« Interpros » et présence de l’extrême-gauche
Mis en ligne le 5 décembre 2010 Convergences Politique
Tout en restant marginale dans ce vaste mouvement où les confédérations syndicales ont toujours gardé la main, la présence des militants d’extrême-gauche de diverses sensibilités (du NPA, de LO, de petits groupes divers… de la CNT et autres syndicalistes radicaux) a été en bien des endroits indéniable. Là où des militants révolutionnaires existaient dans les entreprises, ils ne se sont pas contentés d’une simple propagande en faveur de la grève générale, mais ont le plus souvent cherché à organiser les grévistes d’un jour ou en reconductible dans des actions vers d’autres secteurs en vue de l’extension de la grève. À la SNCF, comme à Lyon, Paris ou Melun, ils ont initié des actions et des visites de grévistes à d’autres entreprises (en s’essayant, comme à la gare du Nord à Paris, à faire fonctionner un Bureau d’organisation des grévistes). Même chose du côté de la chimie lyonnaise. Dans certains cas, ces militants ont tenté de mettre sur pied des « AG interprofessionnelles », ces fameuses « interpros », avec des résultats divers. Cela pouvait ne regrouper que les « gauchistes », sans suite véritable, mais aussi entraîner tout un milieu militant bien au-delà de l’extrême gauche (dont entre autres des équipes syndicales SUD, mais aussi CGT, du moins au début), comme à Tours, dans les Hauts-de-Seine (cf. article), au Havre… ou en Pays Basque ! (cf. article). À Rouen, par exemple, ce fut la mise sur pied d’un Assemblée générale intersyndicale coordonnant toutes sortes d’actions interprofessionnelles avec la publication plusieurs fois par semaine d’un Bulletin de la mobilisation sur l’agglomération rouennaise.
Bien entendu, tout cela est resté globalement embryonnaire. D’abord en fonction des limites de la mobilisation. Mis à part quelques secteurs en pointe (mais ne voulant pas être « les locomotives »), les grévistes sont restés très minoritaires, et plus minoritaires encore ceux qui, parmi eux, ne voulaient pas se contenter de participer aux manifestations nationales et tenaient à se structurer et prendre en main activement l’extension. D’où des « interpros », quand elles existaient, de quelques centaines de participants au maximum et aux meilleurs moments. Ce qui néanmoins reste très appréciable.
Ensuite, même dans les secteurs les plus mobilisés, la CGT ayant ouvert les vannes à ses militants combatifs et même pris l’initiative ici et là localement de ses propres « interpros » (cf. notre article sur Ivry), les grévistes se sont généralement plus ou moins satisfaits des consignes syndicales.
Cela dit, tout embryonnaires qu’elles aient été, ces tentatives et, parfois, leur succès relatif gardent leur importance. D’abord, à titre d’entraînement pour tous ceux, y compris au-delà de l’extrême gauche, qui y ont participé et acquis des réflexes démocratiques et interventionnistes. Ensuite, parce que ces « embryons » peuvent devenir rapidement de réelles directions démocratiques d’un mouvement dès lors que la mobilisation prend un nouvel élan. Ce qui bien sûr n’a pas été le cas pour ces deux mois de grèves et de manifestations. Mais deux mois qui annoncent peut-être d’autres lendemains, et pas si lointains. Raison de plus pour les organisations d’extrême gauche de mettre toute leur énergie à s’implanter dans les entreprises !
H.C.
Mots-clés : Extrême gauche | Retraites