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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 111, février-mars 2017 > Une bavure ? Non, une politique

Une bavure ? Non, une politique

Contrôles au faciès

Insultes, tabassages, humiliations et violences sexuelles…

Mis en ligne le 12 mars 2017 Convergences Société

Ce qui est arrivé à Théo n’est pas une bavure, comme s’est empressée de le dire une kyrielle de politiciens, mais bien le résultat d’une politique d’intimidation répressive systématique à l’encontre de la population des quartiers où sévit chômage, précarité et discriminations sociales en tous genres.

Des journalistes de divers quotidiens, magazines et médias (Libération, Le Monde, Mediapart, l’Humanité…) sont allés interviewer des jeunes de cités et en ont rapporté ces dernières semaines de nombreux témoignages dévastateurs. En voici quelques-uns parmi bien d’autres.

« Tous contre le mur » !

Sur les millions de contrôles d’identité réalisés chaque année, il a été démontré qu’environ 95 % ne débouchent sur la découverte d’aucune infraction [1]. Ces contrôles visent principalement les jeunes hommes d’origine étrangère, le plus souvent noirs ou arabes. Une étude récente réalisée pour le Défenseur des Droits Jacques Toubon [2] montre qu’un jeune homme noir ou arabe a vingt fois plus de chance d’être contrôlé que le reste de la population. Et lorsqu’on demande aux jeunes d’Aulnay combien de fois ils ont été contrôlés par la police, « un bref silence incrédule laisse vite place aux rires : « ‘Mais c’est impossible à compter ! C’est tout le temps !’ » [3]. Ainsi ces contrôles ont-ils pour principale fonction d’imposer la domination des forces de police sur les jeunes en provoquant, si possible, des interpellations pour outrage et rébellion. Si l’un d’entre eux a le malheur de répondre à une insulte d’un policier lors d’un contrôle ou de protester : c’est menottes, commissariat, dépôt de plainte pour outrage à agent, si ce n’est pas une avalanche de violences comme celles que Théo a subies.

Les insultes sont en effet monnaie courante lors des contrôles, d’autant plus quand ils sont pratiqués par la BAC [4], ou encore par la BST [5], toutes deux connues pour leurs pratiques ultra-violentes. Interviewés par des journalistes quelques jours après le drame de Théo, des jeunes Aulnaysiens rapportent les insultes qui subissent quotidiennement, « allant de l’insulte vulgaire de base (‘salope’, ‘enculé’, ‘fils de pute’) à l’attaque raciste (‘bamboula’, ‘sale Arabe’, ‘bougnoule’), en passant par des propos humiliants à tendance homophobe » [6]. Ces insultes sont souvent accompagnées de palpations où, comme témoigne un jeune d’Aulnay, « les policiers font toujours exprès de toucher les testicules » et « pour montrer qu’ils te dominent, ils te donnent des petits coups dans les parties intimes avec leur talkie-walkie » [7]. Il s’agit d’ajouter à la violence physique, qui accompagne à des degrés divers les contrôles, une violence ayant pour unique but l’humiliation, en s’attaquant à ce qui représente pour cette police la virilité. Tout cela sur fond de racisme qui rappelle les pratiques de l’époque coloniale, à laquelle la généalogie de la police française doit beaucoup !

Des humiliations et des violences sexuelles banalisées

Le témoignage terrifiant de Théo a également contribué à libérer la parole sur une pratique qui semble se banaliser dans certaines unités spéciales de la police affectée aux quartiers pauvres : le viol. C’est d’abord l’affaire d’un jeune de Drancy dont la similarité avec celle de Théo interpelle. Blessé à l’anus, le soir du 29 octobre 2015, également par une matraque de policier, il s’interroge : « Quand j’ai vu qu’ils lui avaient fait la même chose, mais en pire, j’ai halluciné ! C’est quand même fou qu’ils fassent pareil à un autre mec juste à côté, non ? » [8]. Suite à l’affaire Théo, le tribunal correctionnel de Bobigny vient d’ailleurs de demander, ce lundi 20 février, que le policier municipal, jusque-là poursuivi pour des violences commises au cours de l’interpellation du jeune homme aujourd’hui âgé de 29 ans, soit jugé devant les Assises pour viol. Simple coïncidence, ou similitudes révélatrices de pratiques de policiers se servant du registre sexuel pour asseoir leur autorité, ajoutant ainsi à leur attirail de brutalités en tout genre.

Il y a également l’affaire de ces 18 adolescents, issus du quartier Reuilly-Montgallet dans le XIIe arrondissement de Paris qui ont vécu l’horreur de l’été 2013 à l’été 2015), et qui ont porté plainte le 17 octobre 2015 pour « agression sexuelle aggravée », « violences volontaires aggravées », « discrimination » et « abus d’autorité », plainte contre X, X étant des policiers membres de la BSQ (Brigade de soutien de quartier, sorte d’avatar de la BST). Ces jeunes ont subi à maintes reprises les agressions de ces flics qui s’amusaient à leur mettre des doigts dans les fesses ! En déposant plainte, certains racontent aussi « des fouilles à nu au commissariat, pendant lesquelles un jeune de 16 ans, notamment, se fait gazer à la bombe lacrymogène sans raison » [9]. Face à de tels actes, il a été difficile pour bien des jeunes de parler, de raconter et de faire face à cette police dont l’impunité est souvent bien protégée.

Claude KIRCH


[1« L’exécutif continue de refuser les récépissés de contrôles d’identité », Le Monde, 14/02/2017.

[2Cette enquête a été réalisée par l’institut IPSOS par téléphone du 19 février au 31 mai 2016 auprès d’un échantillon de 5 117 personnes âgées de 18 à 79 ans et résidant en France métropolitaine, dans « La cité des 3000 ne veut plus se résigner aux violences policières », Louise Fessard et Matthieu Suc, Médiapart, 7/02/2017.

[3« À Aulnay-sous-Bois, « les contrôles violents, c’est notre quotidien », Le Monde, 16/02/2017.

[4Brigade anti-criminalité créée dans les années 1990, au même moment où Charles Pasqua, alors ministre de l’intérieur, autorisait les contrôles d’identité dits préventifs, c’est-à-dire sans même la suspicion d’un délit.

[5Brigade spécialisée de terrain, mise en place par Brice Hortefeux en 2010 pour, selon celui-ci, remettre de l’ordre dans les cités et au sujet de laquelle il avait dit qu’il ne s’agirait sûrement pas de « grands frères inopérants qui font partie du paysage » (« Enquête sur les bavures à caractère sexuel de la police », Magazine Society, du 17 février au 2 mars 2017, p.39).

[6« À Aulnay-sous-Bois, « les contrôles violents, c’est notre quotidien » », Le Monde, 16/02/2017.

[7idem

[8« Enquête sur les bavures à caractère sexuel de la police », Magazine Society, du 17 février au 2 mars 2017.

[9idem

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