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L’impérialisme américain peut-il être défait en Irak ?

24 mai 2006

Comment les Etats-Unis peuvent-ils se sortir sans trop de dommages du bourbier irakien ? C’est la question posée par certains dirigeants américains, politiques ou militaires. Et ce n’est bien sûr pas pour épargner aux populations civiles ou aux soldats américains les horreurs d’une guerre qui dure ! Les Etats-Unis sont dans l’impasse en Irak : pas de solution politique, pas de solution militaire, pas de moyen de reconstruction de la vie civile, pas d’assurance d’une issue aux conflits intercommunautaires et interreligieux. Rien qui permette d’espérer la fin de la lutte armée et des attentats, la fin des rapatriements de cercueils de soldats de la coalition, notamment américains. Aucune perspective permettant aux Etats-Unis de sembler tirer leur épingle du jeu dans un conflit qu’eux-mêmes avaient présenté comme la démonstration de leur nouvelle politique pour le Moyen-Orient et comme une solution à leurs problèmes d’approvisionnement pétrolier dans la région !

La situation n’a fait que se tendre. Les chefs des prétendues communautés (chiite, sunnite et kurde) sont plus divisés que jamais. Les affrontements entre communautés, religions ou clans se multiplient. Après une parodie d’élection « démocratique », le gouvernement irakien n’a toujours pas réussi réellement à se mettre en place. Il ne se présente à l’horizon aucune perspective d’un Etat reconnu ou même craint, et encore moins d’une force militaire irakienne capable de répondre aux forces de la résistance irakienne, les troupes impérialistes présentes dans le pays - quelques 150 000 hommes - ne parvenant pas elles-mêmes à la faire régresser.

Cette situation a un impact sur tout le Moyen-Orient. L’incapacité des Etats-Unis à sécuriser l’Irak rend ceux-ci dépendants de tous les pays pétroliers, en particulier l’Iran. Contraints de s’appuyer sur les chiites irakiens, les Etats-Unis se retrouvent en position de faiblesse vis-à-vis de l’Iran chiite qui redresse la tête. La possibilité pour l’Etat américain d’ouvrir un nouveau front contre Téhéran apparaît comme une chimère.

C’est pourquoi il n’est pas impossible que les Etats-Unis soient un jour amenés à changer de cap, à traiter avec les dirigeants iraniens et compter sur leur aide pour rétablir l’ordre en Irak et dans la région. L’Iran profite aujourd’hui de cette situation pour renégocier sa place et son droit au nucléaire, faire des gestes démagogiques anti-américains ou anti-israéliens dans le but de redorer son blason auprès d’une population dont les plus démunis sont à bout.

A une autre frontière de l’Irak, les Etats-Unis sont également enlisés dans une confrontation avec le régime syrien. Ce dernier ne revient qu’à pas comptés sur sa domination au Liban et les Etats-Unis n’ont actuellement guère les moyens d’imposer à Damas un abandon total de sa politique. Ils sont d’autant moins en état de faire valoir leurs vues que, loin de parvenir à une paix américaine en Palestine, ils sont contraints de se contenter d’entériner la politique israélienne. La victoire électorale du Hamas en Palestine dédouane Israël de tout engagement, feuille de route, collaboration politique ou économique avec l’Autorité palestinienne. Elle affaiblit le camp palestinien, meurtri par les affrontements entre Fatah et Hamas, sans satisfaire pour autant la volonté américaine de stabiliser la situation. Elle fournit au contraire prétexte à de nouvelles agressions de l’Etat d’Israël. L’occupation de la Cisjordanie s’étend, en dépit de l’évacuation de quelques colonies. Même le retrait de Gaza est mis en cause par les généraux israéliens qui menacent d’y intervenir à nouveau militairement.

Pour les régimes menacés par une flambée de l’islamisme radical comme l’Arabie saoudite, l’Egypte ou les Emirats, l’impuissance militaire américaine en Irak est un autre facteur de déstabilisation. Là encore, la politique américaine n’a pas porté les fruits escomptés. Les difficultés rencontrées par les Etats-unis en Afghanistan, où se reconstitue une force taliban, s’affrontant non seulement aux troupes afghanes mais aussi américaines ou françaises, ne fait que jeter une ombre supplémentaire au tableau.

Une des conséquences de l’instabilité générée par le conflit irakien, et non des moindres, est la hausse du prix des hydrocarbures. Elle favorise dans les pays producteurs du tiers-monde les tendances à vouloir se rendre un peu plus indépendants de la tutelle impérialiste, les poussent à renégocier les conditions d’exploitation de leurs ressources et à revenir sur leurs engagements.

Les dirigeants des Etats-Unis ne peuvent cependant pas se retirer simplement d’Irak comme ils l’avaient fait du Libéria ou du Liban. Ils le pourraient s’ils avaient, comme pour le Vietnam après avoir traité avec la Chine, la garantie qu’un puissant voisin accepte de jouer le rôle de gendarme dans la région. Mais avec l’Iran on n’en est pas encore là et pour le moment les enchères montent. C’est pourquoi la politique de Bush semble jusque-là, y compris pour nombre de ses opposants politiques aux Etats-Unis, la seule possible pour l’impérialisme américain.

Robert PARIS

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