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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 60, novembre-décembre 2008

Italie : La jeunesse dans la rue

Mis en ligne le 2 décembre 2008 Convergences Monde

« L’onda » (la vague), le nom que la presse italienne a donné au mouvement de protestation contre la réforme de l’école et de l’université montre son ampleur.

Les mobilisations ont commencé dans le primaire à la rentrée de septembre et se sont étendues ensuite, dans toute l’Italie, aux lycées et facultés.

Depuis la réélection de Berlusconi, la politique d’austérité s’est encore aggravée, avec notamment l’annonce de coupes dans le budget de l’enseignement. Dans le primaire, le décret Gelmini (du nom de la ministre de l’Instruction) prévoit de réduire la durée des cours à 24 heures par semaine au lieu de 32 et le retour au maître unique (au lieu de trois enseignants pour deux classes actuellement). Il est également envisagé la fermeture des écoles dont le nombre d’élèves est inférieur à 50. Ces mesures devraient aboutir, dans les prochaines années à 88 000 suppressions de postes.

Par ailleurs les manuels scolaires ne seront plus renouvelés que tous les cinq ans. Par contre, pour plaire à son électorat réactionnaire, le gouvernement prévoit… le retour au port de la blouse et à la note de conduite.

Dans l’enseignement supérieur, la loi 133 dite de « développement économique, simplification et compétitivité » prévoit que seulement un départ sur cinq sera remplacé de 2009 à 2011 et un sur deux en 2012. Ce qui aurait également pour effet de bloquer l’embauche des nombreux enseignants précaires. Il est aussi envisagé la possibilité de transformer les universités en fondations privées.

La vague, en effet…

En réaction contre ces mesures, dans tout le pays, de Milan à Palerme, les facultés et de nombreux lycées ont été occupés, des cours ont été organisés symboliquement dans les rues, ainsi que des manifestations et sit-in quasi quotidiens et des blocages dans les gares. À La Sapienza, l’université de Rome des assemblées générales ont réuni jusqu’à 4 000 étudiants.

Ni les menaces du gouvernement de dénoncer les « meneurs » à la justice ni les provocations de groupes néo-fascistes n’ont entamé le moral des jeunes en lutte (le 29 octobre, jour où le décret Gelmini devait être adopté par le Sénat des heurts violents ont eu lieu à Rome, suite à l’agression des manifestants par le Blocco studentesco, le Bloc étudiant, un groupe d’extrême-droite.

Les étudiants citent souvent en exemple la lutte contre le CPE en France, qui avait réussi à faire reculer le gouvernement. Et si un certain nombre tiennent à se dire « apolitiques », nombreux sont aussi ceux qui ont conscience que leur lutte dépasse le seul problème de l’école. « Non pagheremo noi la loro crisi » (« Nous ne paierons pas leur crise »), le slogan des étudiants de La Sapienza, a été repris dans toutes les manifestations. Certains ont cherché à s’adresser aux travailleurs, en allant par exemple distribuer des tracts à l’usine Fiat à Turin.

Le réveil difficile des syndicats

Les directions syndicales ont attendu le 30 octobre, lendemain du vote par le Sénat, pour appeler à une grève nationale dans l’enseignement et la recherche, avec des manifestations dans toutes les villes d’Italie. La grève a été un succès : 57 % de grévistes selon le ministère, 80 % selon les syndicats et les manifestations se sont transformées en véritables raz-de- marée, grâce à la participation des étudiants, lycéens et de parents. À Rome, complètement paralysée, il y a eu un million de manifestants selon les organisateurs, 150 000 à Milan, 100 000 à Turin, 30 000 à Gênes… Même les petites villes étaient touchées, comme Aoste avec 500 manifestants.

« Le pays est en révolte » a déclaré Giuglielmo Epifani, secrétaire de la CGIL (Confédération générale italienne des travailleurs) retrouvant des accents combatifs qu’il avait oubliés pendant les deux années du gouvernement Prodi. Il faut dire que, sous ce gouvernement précédent de centre-gauche, les grandes confédérations syndicales lui avaient apporté un soutien sans faille défendant toutes les mesures, même les plus impopulaires. Les secrétaires confédéraux n’avaient pas hésité à « mouiller la chemise » en organisant des assemblées à l’usine Fiat Mirafiori de Turin pour défendre… les attaques gouvernementales contre les retraites, quitte à s’y faire copieusement siffler par les travailleurs. La seule opposition syndicale était venue des syndicats dits « de base » et dans une certaine mesure de la FIOM (Fédération de la métallurgie de la CGIL), traditionnellement à gauche de la direction confédérale.

Le 14 novembre, une nouvelle journée de grève et manifestation a été appelée par les syndicats, dans l’enseignement supérieur et la recherche, cette fois sans la CISL, la deuxième grande confédération syndicale italienne, rassurée, parait-il, par la rencontre avec Gelmini. Les manifestants ont encore été nombreux : 200 000 personnes à Rome. Le 12 décembre, la CGIL appelle à une grève générale contre la politique du gouvernement, à laquelle les étudiants demandent de se joindre.

L’appel aux urnes de la gauche

Si la gauche a participé aux manifestations appelées par les confédérations syndicales, selon elle, la « réponse démocratique » n’est ni la rue ni la grève, mais… l’organisation d’un référendum pour lequel le Parti démocrate a annoncé qu’il lançait la collecte des 500 000 signatures nécessaires. Le Parti de la refondation communiste s’est également rallié à cet appel.

Ce référendum, qui doit d’abord être obtenu… et ensuite gagné, permettrait peut-être de revenir sur certaines mesures, comme le maître unique. Mais il n’empêcherait ni les coupes budgétaires ni les suppressions de postes prévues dans la loi de Finance. De plus, cela revient à considérer que les lycéens qui se battent contre la réforme, n’ayant pas le droit de vote, n’auraient pas, eux, leur mot à dire bien qu’ils soient directement intéressés.

L’irruption d’une nouvelle génération

L’appel des étudiants de La Sapienza à une assemblée des facultés en lutte les 15 et 16 novembre pour élaborer une « auto-réforme » de l’Université déclarait : « Le mot d’ordre qui a voyagé avec la rapidité de la vague ‘ Nous ne paierons pas la crise ’ est l’expression d’une conscience collective qui se forme dans les luttes et exprime le refus de payer les coûts de la crise globale. Depuis plus d’un mois, nous assistons à l’écroulement des banques mondiales, prélude à la vraie crise, celle de l’économie réelle … En Italie, la réponse du gouvernement est claire : tailler dans les dépenses publiques pour soutenir le système bancaire »

Eh oui, en Italie, comme l’écrivait le journal La Repubblica , « Une génération qualifiée d’apathique semble avoir redécouvert la politique ».

21 novembre 2008

Thierry FLAMAND

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