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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 12, novembre-décembre 2000

Grèves pour les salaires en Belgique

Mis en ligne le 1er décembre 2000 Convergences Monde

Depuis le début du mois de septembre, la Belgique a connu la plus importante vague de mouvements sociaux depuis 1993 (à l’époque contre le « plan global », plan d’austérité avec blocage des salaires encore en vigueur aujourd’hui). Cette dernière vague a d’abord démarré pendant une dizaine de jours avec la grève des camionneurs. Elle était impulsée par deux fédérations patronales de transporteurs routiers [1]. Un bon millier de camions ont paralysé les grandes artères du pays, y compris jusque rue de la Loi, siège du parlement. Ce mouvement était minoritaire mais spectaculaire. Finalement les camionneurs ont obtenu 4 milliards de francs belges du gouvernement en subventions et aides aux entreprises bien que leur revendication sur le carburant professionnel ait été refusée.

Sur la lancée, les travailleurs ont embrayé sur le problème de la vie chère, des salaires et du carburant, trop cher pour tout le monde. Les débrayages ont eu lieu principalement dans les grandes entreprises. Dans les petites entreprises et les zoning industriels cela a peu bougé. C’est ce qui a fait la différence avec le mouvement de 1993, où les petites entreprises avaient participé. La sidérurgie, la chimie, Caterpillar, Ford, la Poste (où il y a un plan de restructuration qui prévoit 13 000 licenciements sur 42 000 travailleurs) ont connu des débrayages.

Dans certaines entreprises, comme Cockerill Sambre (8000 ouvriers sur les sites de Liège et Charleroi), ce sont des salariés camionneurs qui ont invité les travailleurs de l’usine à un barbecue ; ils ont participé ensemble à l’occupation des ponts de la ville de Liège. Ailleurs, comme à la Fabrique Nationale d’armes (FN) ou Techspace, usine d’armement également, à Herstal près de Liège, ce sont les travailleurs qui sont allés à la rencontre des camionneurs. C’était un mouvement spontané, appuyé par les délégués de base. Les directions syndicales ont ensuite couvert le mouvement [2]. Mais elles l’ont soutenu du bout des lèvres bien qu’on soit en pleine période de négociations interprofessionnelles.

Deux manifestations ont eu lieu. Une à Gerpinnes, dans la banlieue de Charleroi, devant le siège d’une des compagnies d’Albert Frère, un des principaux actionnaires de Totalfina, qui a rassemblé entre 5000 et 7000 manifestants, dont beaucoup de délégués à l’appel de l’interrégionale Wallonne en front commun FGTB/CSC. Une autre à Bruxelles qui a rassemblé plus de 25 000 travailleurs, alors que le syndicat n’en prévoyait que 10 000 au départ.

Les travailleurs des transports se mettent en grève

A la suite de ces deux premiers mouvements, les travailleurs des TEC (Transports En Commun de Bruxelles et de la Wallonie, employant 4300 travailleurs) se sont spontanément mis en grève, et même contre l’avis des syndicats, à partir du 25 septembre avec pour la première fois la revendication de 10 000 francs belges d’augmentation de salaire mensuel pour tous (l’équivalent de 1600 francs français). Les délégués se sont ralliés au mouvement et les directions syndicales ont été obligées de le couvrir tout en comptant sur son essoufflement. Ce sont les chauffeurs des dépôts de Charleroi qui ont initié le mouvement. A 150 ils sont partis vers les autres dépôts de Wallonie (Brabant wallon, Namur, Luxembourg, Liège) appelant leurs collègues à débrayer pour les 10 000 FB. Il faut savoir que les salaires sont très bas aux TEC [3]. Mais il y avait aussi des revendications au sujet des horaires coupés et du manque d’effectif.

Les directions syndicales ont taxé la revendication des 10 000 francs d’augmentation d’« irréaliste ». La direction des TEC, elle, avec le ministre socialiste des finances de la région wallone, Van Cauwenberghe, et celui des transports, l’écologiste Darras, ont menacé les grévistes d’astreintes et de sanctions pour l’utilisation des bus pendant les actions au cours de la grève. C’est que les travailleurs avaient bloqué les rues et les quartiers à proximité des résidences des ministres, et même « tapé » un bus dans le jardin de la ministre socialiste de l’emploi, Onckelinx, à Liège ! Et le fait qu’ils soient en grève le jour des élections communales n’a pas arrangé les politiciens.

Après 35 jours de grève, les travailleurs des TEC ont repris le travail, sans avoir obtenu ce qu’ils réclamaient : le gouvernement n’a lâché que 615 millions, par rapport aux deux milliards exigés par les grévistes, soit une augmentation de 7 % c’est-à-dire un peu plus de 5 francs français de l’heure… d’ici janvier 2002.

Le 28 octobre 2000, Henri Grimald


Après les élections

Le 8 octobre les élections communales et provinciales ont eu lieu, au bout de 18 mois de gouvernement « arc-en-ciel » (coalition des verts, des socialistes et des libéraux). Le seul fait frappant c’est que les résultats du Vlaams Blok (extrême droite) se sont renforcés en Flandre, région plus riche. A Anvers ils sont passé de 28 % en 1994 à 33 %. D’après une étude publiée par le Soir ils ont bénéficié d’un transfert de l’électorat qui votait auparavant pour les libéraux et sociaux-chrétiens. On pourrait faire le parallèle avec la Ligue du Nord en Italie qui voulait se séparer du sud du pays à la traîne économiquement. Les socialistes et les libéraux ont obtenu des scores stables. Les sociaux-chrétiens ont un peu baissé. Les écologistes ont gagné des voix, multipliant les sièges d’échevins et de bourgmestres.

Du côté de l’extrême gauche, le PC (petite organisation et classé en Belgique comme à l’extrême gauche) s’affaiblit encore un peu plus. Le PTB (maoïstes) s’est renforcé dans quelques municipalités comme à Herstal (banlieue ouvrière de Liège) où en passant de 2 à 7 % il a eu deux élus, à Zelzate en Flandre (12 % et deux élus), à Hoboken, banlieue d’Anvers (7 % et 1 élu). Ailleurs il garde des résultats identiques à ceux de 1994 (entre 0,5 et 3,6 % des voix).


La situation des sans-papiers

L’opération de régularisation entamée au début de l’année traîne en longueur. 300 dossiers sont traités par mois pour 32 000 demandes. Mais la politique d’expulsion continue, y compris vers des zones de guerre ouvertement reconnues comme le Sierra Leone ou vers la Slovaquie pour les Tziganes qui y sont persécutés.

Tout récemment, lors d’une tentative d’évasion de neuf Albanais d’un centre fermé situé à l’arrière de l’aéroport de Zaventem, un candidat réfugié de 25 ans en passe d’être expulsé, s’est blessé. Après avoir été menotté, tiré par les pieds et ramené en cellule par la gendarmerie, il y est mort faute de soins. Il n’y a malheureusement pas eu de véritable mobilisation deux ans après la mort de Sémira Adamu, une Nigériane étouffée avec un coussin par les gendarmes lors de son expulsion. Cela avait alors soulevé une vague d’émotion.

La situation des sans papiers, et en particulier la violence utilisée dans les centres fermés a valu à la Belgique un article dans le tout récent rapport annuel d’Amnesty International. Actuellement le gouvernement « arc-en-ciel » discute de la suppression des allocations pourtant très faibles versées aux candidats réfugiés sous prétexte de lutter contre les détournements opérés par la mafia et envisage également la privatisation de l’accueil des réfugiés par l’ouverture de 10 000 places dans des pavillons préfabriqués.


[1La FEBETRA la plus grosse et l’UPTR surtout implantée en Wallonie parmi les petits patrons routiers.

[2Dans ce cas elles versent à leurs affiliés une allocation de grève, d’environ 100 FF par jour. Sinon la grève est illégale, avec possibilité d’intervention de la gendarmerie et d’astreintes

[3L’équivalent de 6000 francs français comme salaire de base, 7000 après 21 ans de service.

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