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L’aveu

27 janvier 2004

A bas l’intérim… vive l’intérim ! A bas l’abus et le détournement du code du travail… vive la légalisation de l’abus et du détournement ! A bas les contrats de mission de 18 mois indéfiniment renouvelables… vive les contrats de mission jusqu’à cinq ans ! Haro sur Renault, PSA, Bouygues et autres gros consommateurs illégaux de contrats précaires renouvelables puis jetables à discrétion… Vive Renault, PSA, Bouygues et consorts, gros consommateurs de précarité légalisée.

En substance, c’est ce que le baron Seillière, président du Medef, a déduit de l’arrêt de la Cour de cassation condamnant la semaine dernière l’usage abusif de l’intérim. Il s’est déclaré « en accord avec l’approche » de la Cour de cassation, il dénonce les abus, lesquels abus, ajoute-t-il, justifient un « assouplissement de la législation sur les contrats de travail » (Le Monde 23 janvier). Autrement dit, une mouture ou une autre de ces fameux « contrats de projets » ou « de mission » proposés 8 jours auparavant par le rapport que le ministre de l’emploi avait commandé à Michel de Virville… par ailleurs secrétaire général de la direction des ressources humaines des usines Renault !

La pièce s’est jouée rondement, en quinze jours, entre le ministre de l’emploi, le représentant de Renault, la Cour de cassation et le Medef. Un joli vaudeville en famille avec vrais faux retournements de situation.

Commençons par la fin, suite à l’arrêt de la Cour de cassation condamnant l’abus d’intérim : « C’est un beau camouflet pour les employeurs qui utilisent abusivement l’intérim », commente L’humanité (23 janvier). Même optimisme du côté de Libération : « L’industrie automobile se pensait au-dessus des lois, la Cour de cassation vient de lui rappeler l’existence du Code du travail… »

Certes, les 18 travailleurs intérimaires qui ont poursuivi la filiale de Renault et celui de Latécoère, vont voir leurs contrats requalifiés en CDI. C’est toujours cela de pris. Ce qui toutefois n’est pas une première. Cela fait une bonne dizaine d’années que les procès en prud’hommes pour la requalification des contrats se sont multipliés, parfois avec succès pour quelques dizaines de salariés. Restent les centaines de milliers d’intérimaires auxquels les grandes entreprises continuent d’avoir recours massivement (près du tiers de l’effectif ouvrier de production dans l’automobile) et qu’elles ne se gênent pas de licencier tout aussi massivement sans qu’il soit besoin de plan social.

Premier acte : De Virville, représentant de Renault, est chargé par le ministre du travail, François Fillon, de remanier le code du travail. Courant janvier, il publie son rapport sur le fameux « contrat de projet » ou « de mission » pouvant durer jusqu’à cinq ans. Protestations du côté des syndicats.

Deuxième acte : une semaine après la publication du rapport Virville, la Cour de cassation « donne raison » aux salariés et fait requalifier les contrats des plaignants. La presse de gauche crie victoire. Seillière salue le geste de la Cour de cassation et plaide pour généraliser le « contrat de projet » de Virville à tous les salariés.

Troisième acte : François Fillon se démarque dudit « contrat de projet » ou de « mission » de Virville… après un sondage BVA annonçant que 53 % des Français jugent leur création « plutôt une mauvaise chose ». Il appelle à la concertation.

Remballé, le projet de Virville ?

Pas si vite. Il suffit de prendre son temps. Quelques mois, comme pour la réforme des retraites.

« La loi de mobilisation pour l’emploi », selon les termes du ministère et de Chirac, sera l’objet de négociations (avec les syndicats et le patronat) qui devraient durer environ deux mois (donc au-delà du scrutin des régionales), avec, pour juin, un projet de réforme du code du travail. Quant à l’esprit dudit projet, rien de changé : adapter le marché du travail « à une nouvelle donne », et « alléger les procédures inutiles et les charges excessives » des entreprises, pour reprendre les termes de Chirac du 14 juillet 2003.

Le dernier arrêt de la Cour de cassation, c’est le modeste et ultime hommage juridique à ce qui reste du code du travail. La réaction de Seillière, c’est un aveu : quand la loi ne lui plaît plus, le patronat la change. Après tout, de Virville et même Fillon sont payés pour ça. Dans cinq ou six mois, les patrons de l’automobile, du bâtiment, de l’agroalimentaire et d’ailleurs pourront en toute légalité et bonne conscience avoir recours massivement, non pas à des « contrats d’intérim », ni même sans doute « de projet » ou « de mission », mais qui sait des « contrats de mobilisation », démobilisables au bout de trois ou cinq ans… A moins, à moins, pour une fois, que ce soit la rue et non le patronat qui fasse la loi.

Huguette Chevireau

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