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L’essence de la gauche gouvernementale...

22 septembre 2000

Le Parti communiste appelle donc à des manifestations pour la réduction du prix des carburants, en particulier à Paris le jeudi 21 septembre. Il y a urgence nous dit-il. Certes ! Ce sont les travailleurs qui paient au prix fort, sans aucune ristourne, les hausses de prix de l’essence comme de bien d’autres produits et services. Ce sont eux qui voient leurs salaires et indemnités quasiment bloqués depuis près de vingt ans - par les bons soins des patrons mais aussi des gouvernements de gauche. Ce sont eux qui font les frais du chômage et de la précarité. Il y a donc effectivement urgence !

Mais à la direction du PC, le service des urgences est ouvert à des heures et selon des modalités correspondant à ses besoins à lui. Le bon docteur Hue est avant tout soucieux de sa propre santé.

En la circonstance, le PC se préoccupe moins du sort des travailleurs que de ses propres difficultés à participer à un gouvernement qui leur enfonce la tête sous l’eau ! Surtout quand ce gouvernement prend quelques coups et que la gauche plurielle, qui a scellé une alliance pour cette sale politique, peut craindre de le payer, pas seulement par une chute de popularité de Jospin dans les sondages mais par une déculottée à de prochaines échéances électorales, municipales ou législatives. Face à ce risque le PC voudrait donc garder la base ouvrière et combative qu’il a encore - et la faire servir encore à soutenir Jospin ! - en cherchant à montrer qu’il s’appuie aussi sur des luttes et la rue... quelquefois !

Mais point trop ! Prudemment, dans les modalités d’action comme dans les objectifs. Le PC appelle à une « mobilisation nationale » sans même vraiment la préparer et surtout limitée à un objectif de baisse des carburants qui, pour populaire qu’il soit, est loin d’être la seule revendication du monde du travail.

Il y a les salaires dont tout le monde parle aujourd’hui tant ils sont à la traîne des profits. Il y a le chômage et la précarité. Et la baisse des carburants proposée par Robert Hue, soit 35 centimes de moins sur le litre de super et 25 centimes de moins sur celui de gazole, est ridicule comparée aux hausses antérieures. A se demander même si ces taux ne correspondent pas, à quelques centimes près, à ce que Jospin a déjà prévu de concéder. Le scénario serait ainsi bien ficelé : les manifestants réclament, le gouvernement cède... et vivent la gauche plurielle et Jospin qui est quand même mieux que Blair ! C’est le sens explicite de l’éditorial de L’Humanité du 19 septembre. Et pour montrer qu’on n’en veut pas à Jospin, qu’on le conseille plutôt qu’on ne le combat, on appelle à manifester sous les fenêtres de... Fabius !

Le PC a déjà eu une politique similaire, l’an dernier à la même époque, quand l’annonce de licenciements en masse chez Michelin a suscité une telle indignation que sa direction s’est sentie obligée d’appeler à une réaction... bien mesurée et tempérée par l’allégeance donnée dans le même temps à la loi Aubry.

Il ne s’agit pas pour autant, pour les travailleurs et le mouvement ouvrier, de s’abstenir de manifester sa colère chaque fois que l’occasion s’en présente, aujourd’hui à l’appel du PC et des organisations qui se sont jointes à son appel. Dont Lutte Ouvrière qui appellera sur ses propres mots d’ordre.

Il y a du mécontentement dans la classe ouvrière, comme le montrent la sympathie pour les barrages de patrons routiers, comme le montrent des mouvements de grève et l’annonce d’une journée pour le 28 septembre à la SNCF. Mécontentement qui demande certes autre chose pour donner sa mesure que les échéances confidentielles à ce jour des centrales syndicales, en particulier cette « semaine d’action » du début octobre de la CGT dont ni les travailleurs ni même les militants d’entreprise n’ont encore eu vent.

Il faut saisir l’opportunité offerte par le PC et d’autres à manifester mais pas seulement pour une ristourne sur le prix de l’essence ou le coupon de carte orange ! Il faut dès maintenant mettre en avant une augmentation générale des salaires et tout particulièrement du SMIC et des minima sociaux, la taxation sous peine de réquisition des compagnies pétrolières et de tous les trusts qui imposent des prix spéculatifs. Il faut cesser de verser des centaines de milliards à un patronat qui licencie et surexploite et utiliser cet argent à créer tous les emplois nécessaires dans le privé comme dans le public. Et en attendant, indexation du coût de la vie non pas sur la confiture de fraise de chez Ed mais sur le cours du pétrole sur le marché de Rotterdam et New York !

Si le patron des patrons, Seillière, a désavoué avec virulence ceux des siens qui dressaient barrage devant les dépôts de carburants, c’est plus par peur d’une contagion de la fronde à la classe ouvrière que pour la gêne causée aux grands trusts. Le grand patronat n’a pas tort de craindre un retour de bâton. Pour les travailleurs et les chômeurs en tout cas, l’offensive générale sur un vrai programme d’urgence est d’actualité.

Michèle VERDIER

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