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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 86, mars-avril 2013

La fonderie DMI de Vaux (Allier) : face à la mafia des patrons voyous...

Mis en ligne le 18 mars 2013 Convergences Entreprises

En pleine campagne au bord du Cher, à quelques kilomètres de Montluçon, DMI Vaux est le symbole de centaines d’autres boîtes de son importance qui ont été liquidées depuis quatre ou cinq ans (266 dans la seule année 2012) ou sont en passe de l’être. Il y a dix ans l’usine comptait près de 800 CDI, à certains moments entre 100 et 200 intérimaires. Aujourd’hui, après le passage aux mains de trois repreneurs successifs, il n’en reste que 168. Le dernier de ces repreneurs, Platinum Equity, un fonds de pension californien camouflé derrière des sociétés écran, a repris lui-même l’entreprise d’un autre fonds de pension en janvier 2012.

Six mois plus tard, en juin, il mettait la clef sous la porte. Ou plutôt il la jetait aux travailleurs restants. Littéralement. Écoutons le récit qu’en font Gabriel Gawin et Roger Dollet, délégués syndicaux CFTC et CGT, et Didier Veyrier, secrétaire du CE : «  Le représentant de Platinum, sans même nous laisser son nom, est arrivé en 4x4 aux vitres fumées, entouré d’une demi-douzaine de gros bras. On se croyait dans un film sur la mafia. Il n’est pas entré dans la boîte mais a convoqué les représentants du personnel à côté de l’usine. De toute évidence il avait la trouille d’être séquestré... Nous avons eu bien tort d’ailleurs de ne pas le faire... Il nous a tendu les clefs. Nous a dit, en anglais, que c’était fini. Cinq minutes après il était reparti. Nous ne l’avons jamais revu ni entendu parler de lui »

« Depuis nous nous sommes adressés à toutes les autorités possible... sauf au pape mais même à Barack Obama », continue Gabriel. Pas de résultat. « Notre avocat essaie de démêler l’embrouillamini juridique. Mais nous ne savons toujours pas, officiellement, qui sont les vrais actionnaires », ajoute Didier.

Alors, las d’être isolés, pas entendus et ignorés, se souvenant de l’exemple de New Fabris avec qui ils ont travaillé un temps, ils ont décidé de menacer de souffler l’usine en installant les bonbonnes de gaz à l’entrée.

Elles sont toujours là. L’effet a été spectaculaire. « D’un seul coup, tout le monde s’est intéressé à nous. Les médias de toutes sortes. Même Al Jazeera a pris rendez-vous sur les bords du Cher et tenu à visiter Vaux, bourgade dont la chaîne qatarie ne devait guère avoir entendu parler jusqu’ici. Mais aussi, tout aussi brusquement, bien des politiques et la plupart des fédérations et confédérations syndicales... quelque peu absentes jusqu’alors. »

Les vagues médiatiques ont été incontestables. Les conséquences en termes concrets beaucoup moins. Le principal repreneur potentiel, Gianpiero Colla, un industriel italien qui ne parle de toute façon que de reprendre moins d’une centaine de travailleurs, suspend son offre à l’accord de Renault (principal commanditaire de DMI), lequel reste muet sur ses intentions. Et le dernier repreneur en date qui s’est proposé, après d’autres, sérieux ou farfelus, n’envisage que de garder au mieux entre 13 et 20 salariés.

Au moment où nous écrivons le tribunal qui devait trancher le 4 mars a donné un nouveau sursis de 10 jours pour statuer définitivement : ou un repreneur ou la liquidation judiciaire et la fermeture de la boîte. Ce qui fait grincer des dents certains : « si c’est pour une reprise dans des conditions pareilles... autant utiliser les bonbonnes. »

Le pessimisme règne donc dans l’usine même au sujet d’un éventuel PSE. La revendication est de 50 000 € de prime extra-légale. Mais que pourra faire l’administrateur nommé en l’absence de propriétaire, enfui ou caché ? Il a bien essayé de proposer quand même un projet mais sans élément sur ce que va être la suite des événements... Il ne lui a valu jusqu’à maintenant qu’un haussement d’épaule des ouvriers, voire un ricanement quand Gabriel souligne une clause qui pourrait prévoir que DMI s’engagerait à chercher d’éventuels emplois dans ses usines à l’étranger pour ceux de Vaux qui parleraient « espagnol, mexicain, anglais... ou chinois mandarin » !

Malgré le pessimisme, malgré les échéances décisives toutes proches, certains sont quand même bien décidés à lutter jusqu’au bout. C’est pourquoi, quand une invitation a été lancée par des grévistes de PSA à venir discuter à Aulnay, une petite délégation a été aussitôt mise sur pied. Et pas mécontente à son retour d’avoir rencontré dans le 93 des grévistes non seulement de Citroën mais aussi d’Air France et de ramener le sentiment que le rassemblement de toutes les boîtes menacées pour constituer une vraie force n’est peut-être pas impossible. «  Ça va être bien difficile, même en commençant simplement de rassembler à l’échelle de l’Auvergne, voire du seul département de l’Allier », déclarait José Da Silva de retour d’Aulnay en rendant compte à ses camarades. « Mais on va essayer.  » « C’est bien tard pour nous », ajoute Gabriel avec l’approbation de Didier, « mais même si ça aidait d’autres, ça vaudrait le coup. »

Or il y a à quelques dizaines de kilomètres de DMI, à Moulins, une usine de serrurerie industrielle, 160 salariés, qui est entrée en grève depuis quelques jours en réclamant une prime de 75 000 €, mais surtout la non fermeture de la boîte, et en menaçant de durcir s’ils n’ont pas de réponse. Ou encore, à peu près à la même distance, à Saint-Yorre, une usine Candia (agroalimentaire) une centaine de salariés, qui se bat depuis des mois, avec des grèves contre la fermeture. D’autres encore plus petites, mais tout aussi le dos au mur.

Des boîtes moyennes. Comme DMI. Mais qui peuvent peut-être faire boule de neige si elles se retrouvent. Et si PSA, ou d’autres comme Goodyear, voulait bien mettre leur poids dans la balance...

Samedi 9 mars 2013, J.M.

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