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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 64, juillet-août 2009

Freescale — Toulouse (électronique) : la colère monte

Mis en ligne le 3 juillet 2009 Convergences Entreprises

L’usine Freescale de Toulouse est une ancienne usine Motorola créée en 1967. 850 travailleurs y fabriquent des plaques de semi-conducteurs pour le secteur automobile. Il y a aussi un secteur Recherche et Développement (qui a employé plus d’un millier d’ingénieurs et techniciens). En avril, l’effectif total était d’environ 1600.

Il y a eu déjà plusieurs « Plans de sauvegarde de l’emploi », touchant surtout la production.

Alors qu’un PSE, avec des départs « volontaires », était en cours et que Freescale avait annoncé sa volonté de se débarrasser de sa branche téléphonie (dite « CPG », qui concerne 240 emplois de recherche et développement), le chômage partiel a été imposé aux salariés de Toulouse dès l’automne. Mais la direction se disait confiante. Le PDG américain, venu faire un tour en mars, avait même félicité les travailleurs pour la qualité de leur travail. Certes il y avait crise dans le secteur automobile pour lequel Toulouse produit, certes les machines de Toulouse n’étaient pas adaptables aux plaquettes de nouvelle génération, mais la vieille technologie était tellement amortie et appréciée des clients…

1 100 licenciements annoncés

En fait, depuis 1998, la fermeture de la production était sur les rails : c’est ce que le DRH avoue sans complexe dans Entreprises et Carrières , du 9 juin (voir extraits), la direction générale souhaitant abandonner un outil de production vieilli et imposer le changement de technologie à ses clients.

En fait, elle a décidé de profiter de la baisse des commandes liée à la crise pour accélérer le processus. C’est pourquoi elle a annoncée le 23 avril la fermeture de la production au Japon et à Toulouse sous trente mois (elle a besoin de temps pour assurer la transition…).

La direction veut donc faire d’une pierre deux coups, en obtenant la signature d’un « accord de méthode » pour licencier 850 personnes à la production et 240 à CPG-Toulouse (CPG est déjà liquidé dans plusieurs pays). Elle a donc annoncé immédiatement l’ouverture de négociations hebdomadaires avec les syndicats pour un accord de méthode.

Assemblées générales, intersyndicale et « coordination »

Dès l’annonce de la fermeture, l’équipe de nuit a réagi : elle a débrayé et lancé un appel aux six syndicats pour que, pour une fois, ils appellent tous à une Assemblée générale. Ce qui fut fait. L’AG a élu des représentants de la base pour aller aux côtés des syndicalistes aux séances de négociations et pour organiser les AG regroupés en une Coordination.

Depuis le début les AG hebdomadaires regroupent entre 500 et 600 personnes, malgré la rupture de l’intersyndicale par le syndicat majoritaire FO, la CGC (deux syndicats traditionnellement signataires des accords) et l’UNSA (récemment créée sur la même base) sous prétexte qu’elle ne fonctionnait pas bien en fait parce que leur « réalisme » était contesté par l’AG. Leurs appels à ne plus participer à l’AG ont échoué, tout comme leurs tentatives d’AG concurrente (80 personnes au plus…)

Par ailleurs, les équipes (l’usine tourne 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7) ont leurs propres AG, elles aussi bien suivies.

À noter que le patron a très vite annoncé qu’il payait deux heures d’AG par semaine, ce qui explique en partie la participation massive, puisque la maîtrise ne faisait pas pression contre. Reste que beaucoup sont très remontés et tiennent à exprimer leur colère.

Aujourd’hui, on a donc la Coordination élue par les Assemblées des équipes et une intersyndicale à trois (CGT, CFDT, CFTC). Problèmes : la coordination, dans laquelle il n’y a aucun délégué du personnel, a beaucoup de mal à se réunir pour préparer les AG et discuter avec l’intersyndicale, car, en l’absence de grève, il y a toujours une partie de ses membres au travail. Plusieurs AG se sont, du coup, achevées sans propositions claires. Et les actions sont de fait organisées par l’intersyndicale.

Point important : la Coordination s’est renouvelée plusieurs fois, les équipes choisissant de changer de représentants en cas de désaccord manifeste.

Par ailleurs, la trentaine de coordinateurs qui participent aux négociations hebdomadaires (dont ils font ensuite le compte-rendu à leur équipe) n’hésitent plus à y prendre la parole, alors même que FO avait réussi à faire voter par la Coordination une obligation de se contenter d‘assister silencieusement.

Les revendications

Pendant des semaines, l’AG a surtout discuté des revendications à avancer. Très vite c’est la demande d’une prime extra-légale forte (150 000 €) qui a été majoritaire, les travailleurs (en production surtout), étant convaincus qu’ils ne vont pas facilement retrouver un travail en pleine crise. FO, CGC et UNSA disent, avec le patron, que c’est exagéré et préfèrent développer des illusions sur des reclassements possibles (ils revendiquent le maintien du salaire pendant 5 ans… pour ceux qui en auront retrouvé un !). Mais les sentiments des travailleurs sont si loin de cela que, dans un récent tract, ils ont dû rehausser nettement leurs revendications.

Régulièrement pourtant, certains travailleurs reposent le problème de baisser les revendications. Ce à quoi la majorité répond que l’essentiel est désormais de créer un rapport de forces pour imposer au patron de bouger (il campe actuellement sur la base des derniers PSE faits avec l’envolée du chômage).

Les actions

Après la participation remarquée à la manif du 1er mai avec des autocollants bien visibles ( « on n’est pas des kleenex.. » , « les actionnaires se sont gavés, ils doivent payer… » et un autre appelant à la lutte ensemble avec Caterpillar, Continental, Molex…), ça discutait beaucoup dans l’usine mais, mise à part la participation au 26 mai, il n’y a pas eu d’autre action en mai (sauf un départ coordonné au sifflet d’une équipe lors d’une réunion organisée par le patron en personne sur les reclassements).

En fait, c’est l’appel de FO-CGC-UNSA le 5 juin à ne plus participer à l’AG qui a mis le feu aux poudres. D’autant que le patron s’était permis la veille de critiquer le fonctionnement de l’AG et d’apporter son soutien à FO, tout en maintenant quasiment à l’identique ses propositions d’indemnités et en continuant d’amuser la galerie autour des reclassements.

L’équipe de nuit puis une équipe de week-end ont, du coup, débrayé une heure (la deuxième sortant devant l’usine avec des banderoles). L’AG du lundi 8, toujours aussi nombreuse, a décidé d’une action devant l’usine. D’autres débrayages d’une heure ont suivi. Samedi 13 juin, plus de 300 personnes ont formé un cortège dynamique derrière les travailleurs de Molex.

Mais, jeudi 18, le patron s’est permis, une fois de plus, de faire la morale tant sur les revendications (qui d’après lui équivalent à demander pour certains plus de 18 ans de salaire) que sur la manif. L’équipe de nuit, après de tels propos et un nouveau refus de discuter sérieusement des revendications, est partie en grève le soir même suivie de toutes les autres (matin, après-midi puis les deux équipes de week-end, ainsi que des travailleurs en journée production et CPG). Du jeudi 20 heures au samedi 20 heures il y a un piquet bien visible et audible devant l’usine. Des travailleurs de l’usine Continental (ex-Siemens) voisine, en grève sur les salaires, se sont joints au piquet vendredi matin. Une diffusion de tracts au festival Rio Loco de Toulouse a eu un bon accueil.

Jeudi 25 juin, pour accompagner les négociations, plus d’une centaine de travailleurs se sont à nouveau rassemblés devant l’usine. Au moins 200 travailleurs ont participé au piquet entre 7 h 30 et 16 heures. Des délégations de Molex, mais aussi de Microturbo, étaient présentes.

Durant la séance de négociations, la direction a rejeté l’idée d’une suspension des négociations en juillet-août défendue par l’AG (les départs en vacances ayant déjà commencé), tandis que FO demandait au contraire une accélération du rythme. Par ailleurs la direction ne veut toujours discuter pour le moment que de reclassements, repoussant le sujet des indemnités à la fin des négociations. Elle fait donc du sur place, mais l’idée de perturber la quiétude des séances de négociations fait son chemin

Par ailleurs, l’idée de se coordonner avec les autres entreprises qui licencient fait aussi son chemin… même si le réseau nécessaire entre les travailleurs des entreprises qui licencient n’en est qu’aux balbutiements.

24 juin 2009

Félix RODIN


Quand le DRH avoue que la fermeture était prévue dès 1998

(Extraits de Entreprises et Carrières du 9 juin 2009)

« Arrêt prévisible

(…) L’arrêt de la fabrication sur le site toulousain était, selon la direction, « prévisible ». La taille des “wafers”, les composants électroniques de 150 mm, comme ceux fabriqués à Toulouse, évolue vers des tailles supérieures, pour offrir des capacités plus élevées. Afin d’accompagner cette mutation, un important plan de gestion prévisionnelle des emplois a débuté, en 1998, pour garantir “l’employabilité” des salariés. (…) Deux précédents PSE, conclus en 2007 et 2008, ont favorisé la mobilité externe, avec 272 départs effectifs. « Ces outils existent et sont intégrés dans les négociations en cours, ce qui nous permet déjà d’anticiper le PSE », explique Patrick Roux, DRH de Freescale Toulouse. »


Un accord de méthode, c’est quoi ?

Un « accord de méthode » permet à un patron d’adapter les règles d’information et de consultation du Comité d’entreprise en cas de « Plan de Sauvegarde de l’Emploi » (PSE). S’il ne peut pas remettre en cause le principe d’information et de consultation du CE, il peut par contre en modifier sensiblement les modalités, y compris d’une façon très en retrait par rapport à la loi (nombre de réunions du CE et délais entre deux réunions, modalités de recours à un expert-comptable…).

À Freescale, il permet au patron de choisir comme périmètre de négociation non seulement tout le site de Toulouse mais aussi le siège social de Saclay, alors que la « cible » est bien identifiée : la production ! Il faut savoir que FO, le syndicat le plus accommodant, était majoritaire sur l’ensemble du site mais pas du tout au premier collège aux dernières élections (il y a trois ans).


Envie de se faire entendre…

Si le gros cortège Freescale du 1er mai (600 personnes) était plutôt silencieux (l’annonce de la fermeture était tout fraîche…), ceux du 26 mai et du 13 juin étaient beaucoup plus dynamiques, avec beaucoup de sifflets mais aussi des slogans. Dans celui du 13 juin, plusieurs portaient la cagoule de travail en « salle blanche », avec un pendu habillé de la tenue complète.

Le patron a d’ailleurs osé nous reprocher d’avoir terni l’image de Freescale. Il a même parlé d’une action « violente », ce à quoi un délégué a répondu que la violence, bien réelle celle-là, c’était de jeter des travailleurs à la rue ! Depuis les actions devant l’usine se font à coup de cloches, de sirènes et de sifflets, en sollicitant les klaxons des nombreux véhicules qui passent à ce carrefour. Et aussi avec une sono professionnelle pour animer !

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