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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 19, janvier-février 2002 > DOSSIER : Insécurité : des voyous, des flics et des démagogues...

Gauche, droite : les deux bouts d’une même matraque

1er février 2002 Convergences

Le tournant sécuritaire de la gauche date de son retour au pouvoir après les élections de 1997. La nomination de Chevènement, l’extrême droite de la gauche, au ministère de l’Intérieur valait à elle seule tout un programme. Sous sa houlette, la gauche allait démontrer qu’en matière de démagogie sécuritaire, elle n’avait rien à envier à la droite.

Les sans-papiers, à qui le gouvernement Jospin n’accorda qu’une régularisation partielle, ont fait les premiers les frais de l’offensive policière. La circulaire Chevènement d’octobre 1999 remit à l’ordre du jour la chasse aux étrangers en situation irrégulière, fichés aux empreintes, et souvent parqués voire brutalisés dans les centres de rétention en vue de leur expulsion manu militari. L’évacuation brutale par la police de la Bourse du Travail de Lille occupée par certains d’entre eux en grève de la faim, ordonnée en mai 2000 par le gouvernement via le préfet, n’a rien à envier à celle de l’église Saint-Bernard en 1996, quand la droite était au gouvernement.

Une valeur républicaine

A peine arrivée au pouvoir, la gauche multipliait les gestes de sympathie envers la hiérarchie policière. Chevènement prononça son premier discours public en tant que ministre devant une promotion de commissaires de police qu’il salua comme les « hussards de la République », chargés de promouvoir une « refondation républicaine ».

Car, gauche oblige, c’est au nom de la défense des fondements républicains que le gouvernement allait trouver son nouveau slogan sécuritaire. Dès octobre 1997, Chevènement réunit tous les ministres à Villepinte pour un colloque intitulé « Des citoyens libres dans des ville sûres ». Sous prétexte que la sécurité était un droit fondamental reconnu comme tel par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la sécurité fut proclamée « valeur de gauche ». Chevènement concluait ainsi son discours d’ouverture « Mesdames, Messieurs, il y a deux menaces auxquelles la république doit faire face : le chômage et l’insécurité ».

Dans les déclarations et dans les discours, la gauche fit son autocritique, attribuant ses prises de position passées à un « angélisme » qui l’avait poussée à croire au « mythe de la prévention ». Il fallait enfin faire prévaloir la « responsabilité individuelle » sur les « excuses sociologiques ». En septembre, Régis Debray fit paraître dans Le Monde avec huit autres « intellectuels de gauche » un manifeste intitulé « Républicains, n’ayons plus peur ! », qui proposait entre autre l’incarcération des mineurs, la suppression des allocations familiales pour les « parents de délinquants », un contrôle plus strict des « flux migratoires » et une attribution « plus exigeante » de la nationalité française, le tout relevé par des considérations qui prétendaient « établir un lien » entre l’immigration clandestine et « la recrudescence des viols ».

Chevènement fait des dégâts

Ce « manifeste » de la gauche sécuritaire, salué par Le Figaro et par Marianne, applaudi par Chevènement, fit des émules... jusqu’aux membres de la soi-disant Gauche socialiste. Julien Dray publia en avril 1999 un livre intitulé Etat de violence. Mélangeant tout, il y préconisait quelques solutions souvent dérisoires (la création « d’internats d’excellence scolaire », pour les parents qui voudraient « soustraire leur enfants à certaines mauvaises fréquentations », celle de « comités de voisins » munis de téléphones portables pour alerter la police) tout en faisant l’éloge sans nuance des BAC (Brigades Anti-Criminalité) créées par Charles Pasqua, comparant leur action, pourtant si souvent mise en question... à celle des casques bleus de Sarajevo. Le tout pour aboutir à souligner les « réussites de la tolérance zéro ».

Chevènement avait réintroduit dans le discours de la gauche quelques expressions trouvées en général dans celui de la droite : « l’explosion de la violence chez les jeunes », le « laxisme des institutions », « la démission des familles », « la perte complète de repères », « la déliquescence morale », « l’affaiblissement du sentiment national » et surtout les célèbres « sauvageons ». Il fallut peu de temps pour que son discours déteigne sur celui d’un certain nombre de personnalités de gauche.

Certes toutes les « solutions » policières avancées par pure démagogie chevènementesque n’ont fort heureusement pas été mises en application. Mais l’attitude du ministre a certainement renforcé le sentiment d’impunité de certains policiers. A plusieurs reprises, Chevènement justifia leurs exactions. En décembre 1997, lors du meurtre du jeune Abdelkader Bouziane, 16 ans, par un policier, Chevènement s’empressait de déclarer qu’il s’agissait d’un acte de « légitime défense »... alors que l’analyse balistique indiquait une balle dans la nuque. En mars 1999, il déclarait partager « l’inquiétude des policiers » qui avaient organisé une manifestation devant le tribunal correctionnel de Versailles pour protester contre la condamnation de leurs collègues à des peines de prison ferme, pour des actes de torture infligés à un trafiquant de drogue lors de sa garde à vue.

Daniel Vaillant, le successeur de Chevènement, n’a pas démenti ce soutien aux policiers. Encore récemment, il s’est solidarisé de l’action en justice engagé par le Syndicat national des officiers de police contre le Syndicat de la magistrature, auteur d’un livre intitulé « Vos papiers ! Que faire face à la police ? », parce qu’en couverture une caricature de policier était jugée « injurieuse ».

Le bilan de quatre ans de gouvernement de gauche en la matière ? Pasqua, Chevènement, Jospin, même combat !

Simone CANETTI

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