Premier ministre lui-même reconnaît la totale inefficacité de la mesure.
Une démagogie sans parti ni frontière
Alors, cette « déchéance de nationalité », ça sert à quoi ? Essentiellement à flatter les préjugés nationalistes et xénophobes. Depuis que Hollande a lancé l’idée, Sarkozy et le FN se bousculent pour s’en attribuer la paternité. Ce n’est pas faux.
On peut même remonter plus haut l’arbre généalogique franco-français de la mesure. Le 28 juillet 1940, une loi du gouvernement de Vichy permettait de déchoir de sa nationalité ceux qui avaient été naturalisés français dans le cadre d’une loi de 1927, jugée trop laxiste par l’extrême droite. La plupart des déchus ont été évidemment des immigrés d’origine juive. Puis en 1942, un accord entre le gouvernement français et les autorités d’occupation décidaient d’envoyer vers les camps ces déchus de nationalité… Bien plus générales, les déportations de Juifs ne se sont pas embarrassées de la nationalité officielle ou pas.
On a, certes, connu ensuite l’opération inverse : tenter de naturaliser de force ceux qui ne le voulaient pas, en décrétant que la France irait de Dunkerque à Tamanrasset, quitte à faire huit ans de guerre coloniale en Algérie pour tenter de l’imposer.
Sarkozy a raison : c’est lui qui, dans la période récente, a remis la question sur le tapis. En 2010, alors qu’il s’apprêtait à ordonner des expulsions de Roms, il affirmait son souhait d’appliquer la déchéance de nationalité « à toute personne d’origine étrangère qui aurait volontairement porté atteinte à la vie d’un fonctionnaire de police » et il affirmait : « la nationalité française se mérite, il faut pouvoir s’en montrer digne ». Bruno Gollnisch, du FN, le saluait en promettant déjà la suite : « Commencez, M. le Président de la République, par nous débarrasser des voyous étrangers, et nous ferons de la place pour les nôtres dans nos prisons. » À l’époque, François Hollande reprochait à Sarkozy d’être « dans la passion » et qualifiait de « violation » des droits le fait de créer « une distinction » entre « citoyens d’origine étrangère » et « Français de souche ».
Mais voilà Hollande, aujourd’hui, qui accorde la naturalisation « PS » à une idée chère à ses concurrents. La course à l’élection présidentielle de 2017 vaut bien une crapulerie de plus.
26 janvier 2016, Laurent VASSIER