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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 84, novembre-décembre 2012

Hollande va-t-en guerre, au Mali aussi

Mis en ligne le 28 novembre 2012 Convergences Politique

Chacun sa guerre. Sarkozy a eu celle de Libye dont il s’est attribué la paternité. Hollande prépare celle du Mali, dans une région d’Afrique que l’impérialisme français considère comme son domaine.

Hollande a certes affirmé lors de sa conférence de presse que la France n’interviendra « en aucun cas elle-même ». La piétaille sera donc africaine, fournie par une coalition de pays de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), quelque 3 300 hommes du Nigeria, Niger, Burkina Faso, Sénégal, Togo. La France apportera du matériel et sa logistique, radars, avions et drones de surveillance, et, bien sûr, ses conseillers militaires pour former les troupes africaines et les encadrer lors des opérations. Une partie d’entre eux sont déjà sur place (depuis août selon Billets d’Afrique [1]), malgré les dénégations de Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères. Même hypocrisie du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qui affirme qu’il n’est pas prévu de bombardements mais évoque l’éventualité de « frappes aériennes » qui « dépendra des difficultés sur le terrain ». Les Mirage 2000 expédiés récemment au Tchad n’y sont pas partis pour un bain de soleil.

Une seule inquiétude pour Hollande : tenter de négocier en vitesse avant le début des opérations la libération des otages français, de peur d’avoir à les compter, par sa faute, au rang des « morts pour la France » (ou « morts pour Areva », dont quatre des otages étaient des employés), à célébrer lors du prochain 11 novembre à côté des morts d’Afghanistan et d’ailleurs. Et les marchandages vont bon train pour tenter de négocier séparément avec les nationalistes touaregs avant d’attaquer les autres. Il s’agit d’ajustements de dernière minute. L’intervention militaire au Mali dont on parle depuis plusieurs mois semble bien être aujourd’hui dans les starting-blocks. Un dernier feu vert de l’ONU devrait être donné au plus tard le 26 novembre.

Un prétendu sauvetage, pire que les maux

Depuis le mois d’avril le Mali est coupé en deux. Profitant des querelles entre les coteries au pouvoir dans le pays, et du putsch de fin mars par une fraction de l’armée, le mouvement nationaliste touareg MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) avait pris le contrôle de la région nord du pays. Il s’y est vite fait dépasser par les groupes armés islamistes Anzar Dine (auquel le MNLA s’était allié au départ), Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest), et l’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique). Mais les populations du nord, soumises à la férule des nouveaux maîtres partisans de la charia, ne sont pas les seules à en subir les conséquences. La coupure du pays a aggravé, y compris au sud, la pénurie de nourriture, avec une hausse rapide des prix alimentaires. L’inquiétude y règne, d’autant que les médias officiels sont plus qu’avares d’informations. Près de 450 000 habitants ont fui la région nord, une partie vers les pays voisins, une partie vers le sud du Mali, aggravant encore les pénuries.

Ce n’est pas ce qui émeut le gouvernement français et les partisans de l’intervention militaire : celle-ci ruinera davantage la région nord, jettera sur les routes de nouveaux réfugiés par milliers et accroîtra les pénuries et la misère dans tout le pays. L’impérialisme français ne se préoccupe que d’appuyer des gouvernements plus ou moins à sa solde, pour la poursuite de ses affaires, c’est-à-dire le contrôle du Mali et de ses richesses.

Un pays ruiné par l’exploitation

Si les notables qui dirigent le MNLA trouvent de l’écho dans la communauté touareg, si les groupes armés islamistes qui sillonnent la région recrutent des jeunes prêts à se faire trouer la peau au nom d’Allah, c’est bien à cause de la misère qui sévit dans le pays, à laquelle s’ajoutent la morgue des hommes d’affaires des grandes puissances et la corruption des gouvernements successifs (« nos fidèles alliés », dirait Hollande). La guerre de Libye a fait le reste, inondant la région d’armes à bon marché, rejetant vers le Sahel les bandes armées qui avaient servi de gardes spéciales du régime de Khadafi. Qu’en sera-t-il de la guerre du Mali et de ses conséquences dans toute la région ?

Un récent reportage de l’IRIN (bureau des affaires humanitaires de l’ONU) sur ces jeunes âgés de 14 à 16 ans qui s’engagent dans les troupes islamistes du nord Mali montre que certains sont recrutés dans les écoles islamiques, d’autres tout simplement attirés par la solde. « Beaucoup de familles disent ne pas avoir d’autre choix que de laisser leur gosse rejoindre Ansar Dine et l’Aqmi parce qu’elles ont besoin de cet argent », dit le rapport.

Une guerre qui sent l’uranium

Mais la misère au Mali, comme en Afrique en général, et les situations dramatiques qui en découlent sont le résultat du pillage de ces pays par l’impérialisme. À commencer par l’impérialisme français pour ses ex-colonies comme le Mali où il continue à régner en maître. La dévaluation de 50 % du franc CFA imposée par la France en 1994 a eu des effets ravageurs sur les économies des pays africains de la « zone franc ». Les plans de restructuration imposés depuis les années 1990 au Mali, au nom de prêts d’aide au remboursement de la dette, ont aggravé la situation par les coupes exigées dans les services publics, les privatisations (chemins de fer, industrie textile, énergie au profit de Bouygues et EDF, etc.). Dernière invention : l’expropriation de paysans d’une partie des champs qu’ils cultivent, au profit de l’agrobusiness.

Mais l’exploitation du pays ne s’arrête pas là. Le Mali a d’autres richesses. Il est le troisième producteur d’or d’Afrique. En outre, depuis quelques années, l’intérêt des grandes compagnies se porte sur la prospection de ses réserves d’uranium. Leur exploitation n’est pas encore en cours mais l’exploration des sites fait déjà ses dégâts, comme l’a révélé une enquête menée en 2011 par une commission de parlementaires européens conduite par Eva Joly : les forages effectués dans la commune de Falea, proche de la ville de Kayes, par une société basée à Marseille se font en dépit de toute sécurité, à quelques mètres des habitations, polluant les puits, rejetant les déchets des forages dans le lit de la rivière. Si c’est une société canadienne qui est pour l’instant maître d’œuvre de la prospection, Areva est sur les rangs pour l’exploitation de la mine elle-même. Cela ne fera pas sortir Cécile Duflot du gouvernement, ni protester contre la guerre.

Pour le gouvernement comme pour Areva, Falea vaut bien une guerre.

15 novembre 2012, Olivier BELIN


[1Bulletin édité par l’organisation Survie (http://survie.org/)

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