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Israël : Jeux politiciens sur fond de massacres et de désastre économique

5 novembre 2002

Exit les cinq ministres travaillistes du gouvernement Sharon.

Non pas qu’ils aient dérangé l’actuel chef du Likhoud dans ce gouvernement d’union nationale. Sharon et la droite peuvent au contraire se féliciter d’avoir aussi longtemps bénéficié de leur caution. Ce gouvernement a été constitué après la défaite de l’ex-premier ministre travailliste Ehoud Barak aux élections de 2001, consécutive à la provocation de Sharon sur l’Esplanade des Mosquées, point de déclenchement de la seconde Intifada et avec celle-ci de l’amplification du cycle de la répression dans les territoires occupés et des attentats visant la population israélienne.

Pendant les vingt mois de leur présence, les ministres travaillistes n’ont rien refusé à la pire des politiques : celle visant ouvertement, en même temps que le démantèlement systématique des accords d’Oslo et de toutes les institutions passant pour une expression d’un Etat palestinien – fut-il croupion – à réoccuper les territoires et les villes palestiniennes ; à morceler autant que faire se peut les enclaves palestiniennes de Cisjordanie et de Gaza en les isolant les unes des autres ; à frapper et démoraliser la population, voire à l’inciter au départ. Sans oublier la caution du parti travailliste et de ses ministres aux confiscations de terres, à l’expansion des colonies juives en Cisjordanie et à Gaza et à une annexion de fait de Jerusalem-Est. Une politique qui loin d’apporter la sécurité aux israéliens n’a provoqué qu’une multiplication des attentats terroristes, comme on vient encore malheureusement de le constater, en nourrissant une haine toujours plus grande dans la population palestinienne.

Accord parfait cependant entre Sharon et les ministres travaillistes, au moins jusqu’à quelques jours avant la démission de ceux-ci, après la molle tentative sous les ordres du ministre travailliste de la défense Ben Eliezer, de démanteler la « colonie sauvage » de Havat Gilad. Un événement cependant spectaculaire car il a donné lieu à des affrontements entre l’armée et des colons de l’extrême droite la plus radicale, mobilisés pour l’occasion.

La raison mise en avant à la sortie des travaillistes du gouvernement n’est cependant pas là. Elle est dans le refus de Sharon de prendre en compte la menace des travaillistes de ne pas voter le budget sans obtenir une réduction des avantages accordés aux colons, parallèlement aux décisions de coupes sombres dans tous les budgets sociaux des populations des villes et des kibboutzim. Les 380 000 colons – moins de 10 % de la population – étant déjà largement avantagés, par des subventions au logement ou aux entreprises, des réductions d’impôts, et la colonisation drainant par ailleurs d’importantes dépenses en construction de « routes de contournement » ou autres ouvrages du style « ligne verte » – nouveau « mur de la honte » – sans parler des autres dépenses militaires considérables entraînées pour la défense des implantations dans les territoires occupés. Une politique d’expansion favorable aux colons, leur ouvrant largement les caisses de l’Etat, mais pas vraiment nouvelle car elle fut celle de tous les gouvernements, dirigés par les travaillistes ou par le Likhoud.

Le mécontentement grandissant de la population israélienne s’est exprimée dernièrement aussi sur le terrain social. Pas étonnant, face à une crise économique sans précédent : croissance négative depuis la première fois depuis 1953, chômage à près de 11 % de la population, inflation à 8 %, secteurs comme le tourisme entièrement sinistrés, crise des investissements, fuite des capitaux et des « cerveaux »… Ce n’est cependant pas dans le but de répondre aux problèmes économiques de la population, pas plus qu’à son désir de sécurité, que les travaillistes ont décidé de quitter le navire gouvernemental.

Après avoir aidé à faire la politique de l’extrême-droite israélienne et l’avoir ainsi considérablement renforcée, les travaillistes ne songent en fait qu’aux prochaines élections. Ils essayent d’échapper au discrédit grandissant de leur parti, affiché par les sondages, et ne visent qu’à préserver leurs possibilités dans un futur plus ou moins lointain de revenir au pouvoir et de reconquérir des postes. Quant à Ben Eliezer, il joue en plus son propre jeu, espérant se faire désigner comme futur premier ministre et passer devant ses rivaux au sein de son parti. Comment alors en dépit de ces calculs qui crèvent les yeux, se faire passer, aux moindres frais, auprès des mécontents pour oppositionnels à Sharon ? Là est la principale préoccupation des dirigeants et des ex-ministres travaillistes, en quête d’une posture mais pas d’une autre politique.

Sharon pourra bien par ailleurs, momentanément au moins, continuer sa même stratégie de conquête ou l’accentuer en remplaçant des ministres de gauche par des ministres d’extrême-droite. La société israélienne pourra bien tomber toujours davantage sous la coupe des plus réactionnaires et des religieux. La population pourra bien continuer à payer le prix du sang et accepter des sacrifices sur son niveau de vie. Pourvu que le parti travailliste regagne des voix par rapport à des sondages qui lui en donnent de moins en moins !

Oui il est nécessaire que la population israélienne, ou au moins une fraction de celle-ci, prenne conscience qu’elle n’a rien à attendre d’un retour des travaillistes au gouvernement – elle a d’ailleurs déjà tant vu d’alternances droite gauche ! – et encore moins dans cette période où, après des années de participation de la gauche au pouvoir, c’est maintenant d’alternance droite extrême-droite qu’il est de plus en plus question.

Louis GUILBERT

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