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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 82, juillet-août 2012

Editorial

La gauche et le patronat à l’attaque contre les travailleurs

Mis en ligne le 3 juillet 2012 Convergences Politique

Depuis la présidentielle, les plans de suppressions d’emploi s’accumulent ou ressortent des tiroirs. D’après l’Observatoire des investissements Trendeo, cité par Le Monde [1], « l’industrie commence à supprimer des emplois à des niveaux qui se rapprochent du pic de 2009 ».

À quoi sert un ministre « socialiste » ?

Pour le nouveau gouvernement de gauche, rien de vraiment choquant dans tout cela. Il a bien un préposé au « redressement industriel », Arnaud Montebourg. Dans un entretien accordé le 20 juin à L’Usine Nouvelle, celui-ci se contente de dire qu’il suffira de « faire le tri entre ceux qui définitivement ne peuvent pas être sauvés (…) et les entreprises qui peuvent repartir en se restructurant ».

Attention si vous n’êtes pas du bon côté de la trieuse. C’est notamment ainsi que s’est tenue notamment dans son ministère, lundi 18 juin, la réunion tripartite (direction, ministère, syndicats) promise par Hollande, pendant la campagne électorale, aux ouvriers de l’usine PSA d’Aulnay menacée de fermeture. La seule question que Montebourg a posée au représentant de PSA a été sur l’annonce de la date de fermeture : « Est-ce qu’il va y avoir une annonce au mois de juillet ou en septembre ? ». Et le député socialiste d’Aulnay-sous-Bois, également présent, d’ajouter qu’il fallait une annonce « tout de suite », car les salariés en ont assez « de vivre dans l’incertitude et l’angoisse ». L’annonce pourrait être faite le 25 juillet prochain. Merci le ministre !

Les ouvriers d’Aulnay, eux, ne demandent pas la date de fermeture, mais, au contraire, l’engagement au maintien du site et des emplois. Et ils n’attendront pas jusque-là pour se faire à nouveau entendre. Ils organisent un rassemblement le jeudi 28 juin, devant le siège de PSA, avec des délégations venues d’autres sites PSA (La Garenne, Poissy, etc.) mais également de l’usine GM de Strasbourg, de nouveau menacée.

« Solutions » bidon à la française

De l’autre coté de la trieuse, les entreprises « sauvables ». Ce n’est pas beaucoup mieux. Après le coup des repreneurs bidon qu’on demande aux travailleurs d’attendre comme l’Arlésienne, voici maintenant les Scop : sauvez-vous vous-mêmes !

L’exemple de SeaFrance est à cet égard significatif. Le tribunal de Commerce de Paris a finalement décidé qu’Eurotunnel reprendrait les trois navires de SeaFrance et qu’une Société Coopérative et Participative se chargerait de les faire tourner. Cela commence mal puisqu’il n’est prévu que la réembauche de 500 marins et employés… sur les 880 que comptait la compagnie en France et les 130 en Angleterre. La décision juridique a pu constituer un soulagement pour bon nombre des salariés de l’entreprise qui espèrent y garder leur emploi. Mais le futur possesseur des navires a déjà donné ses conditions : la Scop, si elle voit le jour, se devra d’être une entreprise comme les autres assurant « des conditions de productivité équivalente à celle de la concurrence », annonce le PDG d’Eurotunnel. Quant au directeur de la Scop, Jean-Michel Giguet, il est un programme à lui tout seul : ce « grand professionnel des transports », comme l’appellent les dirigeants complaisants de la CFDT SeaFrance qui portent le projet, était encore récemment directeur général de Brittany Ferries. Une entreprise qui vient tout juste d’annoncer un plan de suppressions de traversées et des réductions de coûts salariaux. Quant au montage financier, il commence par l’obligation faite aux salariés qui désirent être réembauchés par la Scop « d’investir » dans celle-ci en lui cédant 5 000 € sur leurs indemnités de licenciement ! Après quoi la Scop louerait les trois navires à Eurotunnel, et aux conditions de celui-ci. De sorte que, si la Scop coule, les salariés auront perdu leurs indemnités de licenciements, et les actionnaires d’Eurotunnel garderont les navires, c’est-à-dire le capital.

Enfin, pour que l’entreprise reste profitable, il faudra trancher dans les effectifs et accroître les cadences… sans garantir réellement à terme le maintien des emplois « sauvés ». Baptisés actionnaires, les salariés n’auront plus qu’à s’en prendre à eux-mêmes en cas de naufrage. « Ce qui est intéressant, c’est que des salariés, des marins ont décidé d’organiser la poursuite de leur activité » s’est réjouit Montebourg, soulignant l’aspect « humain » et « non délocalisable » de ce genre d’entreprise. Un socialisme à la française !

Aux petits soins avec le patronat

Les jérémiades des patrons, en revanche, sont écoutées attentivement. Par la voix du numéro deux de Renault, Carlos Tavares, ils se sont empressés de réclamer au gouvernement de faire peser leurs pertes sur l’ensemble de la population : « Ce que j’appellerais de mes vœux, c’est qu’on soutienne le marché français et européen ». À leurs petits soins, le ministre du redressement (encore lui) a promis d’étudier « la possibilité de réactiver les aides publiques pour le secteur automobile ». Moscovici, ministre de l’économie, va même jusqu’à imaginer une forme de protectionnisme, déguisé en mesure écologique, pour favoriser les automobiles françaises au détriment des grosses voitures haut de gamme allemandes (prétendument plus polluantes) [2]. On parle déjà d’une nouvelle « prime à la casse », du genre de celle de Sarkozy, laquelle a coûté un milliard d’euros à l’État en deux ans… en plus des 7 milliards prêtés à PSA et Renault.

Derrière les patrons de l’automobile, l’ensemble du patronat demande de réduire le « coût du travail » afin de provoquer « un choc de compétitivité » [3]. Les principaux licencieurs, Philippe Varin, PDG de PSA, en tête, plaident pour une réforme du marché de l’emploi et un allègement des cotisations patronales, une flexibilité accrue du travail via des « accords de performance » et une formation professionnelle adaptée aux besoins des entreprises. Le directeur des études économiques de la banque Natixis, par ailleurs membre du conseil d’administration de Total, Patrick Artus, a déjà fait des plans : il faudrait réduire les cotisations sociales à la charge des patrons en basculant quelques dizaines de milliards d’euros vers la CSG (cotisation sociale généralisée), pour réduire le coût de la main d’oeuvre [4]. Et tous de pleurer sur la pourtant bien légère augmentation des charges sociales afin de financer le départ à la retraite dès 60 ans d’un nombre ridicule de salariés.

À nous de banquer ?

QQuant à la mobilisation pour l’industrie promise par Hollande et son pacte de croissance, elle se résume à l’unité nationale pour le redressement des profits.

Il est vrai que Montebourg a fait les gros yeux aux banquiers : qu’ont-ils « bien pu faire des mille milliards d’euros que la Banque centrale européenne (BCE) leur a prêtés pour financer l’économie » ? « Ce montant équivaut à une subvention de 3 000 euros par an à chaque habitant de la zone euro ». On ne lui fait pas dire ! Mais, puisque les banques ne veulent pas dépenser leur argent pour financer « l’économie réelle » (les entreprises), il propose que l’État s’en charge. Il envisage la mise en place d’une Banque publique d’investissement (BPI) qui aurait pour but de financer les entreprises dans lesquelles les banques ne veulent plus miser. Ce serait « le bras armé du redressement productif », au plus « proche des besoins des entreprises sur le territoire ». Aux frais du contribuable ou en puisant dans l’épargne populaire, chacun pouvant « comprendre qu’en acceptant un peu moins de rémunération de son épargne, il peut soutenir un peu plus d’investissement sur le territoire. Il faut faire appel au civisme économique ! »

Aux syndicats d’aider… le gouvernement

Pour cette mobilisation civique, le gouvernement de gauche compte bien sur la compréhension les directions syndicales. C’est même pour cela qu’il organise les 8 et 9 juillet prochain sa « grande conférence sociale ». Inutile de dire que les états-majors syndicaux entendent bien s’y précipiter et se félicitent d’être ainsi considérés. Dans un 4-pages spécial de la CGT, Bernard Thibault en donne son mode d’emploi : « La Conférence sociale doit porter des mesures aptes à relancer notre économie. (…) La démocratie sociale a besoin de moyens, de reconnaissance, c’est la condition d’un dialogue social de qualité, utile aux salariés, aux entreprises, au pays ». On comprend que Montebourg en ait conclu que « La CGT et le Medef ont, à ce sujet, un point d’accord : vouloir redresser notre industrie. » Quant à la CFDT, Chérèque avait même devancé l’appel, expliquant dès le 23 mai que trop augmenter le Smic serait nocif pour l’emploi, qu’il faut au contraire « des aides aux entreprises » qui permettraient ensuite « des contreparties sur les déroulements de carrière » et, contre les licenciements, des aides au chômage partiel « pour soutenir l’emploi dans les entreprises en difficulté ».

Mais les travailleurs pourraient bien, en se mettant en colère, perturber tout ce petit jeu.

22 juin 2012


[1Le Monde, 20 juin 2012.

[2La Tribune, 19 juin 2012.

[3Les Échos, 19 juin 2002.

[4Le Monde, 20 juin 2012.

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