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DOSSIER : Premier recul du gouvernement : le CPE enterré… restent le CNE et la précarité

La gauche et les centrales syndicales : contribution à la victoire... et à ses limites

Mis en ligne le 25 avril 2006 Convergences Politique

Les partis de gauche et les centrales syndicales, aux yeux de la population, ont largement contribué au retrait du CPE.

Dès l’annonce mi-janvier du CPE par Villepin, l’ensemble de la gauche politique et syndicale a présenté un visage uni. C’est d’abord passé par des déclarations communes et par la création de collectifs unitaires réclamant le retrait du projet. Ça a été ensuite l’annonce d’une journée de manifestations appelée par tous le 7 février. Ces premières initiatives ainsi que l’activité militante de la gauche à travers ses organisations politiques et syndicales de jeunesse (aux côtés de celle de bon nombre de groupes d’extrême gauche) a contribué à la mobilisation de la jeunesse.

Durant les 2 mois de mobilisation étudiante et lycéenne qui ont suivi, les journées unitaires de manifestations, puis de manifestations et de grèves, de plus en plus rapprochées, ont marqué les étapes majeures du mouvement. Et c’est le succès croissant de ces journées, jusqu’aux manifestations de 2 ou 3 millions du 28 mars et du 4 avril, qui a été un instrument de la victoire. Durant toute cette période, le front de la gauche, en particulier syndicale, a affiché sa fermeté, les intersyndicales se succédant et réaffirmant systématiquement le refus de toute négociation jusqu’au retrait du CPE (du seul CPE, il est vrai). Le recul de Villepin semble bien, de prime abord, une victoire de la gauche et des syndicats.

Bataille parlementaire et perspective électorale

Mais pour déterminée qu’elle ait pu apparaître, la politique des partis de gauche et des confédérations syndicales a comporté bien des limites.

C’est flagrant en ce qui concerne les partis de gauche, en premier lieu le Parti socialiste dont aucune des autres formations de gauche, ni les Verts, ni le PC, ne s’est clairement démarquée. Le PS a affirmé dès le départ son opposition au CPE, mais il a surtout porté la bataille sur le terrain parlementaire : une bataille d’amendements au Parlement, qui ne pouvait être que toute symbolique étant donné la majorité écrasante dont y dispose l’UMP.

Le PS s’est surtout manifesté en multipliant ses « contre-propositions » : Hollande et son « contrat sécurité formation », Royal et ses « emplois tremplin », Strauss-Khan et son « contrat de transition vers l’emploi » ou Aubry et son dispositif « entrée dans la vie active ». Les projets sont nombreux, autant que de candidats socialistes dans la course présidentielle. Tous, sous couvert de formation des jeunes, visent à donner des couleurs plus ou moins sociales à la précarité, pas des moyens de l’éradiquer. Et cette liste à rallonge montre que, tout en soutenant la mobilisation dans la rue, le PS était surtout préoccupé d’enfoncer dans la tête des jeunes et des moins jeunes que la vraie bataille se déroulerait en 2007, dans les urnes, et que la seule alternative aux attaques de la droite était le retour de la gauche aux affaires. Quelques semaines avant que la rue n’enterre le CPE, François Hollande avouait encore ne concevoir son abrogation que dans le cadre d’une victoire électorale de la gauche en 2007. Il y avait mieux en matière d’encouragement au mouvement !

En avant, sous la pression du mouvement...

Les confédérations syndicales ont montré plus de résolution. Plus même, il faut le reconnaître, que ce qu’on pouvait craindre au départ. N’avaient-elles pas laissé passer le CNE sans bouger le petit doigt ? N’avaient-elles pas attendu deux mois pour organiser, le 4 octobre, une journée de protestation ? N’avaient-elles pas, surtout, évité soigneusement de donner une suite à celle-ci ?

Alors, même si cette fois elles ont réagi plus vite, en proposant une journée d’action dès le 7 février, comment ne pas s’interroger sur leur réelle volonté de donner une suite, dont elles se gardaient bien de parler ? Devant la montée de la mobilisation étudiante, elles l’ont fait. Tant mieux. La crainte de perdre tout crédit (déjà pas si grand) auprès des travailleurs a peut-être joué, sans oublier la concurrence entre les centrales (les positions dures d’une CFDT habituellement plus que molle ne s’expliquent pas autrement).

Mais la raison essentielle, c’est manifestement la pression exercée par la jeunesse, laquelle les a mises au pied du mur. La journée du 7 février avait déjà été organisée à la demande expresse des organisations politiques et syndicales de jeunes et d’étudiants, y compris de gauche, MJC ou MJS, Unef ou Confédération étudiante, voire les jeunes CGT. Celle du 7 mars a dû son succès à la mobilisation croissante du mouvement étudiant qui a mis à profit les quatre semaines (de vacances) pour amener de plus en plus de jeunes dans la rue, dans la grève des cours et sur les blocages. Et la multiplication des journées nationales qui ont suivi, comme leur rythme accéléré (7 mars, 18 et 28 mars, puis 4 avril) a correspondu à l’accélération de la mobilisation des jeunes comme à la multiplication de leurs actions pour obtenir une jonction dans la lutte avec les travailleurs : adresses explicites au monde du travail, diffusions de tracts devant les entreprises, rencontres avec des salariés, mises sur pied d’actions communes, etc.

... pour le contrôler et le limiter

Si on peut se féliciter de la fermeté inhabituelle des centrales syndicales dans cette affaire (du moins jusqu’au 4 avril), c’est qu’elles ont dû composer avec le mouvement de la jeunesse. Au fur et à mesure de la montée du mouvement, elles ont été contraintes de se positionner sur les propositions de la Coordination nationale : en soutenant du bout des lèvres la journée étudiante du 23 mars, pour néanmoins proposer celle du 28 et en reprenant ensuite l’échéance du 4 avril fixée par la coordination. Elles ont été obligées de le faire parce qu’entre les journées appelées par l’intersyndicale, la jeunesse s’est donnée ses propres échéances de manifestations et d’actions et qu’elle a manifesté la préoccupation constante de l’extension du mouvement au monde du travail.

Mais la coordination nationale étudiante a bien pu se démener pour proposer la perspective d’une grève générale reconductible : les confédérations se sont absolument refusées d’afficher clairement l’objectif d’un véritable mouvement d’ensemble, que la succession des journées d’action de plus en plus rapprochées commençait pourtant à mettre à l’ordre du jour.

Le mouvement étudiant tout entier pouvait bien faire siennes les revendications de retrait de toute la loi sur l’égalité des chances et du CNE, voire poser le problème général de la précarité. Impavide, l’intersyndicale s’en est tenue au seul retrait du CPE. Trois millions de jeunes et de travailleurs étaient dans la rue, deux fois de suite à huit jours d’intervalle, mais toujours pas question de souligner le lien entre toutes les attaques du gouvernement et du patronat contre ces jeunes et ces travailleurs.

Au lendemain du succès sans précédent de la journée du 4 avril, le rapport des forces pouvait bien être désormais en faveur des étudiants et des salariés : les confédérations se sont bien gardées de reprendre à leur compte les nouvelles échéances fixées par les étudiants et se sont contentées d’attendre sagement le premier recul du gouvernement sans pousser plus loin l’avantage.

La nécessité d’une direction indépendante

L’espace de quelques semaines les confédérations ont changé d’attitude mais pas de nature. Et si ces quelques semaines ont montré une chose, c’est bien que ce n’est que sous la pression de la base qu’on peut les forcer à avancer... et sous une pression redoublée à dépasser les limites qu’elles se sont fixées.

Pour exercer une pression qui aurait obligé la gauche et les syndicats à aller au-delà des limites qu’ils s’étaient assignées - obtenir une victoire limitée sur Villepin afin de se positionner au mieux pour 2007 - il aurait fallu plus de détermination des salariés ou plus d’organisation des jeunes en lutte. La nécessité d’une véritable direction du mouvement, indépendante de la gauche politique et syndicale, pleinement consciente de son rôle et de sa représentativité, est bien une des leçons essentielles du mouvement.

Yves LEFORT


L’Unef : un pied dans les AG, un pied à l’intersyndicale

Les organisations étudiantes de la gauche ont joué un rôle ambigu dans le mouvement, l’Unef en particulier.

Ses militants (y compris leur majorité liée au PS) ont contribué à construire la mobilisation, participé aux assemblées générales (qu’ils ont également souvent impulsées) et repris les revendications des coordinations en défendant la perspective d’une lutte d’ensemble contre le CPE, le CNE et la LEC.

Dans le même temps, la même Unef était présente dans les intersyndicales, et par la voix de son président, Bruno Julliard, a apporté pratiquement sans réserve la caution du mouvement étudiant aux limites imposées par les confédérations.

Schizophrénie ? Cette ambivalence n’était possible que dans la mesure où l’Unef gardait pratiquement seule le devant de la scène et que n’émergeait pas une autre direction représentative du mouvement pleinement reconnue, non seulement par les étudiants mobilisés, mais par le reste de la population. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, au début du mouvement, l’Unef a tenté de faire cavalier seul en claquant la porte de la première Coordination nationale à Rennes et en boycottant la seconde à Toulouse. Puis, lorsqu’elle fut contrainte de reconnaître la représentativité de la coordination nationale en y participant, de s’efforcer d’y retarder la création de porte-parole ou de limiter leurs possibilités d’intervention.

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