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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 72, novembre-décembre 2010

Italie : la révolte des travailleurs sans papiers

Mis en ligne le 5 décembre 2010 Convergences Monde

Le soir du 15 novembre, à Brescia, les quatre travailleurs immigrés sont descendus de la grue qu’ils occupaient depuis 17 jours sur un chantier, acclamés par 400 personnes venues les soutenir.

Ils y étaient montés le 30 octobre, à l’issue d’une manifestation. Pendant ces 17 jours, ils ont vécus à 35 mètres de haut, sous la pluie, dans le froid et des conditions plus que précaires, se relayant pour dormir à tour de rôle dans la cabine de la grue.

Soutenus par l’association Diriti per tutti (Droits pour tous) ils revendiquaient la régularisation des 1700 travailleurs immigrés de Brescia à qui a été refusé un permis de séjour, ainsi que la libération de ceux détenus dans des centres de rétention. Des heurts très violents avaient eu lieu le 13 novembre entre des manifestants venus les soutenir et les forces de police.

Finalement, après des négociations entre la préfecture, les syndicats et l’Eglise, les occupants ont obtenu qu’ils ne seraient pas arrêtés ni expulsés. La préfecture promettait également des négociations sur l’immigration clandestine à Brescia.

Mais peu après la préfecture revenait en arrière, prétendant n’avoir fait aucune promesse, et une dizaine d’immigrés arrêtés lors des manifestations de soutien aux occupants de la grue ont été expulsés. Au même moment, à Milan, trois autres immigrés poursuivaient l’occupation d’une tour pour demander, eux-aussi, la régularisation des sans papiers.

Une loi scélérate

Adoptée en juillet 2009, la loi sur la Sécurité intérieure et l’immigration (qui fait suite à d’autres lois répressives) a rendu pratiquement impossible l’obtention d’ un permis de séjour et encore durci la répression. Par exemple, le simple fait d’héberger un immigré clandestin peut être désormais passible de trois ans de prison.

Des millions de travailleurs sont donc contraints de vivre dans la crainte d’être expulsés, surexploités par des patrons sans vergogne ou des réseaux mafieux (les deux se confondant parfois) soit parce qu’ils sont entrés clandestinement, dans l’espoir de fuir la misère, soit parce qu’ils se retrouvent en situation irrégulière, car ils ne remplissent plus les conditions pour faire renouveler leur permis de séjour. La loi donnant seulement six mois à ceux qui perdent un travail pour en retrouver un autre.

L’escroquerie de la « Sanatoria »

Malgré sa démagogie xénophobe, le gouvernement avait dû prendre des mesures d’exception concernant la régularisation de certains travailleurs immigrés. Ceux que l’on appelle les « colf » (abréviation de collaborateurs familiaux) et les « badanti ».

« La société a besoin d’eux » a déclaré le ministre de la famille. En effet, la pénurie des services sociaux fait que des familles doivent recourir, pour s’occuper des personnes dépendantes, à des employées de maison, appelées badanti (du verbe « badare » : s’occuper). La bonne bourgeoisie, de son côté, craignait de perdre ses domestiques, femmes de ménage, jardiniers...

Le gouvernement évaluait à 300 000 ou 350 000 le nombre de régularisations possibles, mais des estimations parlent de 700 000 personnes employées dans des familles sans être déclarées.

Une procédure dite de « Sanatoria » a donc été immédiatement mise en place (c’est ainsi que l’on appelle une loi destinée à « assainir » une situation de fait, en contradiction avec la législation en vigueur). Les employeurs pouvaient déclarer les travailleurs qu’ils employaient depuis au moins trois mois, à condition de s’acquitter d’une amende libératoire de 500 euros.

Un peu plus d’un an après la mise en place de la Sanatoria, celle-ci est surnommée la Sanatoria truffa (la Sanatoria escroquerie). Car, si pour environ 300 000 personnes, elle a représenté l’ultime possibilité d’être régularisées, des centaines de milliers d’autres attendent toujours une éventuelle régularisation ou ont été rejetées dans la clandestinité.

Non seulement des employeurs ont demandé à leurs salariés de payer à leur place les 500 euros, mais beaucoup de travailleurs ont essayé de rentrer dans La Sanatoria en payant des sommes allant jusqu’à plusieurs milliers d’euros à des employeurs fictifs qui promettaient de déposer leurs dossiers.

Les manifestations de révolte des travailleurs sans papiers sont de plus en plus fréquentes. Au mois d’octobre, déjà, dans la région de Naples, plusieurs centaines de travailleurs « au noir » avaient fait grève pour revendiquer leur régularisation et un salaire minimum de 50 euros par jour, en occupant les ronds points où habituellement ils se rassemblent à l’aube pour être recrutés par des caporali.

Le 27 novembre 2010

Thierry FLAMAND

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