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DOSSIER : Afghanistan, Irak, Iran, Somalie… l’islamisme face à l’impérialisme : ennemis irréductibles ou futurs partenaires ?

L’exemple algérien : du nationalisme progressiste à l’islamisme réactionnaire

Mis en ligne le 28 juin 2006 Convergences Monde

Les régimes nationalistes laïques (même si ce terme est bien impropre) ont pavé la voie à la réaction islamiste de deux manières. D’abord, bien sûr, en échouant à améliorer le sort de la population pauvre qui, au début, avait mis en eux d’immenses espoirs. Mais aussi en recourant consciemment eux-mêmes au classique opium du peuple qu’est la religion dans le but de faire pièce à d’éventuelles oppositions politiques ou d’endormir des révoltes sociales. L’Algérie est un cas d’école.

En 1962, le parti qui a dirigé la lutte d’indépendance, le FLN, prend le pouvoir. Il se réclame d’une idéologie nationaliste radicale, voire socialisante. Le FLN a certes l’ambition de développer le pays, mais il entend le faire sans que la population n’ait son mot à dire. Nul besoin donc de bouleverser les consciences ou de mettre en cause les traditions, en particulier la religion.

Dès le début, les nationalistes, se refusant à souligner les différences sociales, définissent une identité algérienne étroitement liée à la religion. Commencée sous Ben Bella en 1962, cette politique s’accélère sous Boumediene après 1965. La Charte nationale élaborée en 1976 définit l’Islam comme « composante fondamentale de la personnalité algérienne » et proclame l’Islam « religion d’État ». Le Président de la République doit être de confession musulmane. L’État accélère l’islamisation de la société : un décret rend obligatoire le repos du vendredi, la vente d’alcool aux musulmans est interdite, les écoles privées sont nationalisées et l’enseignement religieux est obligatoire au sein de cette école unique. La politique d’arabisation de l’enseignement, légitimée par la volonté d’extirper le français, renforce encore l’influence des religieux à l’école. Comme les enseignants arabisés manquent, le gouvernement en fait venir de divers pays du Moyen-Orient, dont de nombreux égyptiens qui sont, bien souvent, des Frères musulmans.

L’islam contre les pauvres et les travailleurs

Boumediene a choisi d’étatiser l’économie, comme tant d’autres dirigeants nationalistes de l’époque. Dans les campagnes, de grands domaines ont été nationalisés, cultivés par des ouvriers agricoles, c’est ce qu’il appelle la « révolution agraire ». Mais l’exode rural n’a jamais été aussi massif, les paysans pauvres fuient vers les villes et connaissent d’énormes difficultés pour se loger. Des bidonvilles se forment. Les hydrocarbures ont aussi été nationalisés. Un secteur industriel se développe, autour de l’activité pétrolière. Les ouvriers, toujours plus nombreux, commencent à revendiquer, bien que les grèves soient interdites dans les entreprises publiques.

Après la mort de Boumediene, en 1978, le nouveau président, Chadli, va devoir gérer une agitation sociale. Il y répond en encourageant le développement de la religion. En 1984, le Code de la famille est adopté. Il restreint les droits des femmes : maintien de la polygamie, interdiction d’épouser un non-musulman, obligation d’avoir un tuteur matrimonial, y compris pour les femmes majeures. Les groupes islamistes en plein essor revendiquent l’application intégrale de la charia. Ils ont commencé à se développer dans les quartiers populaires, sous couvert de favoriser l’entraide et l’instruction des jeunes désoeuvrés, en proie à un chômage de plus en plus massif.

À partir de 1985, l’économie algérienne est déstabilisée par la chute des cours du pétrole. La misère se développe. Chadli s’appuie toujours sur les islamistes, qui s’opposent aux grèves et soutiennent sa politique de privatisations. Ils appelleront les jeunes au calme durant les émeutes de l’automne 1988 à Alger. Le FIS, Front islamique du salut, sera le premier parti reçu officiellement par Chadli dans le cadre du retour au multipartisme.

Par la suite, le succès du FIS sera tel que les militaires algériens feront finalement le choix de l’interdire et de lui livrer une guerre sans merci. Celle-ci sera l’occasion d’écraser la population pauvre, terrorisée par les bandes armées islamistes, mais aussi par celles du pouvoir en place. Ainsi les islamistes auront servi successivement le pouvoir de deux façons : d’abord d’agents directs pour imposer ses volontés à la population, puis de prétexte à réprimer celle-ci. On pourrait même dire d’une troisième aujourd’hui : d’épouvantail brandi auprès des Américains et des Français pour les amener à soutenir le régime de Bouteflika. Cela n’empêche pas celui-ci de chercher aussi à réembaucher ces mêmes islamistes au service de sa politique, au nom de la réconciliation nationale.

Lydie GRIMAL

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