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L’insécurité augmente ? les élections approchent !

16 février 2001

Les récents affrontements entre deux bandes de jeunes à la Défense parisienne et la publication de chiffres en hausse sur la délinquance sont vraiment tombés à point nommé. D’abord pour l’opposition ravie de pouvoir mettre en cause le prétendu laxisme du gouvernement, mais aussi pour la majorité, la gauche n’étant finalement pas moins contente de pouvoir rappeler qu’en matière de sécurité... elle entend bien se situer sur le même terrain que la droite. Rien de tel que l’approche des élections pour inciter les politiciens, de la gauche à l’extrême droite, à se pencher sur le problème de l’insécurité de la population.

Un regain d’insécurité ?

Mais que traduisent les chiffres du ministère de l’intérieur, une hausse de 5,5 % de la délinquance ? Un assassinat avec préméditation n’est-il pas comptabilisé de la même manière que le fait d’entrer par la porte arrière d’un cinéma ? Ou qu’un objet perdu et déclaré volé pour des raisons d’assurance ? D’autre part une bonne part de la hausse annoncée n’est-elle pas liée à la multiplication des délits financiers (+20%) ?

La progression de ces chiffres témoigne d’abord d’une pression policière accrue et le redéploiement des forces de maintien de l’ordre social (CRS, gendarmes mobiles) sur le terrain de la petite délinquance. Sans compter que les autorités policières ont les moyens de peser sensiblement sur la mesure de la délinquance selon la façon de collecter les données : la hausse traduit peut-être autant une dégradation de leurs relations avec le ministre de tutelle qu’une quelconque aggravation de la situation sur le terrain.

Ceci dit, même en ignorant ces réserves, ces statistiques présentées comme inquiétantes n’ont rien de si exceptionnel. Le véritable pic de la délinquance se situe plutôt au premier tiers des années 90, période marquée par une poussée du chômage et de la misère liée à la récession économique de 1993. La tendance est plutôt à la décrue depuis 1994 (année record avec plus de 3,9 millions d’actes répertoriés). Les chiffres publiés pour 2000 situent la délinquance à peu près au niveau de 1991 (3,75 millions d’actes).

Certes l’accent est mis aujourd’hui sur la jeunesse des auteurs et la violence en milieu scolaire. Mais là encore la progression des chiffres reflète surtout la mise en place progressive de la procédure de collecte des données et une pression croissante des rectorats sur les chefs d’établissements pour déclarer le moindre incident.

Quant aux affrontements de la Défense, entre bandes de jeunes désoeuvrés bien éloignées des « gangs » parfois décrits par la presse, ce type de règlements de comptes entre cités est depuis longtemps monnaie courante. Mais ils se produisent généralement dans des zones de banlieues enclavées dont les médias se désintéressent.

En tout cas de démagogie...

Bien sûr, les milieux modestes sont souvent les premières victimes de l’insécurité. Mais le comble, c’est justement de voir les responsables du gouvernement et de l’opposition prétendre se soucier de la sécurité dans les quartiers populaires. Qui sinon eux a cautionné, voire encouragé les vagues de licenciements et de suppressions d’emplois des grandes entreprises depuis 25 ans ?

Rappelons-le, les jeunes de Chanteloup-les-Vignes et de Mantes-la-Jolie qui se sont affrontés à la Défense sont précisément issus de cités frappées de plein fouet par les réductions d’emplois dans l’automobile.

Si les actes délictueux commis par des mineurs se multiplient, ils prennent évidemment naissance dans un certain contexte : développement de la précarité, maintien d’un niveau élevé de chômage dans les quartiers populaires, faiblesse des salaires qui, en dépit des risques, rend d’autant plus attractif le « business » sous toutes ses formes.

Ce n’est bien sûr pas dans ce sens que s’orientent les commentaires des notables en campagne. En allant discourir sur la « tolérance zéro » à Dreux, ancien fief de l’extrême droite, Chirac a donné le coup d’envoi d’un festival de démagogie. Certains, comme Pasqua, n’ont pas craint le ridicule en réclamant la révision de l’ordonnance de 1945 sur les mineurs, déjà modifiée des dizaines de fois, y compris par ses propres soins, presque autant que celle sur les étrangers. D’autres ont appelé de leur voeux la « municipalisation des forces de sécurité » et la légalisation du couvre-feu pour les mineurs, voire l’instauration d’un « permis parental à points » avec suppression des allocations familiales à la clé.

La gauche n’est pas en reste. Dans le XVIIIe arrondissement de Paris, par exemple, le ministre de l’intérieur rivalise avec Séguin sur le terrain sécuritaire, et les médias consacrent aux quartiers de Château Rouge et de la Goutte d’Or des reportages non dénués de sous-entendus racistes.

Dans un contexte social un peu plus tendu qu’à l’accoutumée, le thème de l’insécurité a d’abord pour avantage de repousser à l’arrière plan du débat électoral d’autres thèmes comme les salaires, les licenciements chez Danone ou ailleurs, les retraites ou le PARE. Une raison supplémentaire qui justifie la campagne des listes Lutte Ouvrière non seulement sur ces vrais problèmes toujours aussi actuels que fondamentaux mais aussi sur la nécessité pour l’extrême gauche de refuser toute compromission électorale avec une gauche qui tient si peu à se différencier de la droite.

Julien FORGEAT

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