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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 4, juillet-août 1999 > DOSSIER : Travail précaire : les nouveaux habits de la surexploitation

DOSSIER : Travail précaire : les nouveaux habits de la surexploitation

L’Education Nationale, premier employeur du pays et premier fabricant de précarité

Mis en ligne le 1er août 1999 Convergences Société

On peut travailler dans la fonction publique et ne pas être fonctionnaire, c’est même de plus en plus courant. La précarité est un phénomène massif qui touche toutes les catégories de personnel, de la maternelle à l’université. Mais il n’existe dans la presse syndicale (en tout cas dans celle de la FSU qui est de loin la première fédération) aucun dossier récent permettant de faire un état des lieux un tant soit peu détaillé. Un signe parmi d’autres du manque d’intérêt que suscite cette question chez les syndicats censés défendre tous les travailleurs.

Chez les enseignants, la précarité n’est pourtant pas un phénomène nouveau. Dans le secondaire, la dernière titularisation massive date du début des années 80. Depuis, la situation s’est à nouveau dégradée avec un grand nombre de maîtres auxiliaires employés depuis 5, 10 ou 15 ans.

Pour comprendre leur situation, il suffit d’aller à l’un de ces nombreux rassemblements de MA devant les rectorats : on y trouve beaucoup de femmes seules ayant des enfants à charge, sans doute titulaires d’une licence mais ne gagnant pas plus de 7000 F par mois. Leur dernière paye date de fin juillet, les indemnités de chômage sont rarement versées avant fin octobre… en attendant d’éventuels remplacements à effectuer.

En 1996, il a fallu plusieurs mouvements de grève de la faim et l’existence de coordinations assez actives pour que les syndicats se décident à faire quelque chose. Mais il n’a jamais été question pour eux de reprendre à leur compte la revendication des MA exigeant la titularisation de tous. Au nom du « respect de la qualification », la FSU a signé avec le ministre de la fonction publique en 1997 un protocole prévoyant la mise en place d’un « concours réservé »… aux MA les plus anciens, laissant les autres sur le carreau ! Depuis, les syndicats signataires « s’étonnent » que le nombre de places mises au concours soit bien inférieur aux promesses qui avaient été faites…

La signature de cet accord a eu un effet paradoxal sur la précarité : pour ne pas avoir affaire à un nouveau mouvement de contestation, le ministère de l’Education Nationale a décidé de ne plus prendre de MA. Il préfère utiliser des contractuels pris à l’année, ou mieux, embauchés pour 200 heures d’enseignement. Et pas une heure de plus ! C’est avec ce type de contrats que Allègre a créé ses prétendus 3000 postes après le mouvement des lycéens de l’automne 1998.

La précarité existe bien sûr parmi le personnel administratif, nombreux dans les rectorats. Mais ce sont encore les personnels de service et les ouvriers, c’est à dire les personnels les plus mal payés, qui sont les plus touchés. Une femme de service titulaire gagne 300 F de moins que le SMIC en début de carrière, avec un horaire annualisé depuis plusieurs années. Dans l’Académie de Versailles, une centaine de postes ont été mis au concours cette année pour 2000 candidats. Une offre dérisoire quand on sait que dans la même Académie, des milliers d’auxiliaires de service et de contrats Emploi Solidarité servent à boucher les trous dans tous les établissements, en étant soumis à toutes les pressions.

Les CES (Contrats Emploi Solidarité) occupent des tâches très diversifiées (en plus de celles qui ont déjà été citées) comme celles d’assurer le secrétariat, la surveillance ou l’accueil des élèves lorsque… le poste d’infirmière a été supprimé ! C’est aussi vrai naturellement pour les 40 000 emplois jeunes recrutés par Allègre, en tout cas dans les collèges et les lycées. En fait, un vaste mouvement de transfert d’emplois est en train de se mettre en place : les emplois jeunes (35 heures au SMIC) sont destinés à remplacer les surveillants (28 heures à 6000 F), lesquels vont être recrutés après la licence pour pouvoir remplacer les professeurs absents (à 15 ou 18 heures de cours).

Militer dans chaque établissement pour faire reculer la précarité n’a rien d’évident : le pouvoir de décision paraît très lointain, même s’il est toujours possible pour un conseil d’administration dans un établissement (où les représentants du personnel sont minoritaires) de s’opposer à l’embauche de CES et d’emplois jeunes.

Un mouvement d’ensemble de tous les personnels de l’Education Nationale devrait exiger l’embauche de titulaires et la titularisation immédiate de tous les personnels précaires. Un tel mouvement aurait immédiatement une portée politique en remettant en cause celle du gouvernement concernant le gel de l’emploi public. Il supposerait aussi d’aller à l’encontre de certains préjugés corporatistes qui existent notamment chez les enseignants. Est-ce un hasard si aucun des grands syndicats présents dans la profession n’est prêt à s’engager réellement dans ce type de lutte ?

Raoul Glaber

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