Aller au contenu de la page

Attention : Votre navigateur web est trop ancien pour afficher correctement ce site internet.

Nous vous recommandons une mise à niveau ou d'utiliser un autre navigateur.

Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 82, juillet-août 2012

Hôpital de la Croix-Rousse de Lyon : Grève contre le sous-effectif en Réanimation chirurgicale

Mis en ligne le 3 juillet 2012 Convergences Entreprises

L’Hôpital de la Croix-Rousse emploie 2 500 agents. Il fait partie du regroupement hospitalier des Hospices Civils de Lyon, où travaillent 17 000 agents au total. Comme dans tous les hôpitaux publics, le sous-effectif, conséquence des politiques de « rentabilité » qui se renforcent depuis quelques années, fait rage. Non sans provoquer, d’ailleurs, des réactions de la part des travailleurs. Comme, ces derniers mois, la grève des services de Réanimation et de Soins Intensifs de Cardiologie contre la suppression d’un poste d’aide-soignant de nuit, ou la mobilisation des laboratoires des Hospices Civils de Lyon contre leur restructuration, qui s’accompagne de suppressions de postes. Ou encore, fin 2011, la grève du service de Pneumologie contre la suppression de postes de soignants lors de la mutualisation [1] de deux services.

Ce 13 juin, le service de Réanimation chirurgicale s’est mis en grève pour protester contre le sous-effectif chronique.

Un sous-effectif chronique

La réanimation accueille des patients en situation critique. Ces patients sont très lourds à prendre en charge, avec des soins comme les dialyses, les respirateurs, ou la manipulation de médicaments demandant une surveillance particulière. C’est pourquoi la législation prévoit que les effectifs sont « normés », c’est-à-dire qu’il faut au minimum tant de soignants pour tant de patients. Mais ces effectifs dits normés ne sont pas une garantie contre les arrêts-maladie des collègues, et trouver des remplaçants est d’autant plus difficile qu’il faut être formé pour travailler en Réanimation.

C’est ainsi que, depuis le début de l’année, ce service tourne presque chaque jour en sous-effectif. Les arrêts-maladie sont « remplacés » soit par des soignants qui reviennent sur leur repos, en heures supplémentaires (d’où un épuisement progressif des agents qui finiront par s’arrêter à leur tour...), ou par des intérimaires pas nécessairement formés. C’est donc double travail pour les agents du service... ou pas de remplacements du tout !

Coup de colère

Le soir du 13 juin, alors que l’équipe de nuit arrivait pour prendre la relève, les soignants constatèrent qu’une fois de plus il leur manquait un infirmier. Pris d’un coup de colère, ils décidèrent de se saisir du préavis national déposé quotidiennement par la CGT [2] pour se mettre en grève. À son arrivée, l’équipe de journée décidait de poursuivre le mouvement. Et, dans les jours qui suivirent, à chaque fois que l’équipe se trouvait en situation de sous-effectif, la grève reprit. À partir du 16, la grève devint quotidienne, avec des taux de grévistes allant de 60 à 80 % sur dix-neuf agents par équipe (infirmiers et aides-soignants). Cela ne veut pas dire que les soins n’étaient plus assurés puisque, à l’hôpital public, les agents peuvent être « réquisitionnés » par la direction, qui ne s’en prive pas. Les grévistes étaient donc forcés de continuer à travailler, mais bricolèrent des badges « en grève », avec des pansements par exemple, pour les afficher sur leurs blouses – ce qui leur a valu quelques manifestations de sympathie de la part des patients.

Face au mouvement de la Réa, la direction a tenté un coup de bluff, en proposant une rencontre avec les agents et les syndicats... en échange de la suspension du mouvement. Bien tenté... mais, selon les mots d’une gréviste témoigant de la colère ambiante, il était « hors de question » d’arrêter la grève.

Les relèves des équipes ont été l’occasion de discussions entre les grévistes, et l’idée de la création d’un pool de remplacement spécifique aux services de soins critiques comme la Réa est la revendication qui en est sortie. Du reste, c’est finalement la seule solution viable, vue la spécificité de ces services. Bien sûr, la direction rechigne, puisque cela signifierait embaucher du personnel et le former, formation qui représente un mois de doublage de poste...

Le manque de personnel, même s’il peut prendre des formes particulières dans certains services, est le mal chronique dont sont atteints les hôpitaux publics. Les directions, en définissant des « effectifs-cibles », entretiennent consciemment le sous-effectif dans les services, sans tenir compte de la charge de travail.

C’est la conséquence directe de la Loi HPST (Hôpital Patient Santé Territoire), qui tend à faire fonctionner chaque hôpital comme une division de petites entreprises. Le problème du sous-effectif va en s’aggravant et l’on ne peut pas attendre de notre nouveau gouvernement « socialiste » qu’il s’en préoccupe sérieusement. La lutte engagée dans le service de Réa chirurgicale de la Croix-Rousse est à l’image de toutes celles qui sont menées un peu partout dans les hôpitaux de ce pays. Ces grèves sont, pour l’heure, isolées, mais elles sont significatives d’une situation dégradée que l’on retrouve partout et d’une colère qui ne demande qu’à s’exprimer. La fonction publique hospitalière compte 900 000 agents... une force loin d’être négligeable, dans le cadre d’une lutte conjointe.

24 juin 2012

Fatou KAMARA


[1La « mutualisation » des équipes consiste à regrouper dans une même équipe les agents de plusieurs services. En pratique, les soignants « jonglent » d’un service à l’autre en fonction des besoins. C’est une ruse de la direction pour gérer la pénurie de personnel, voire pour l’organiser consciencieusement, puisque, à chaque mutualisation, la direction en profite pour revoir à la baisse les effectifs.

[2La Fédération CGT Santé Action Sociale dépose quotidiennement un préavis de grève pour l’ensemble des travailleurs de ces secteurs, afin de contourner la restriction légale du droit de grève qui oblige à déposer un préavis cinq jours avant toute action.

Mots-clés :

Imprimer Imprimer cet article