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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 10, juillet-août 2000 > DOSSIER : L’immigration, un problème ?

DOSSIER : L’immigration, un problème ?

La gauche contre les immigrés

Mis en ligne le 1er août 2000 Convergences Politique

Dès 1945, ce furent le PC et la SFIO, au gouvernement avec De Gaulle, qui fixèrent la circulation et l’installation des immigrés en fonction des besoins de la « reconstruction nationale », en fait ceux du patronat. De 81 à 86, la politique du PS, qui disposait de tous les moyens institutionnels, a été un mélange de bons sentiments de façade, de lâcheté et d’hypocrisie. D’un côté, le PS soutint fortement la création et le développement de SOS Racisme au milieu des années 80, mais ne prit jamais les mesures élémentaires pour reconnaître aux immigrés les mêmes droits que les travailleurs français. De l’autre Mitterrand président oublia vite son engagement préélectoral de reconnaître le droit de vote aux étrangers résidants en France.

La gauche ne remit jamais en cause la fermeture des frontières instaurée par Giscard en 1974. Et elle adopta la logique implacable de considérer les immigrés comme un danger pour l’emploi, comme responsables du chômage, comme un facteur d’insécurité. Tout aussi logiquement, la lutte contre « l’immigration clandestine » devint aussi pour la gauche un de ses chevaux de bataille.

Le consensus « républicain »

D’un côté PS et PC affichaient et affichent encore leurs bons sentiments vis à vis des immigrés (et nombre de leurs militants peuvent participer à des actions de solidarité), de l’autre la politique de la gauche au pouvoir fut et est toujours dans le prolongement de toutes les autres politiques gouvernementales. Michel Rocard, Premier ministre, émit cette phrase aussi imbécile que populiste : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Les ministres de l’Intérieur socialistes, notamment Marchand et Chevénement, n’eurent jamais rien à envier à leurs collègues de droite en ce qui concerne la pratique massive des expulsions avec leur lot d’atteinte à la dignité humaine et le développement des centres de rétention. C’est Chevénement lui-même qui déclarait en 1997 pour mieux prolonger les lois Pasqua-Debré : « Le débat ouvert depuis 1974 [la fermeture des frontières] a fait apparaître un socle commun à l’ensemble des forces participant à l’arc républicain ». La gauche a finalement toujours suivi les intérêts de la bourgeoisie, le PC lui-même ayant depuis les années 30 remisé au placard la solidarité travailleurs français-immigrés et l’exigence de la liberté de circulation et d’installation.

Jospin continue le sale boulot

Le candidat Jospin s’était engagé à la régularisation des immigrés et à l’abrogation des lois Pasqua-Debré. En fait la circulaire Chevénement de juin 1997 fut un piège redoutable pour plus de 70 000 étrangers vivant en France sans titre de séjour et dont le gouvernement, après les avoir fichés, refusa la régularisation.

Concernant les titres de séjours, au lieu de reconnaître le droit à un titre permanent ou même à la carte de 10 ans, le gouvernement maintient une bonne partie des immigrés en situation de précarité avec des titres d’un an renouvelables. Les étudiants étrangers sont toujours écartés du droit au titre de résident. Le regroupement familial est soumis à des conditions de logement et de ressources discriminatoires. Enfin, la Garde des Sceaux, Mme Guigou, n’a pas rétabli le droit du sol, qui permettait jusqu’en 1993 à un jeune né en France de devenir français sur simple déclaration.

Les étrangers sont toujours passibles de la double peine qui permet d’expulser un étranger en situation régulière après une peine de prison. Et l’assistance à un étranger en situation irrégulière est toujours un délit : une femme, Jacqueline Deltombe a pu être condamnée par un tribunal à 200 000 F d’amende et 5 ans de prison pour avoir hébergé un sans-papiers, même si le jugement en appel suspendit la condamnation.

Les frontières renforcées

Le pendant de cette politique de discrimination est toujours le maintien de vagues régulières d’expulsion et de centres de rétention. Treize centres de « rétention », c’est à dire de détention existent dans le pays, lieux de non-droit, où les immigrés attendent leur expulsion dans des conditions humiliantes et dégradantes. Menottés, bâillonnés, drogués, les sans-papiers ou les refoulés à la frontière sont traités comme des chiens.

Evidemment, le droit d’asile n’est plus en France qu’un souvenir. Dans les années 70, neuf demandeurs sur 10 étaient acceptés. Aujourd’hui au maximum 2 sur 10.

La loi Chevénement a, de plus, créé le statut d’asile territorial, titre précaire d’un an qui peut être remis en cause. Le gouvernement refuse l’octroi du statut de réfugié selon la Convention de Genève qui débouchait sur un titre de séjour de 10 ans.

La politique des visas est toujours aussi restrictive et les consulats n’ont pas à justifier le refus de permettre le séjour en France. Depuis le début de la guerre civile en Algérie, la France a diminué par vingt le nombre de visas. De même, les sévices que subissent les Kurdes n’ont amené Védrine qu’à demander au gouvernement turc de renforcer ses contrôles pour éviter l’arrivée de réfugiés en France.

À la traîne de nombre d’autres pays européens, l’Assemblée nationale a voté début mai une loi élargissant le droit de vote aux municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne. Mais même ce droit élémentaire le gouvernement a fait en sorte qu’il ne puisse être appliquée pour les prochaines élections, et soit renvoyé en 2007 !

Ces dernières semaines, le crime que représente la mort de 58 jeunes Chinois cherchant à entrer en Grande Bretagne n’aura été pour la gauche que l’occasion de réaffirmer son allégeance aux Accords de Schengen et à la lutte contre la libre circulation.

27 juin 2000

Laurent CARASSO

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