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DOSSIER : Le revenu universel de Benoît Hamon, une mesure « sociale »… que ne renie pas la bourgeoisie

La fin du travail : robotique contre rabotnik ?

Mis en ligne le 12 mars 2017 Convergences Politique

Les tenants d’un « revenu universel », qu’on payerait avec nos cotisations sociales et nos impôts invoquent tous plus ou moins, pour justifier leur invention, un scénario catastrophe : celui de la disparition programmée des emplois. La responsabilité du chômage ne serait plus à chercher du côté des patrons : le chômage serait inévitable, la faute aux robots !

Hamon s’appuie sur une étude de 2013, réalisée par deux économistes d’Oxford, expliquant que 47 % des emplois américains sont menacés par l’automatisation dans les vingt ans et dont la déclinaison française prévoyait la disparition de trois millions d’emplois en France. Plus mesurée, une étude ultérieure affinée par l’OCDE prévoyait plutôt 9 % d’emplois menacés. Mais menacés par qui ? Par les robots, ou par les DRH formatés dans les hautes écoles de gestion ?

Les apôtres de la fin du travail à rebours des réalités

L’informatique et l’automatisation semblent opérer une sorte de fascination chez les ‘experts’. Dès 1964, plusieurs prix Nobel et chercheurs avaient envoyé un manifeste alarmiste au président américain Lyndon Johnson pour avertir d’une « large vague de chômage technologique » causée par « la combinaison d’ordinateurs et de machines automatiques et autonomes ». En 1978, dans un rapport sur l’informatisation de la société, l’expert pour plateaux télé Alain Minc prédisait d’énormes gains de productivité… qui ne sont jamais arrivés. En 1995, c’est l’économiste américain Jeremy Rifkin qui annonçait la « fin du travail » dans un ouvrage best-seller.

Ce sont les gains de productivité qui nous ficheraient à la porte ? Mais pourquoi ne travaille-t-on pas moins, puisqu’on produit davantage en moins de temps ? De plus, les chiffres annoncés sont mensongers : depuis les années 1970, les gains de productivité sont plutôt en chute régulière, particulièrement depuis la crise de 2008. Selon l’OCDE, la productivité horaire a progressé de 0,7 % par an en moyenne en France dans la décennie 2004-2014 contre 2,0 % entre 1997 et 2004. Idem aux États-Unis (1,0 % contre 2,7 %), en Allemagne (0,8 % contre 1,5 %) et dans tous les pays riches.

Malgré l’extension du chômage, une classe ouvrière toujours plus nombreuse

Quant aux travailleurs, contrairement aux prophéties, il n’y en a jamais eu autant dans l’ensemble du monde. La population s’est accrue, le salariat s’est étendu en Amérique Latine, en Chine en Indonésie et ailleurs, où les grands trust mondiaux, issus pour la plupart des pays riches, font leur beurre. C’est même vrai dans les pays riches.

Les économies réalisées dans les coûts de production par l’introduction de machines et la main d’œuvre dégagée par la mise au chômage d’une partie des travailleurs ont ouvert la voie au développement de secteurs nouveaux.

Toute l’histoire du capitalisme industriel est faite de ces va-et-vient entre destruction et création d’emplois. Vieille histoire à répétition : l’industrialisation de l’agriculture a libéré une main-d’œuvre nombreuse pour l’industrie ; le développement de cette dernière et son extension à l’échelle de la planète ont libéré, essentiellement dans les pays les plus avancés, une nouvelle main-d’œuvre qui se retrouve dans les services ou l’ingénierie. Si 200 000 postes de secrétaires ont disparu en France depuis les années 1990, il y a eu 250 000 emplois d’ingénieurs et cadres créés dans l’informatique et les télécoms.

À chaque mutation de la production capitaliste, chaque crise, des millions de travailleurs sont réduits à la misère, pour que revive le profit. Des drames, dont se moquent évidemment les patrons, car ce ne sont pas nécessairement les mêmes travailleurs qui peuvent passer d’un secteur à l’autre et une fraction des travailleurs exclus de l’emploi se retrouve à constituer cette « armée de réserve industrielle » selon les termes de Marx, dont la fonction, comme son nom l’indique, est de servir de réserve de main d’œuvre aux nouveau secteurs, tout en pesant sur les salaires, et qui grossit ou rétrécit selon les cycles du capital et les choix politiques [1].

Mais la main d’œuvre libérée par les gains de productivité n’a pas été entièrement absorbée par l’extension de la sphère du capital. Les luttes, à commencer par celles pour la journée de huit heures, ont contraint le patronat à réduire le temps de travail : tandis que la productivité a décuplé au XXe siècle, le temps de travail a été réduit de 44 %. Ce dont une partie du patronat a aussi fait son affaire, car des salariés avec un peu plus de temps de loisir sont des salariés qui consomment et il n’aurait pas été possible d’absorber l’immense accroissement de la production sans mettre à contribution les travailleurs dans la consommation.

Accuser les machines pour dédouaner les capitalistes

La fonction des « experts » n’est pas d’éclairer les masses sur les enjeux, mais de masquer les responsabilités des capitalistes. En affirmant « la fin du travail », en accusant les robots de faire disparaître l’emploi, ils présentent les suppressions d’emplois comme inéluctables, le produit d’une nécessité historique à laquelle il faudrait se résigner. Les travailleurs devraient leur savoir gré d’accepter un revenu de base en lot de consolation.

Aujourd’hui, le patronat est à l’offensive pour pallier la faible croissance de ses débouchés. Ce ne sont pas les machines qui licencient, mais des patrons en chair et en os. Ils ne licencient pas parce que le travail disparaît, mais pour concentrer ce travail sur une part réduite de travailleurs.

M.S.


[1– Par exemple, dans les années 1980, la forte croissance du chômage est due en partie à une politique de restriction des crédits aux entreprises destinée à limiter l’emploi et peser sur les salaires, dans le but de réduire l’inflation.

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