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DOSSIER : Europe : la conquête de l’Est par le capital de l’Ouest, mythes, réalités et conséquences

Europe : la conquête de l’Est par le capital de l’Ouest, mythes, réalités et conséquences

Mis en ligne le 2 mai 2005 Convergences Monde

Voici un anniversaire qui pourrait être assez discret. Entraînés dans les tourments référendaires de leur ami Chirac, les chefs d’États européens n’auront peut-être pas le cœur à souffler très fort la première bougie de l’Union à 25. Il y a pourtant tout juste un an, le 1er mai 2004, l’Union européenne (UE) fêtait son élargissement à dix nouveaux membres.

L’événement avait été salué comme historique : c’était l’aboutissement du processus menant de l’effondrement en 1989 des dictatures du glacis soviétique jusqu’à la réintégration complète des pays dans le « monde libre », démocratique et libéral !

« Printemps des peuples » et offensives capitalistes

Vu de l’Est, avec ses millions de nouveaux pauvres, le tableau est bien plus sombre. La chute du mur de Berlin avait sûrement suscité d’immenses espoirs de liberté et de prospérité. Mais ces aspirations n’avaient pas grand-chose à voir avec les forces sociales qui ont provoqué la fin du bloc soviétique. Avec le sabordage de l’URSS par sa propre bureaucratie, la chaîne qui maintenait les « Démocraties populaires » à l’écart du monde impérialiste s’est rompue, et les classes privilégiés qui tiraient sur leurs liens depuis la fin de la Seconde guerre mondiale ont pu enfin se ruer vers l’Ouest - et la reprise d’un vrai mode de fonctionnement capitaliste.

Elles ont trouvé en Europe occidentale des impérialismes tout disposés à une « réconciliation de la grande famille européenne » qui signifiait pour eux la perspective d’un nouveau demi-continent à exploiter. À grands coups d’aides et de subventions, dont le but était d’abord de paver la voie aux investissements des groupes occidentaux, une économie bourgeoise s’est partiellement reconstruite. Les forces productives autrefois tournées vers l’URSS ont été brutalement réorientées vers l’Atlantique (pas ses seules rives européennes d’ailleurs).

Et les mêmes « experts » libéraux qui dénonçaient, comme cause du retard économique des ex-membres du Comecon, la spécialisation de la production que leur avait imposée la bureaucratie soviétique se félicitent aujourd’hui que les nouveaux de l’UE aient su prendre leur place dans la « division internationale » du travail selon les normes impérialistes ! La Hongrie ou la République tchèque ne sont plus condamnées à fabriquer, qui des tramways, qui des machines-outils : elle peuvent se consacrer à faire de la chimie pour l’industrie allemande ou des pièces automobiles pour les constructeurs français ! Les fruits de l’arbre de la liberté...

Nouveaux bourgeois... et prolétaires

En quinze ans, des classes moyennes se sont développées, créant de nouveaux marchés qui, pour être étroits, n’en sont pas moins profitables au capital occidental. Pendant ce temps, derrière la vitrine, une large proportion des couches populaires sombrait dans la misère. Le chômage caché des Démocraties populaires a proliféré, frappant aujourd’hui près de 20 % de la population active polonaise par exemple. Un chômage et plus généralement une extrême précarité des travailleurs qui sont autant de moyens de pression sur les salaires et les conditions de travail. Et c’est là l’autre aubaine pour le capital de l’Ouest : en même temps que leurs nouveaux marchés, les « Pays d’Europe centrale et orientale » (Peco) ont apporté aux investisseurs étrangers une main-d’œuvre bon marché autant que qualifiée.

Ce dernier aspect a contribué à susciter une certaine méfiance envers les nouveaux Européens de la part de nombreux travailleurs d’ici, alimentée par l’angoisse des délocalisations. Une méfiance largement exagérée, quand les trois quarts des investissements actuels sont destinés à placer les investisseurs sur les marchés locaux, et non à remplacer des productions existantes à l’Ouest. Une méfiance injuste, alors que ce sont bien plutôt les travailleurs de l’Est qui voient leurs conditions d’existence ruinées par l’invasion économique de l’Ouest, d’ailleurs souvent du fait des mêmes patrons exploiteurs et licencieurs des deux côtés. Une méfiance suicidaire, quand elle est récupérée par des démagogues réactionnaires. Et une méfiance contre-productive, alors que les classes populaires de l’Est pourraient être des alliées pour les luttes futures.

Car les travailleurs des Peco (qui n’expriment souvent pas moins de défiance à l’égard de l’Europe bourgeoise qu’on en trouve ici) forment une classe qui se bat. Les travailleurs polonais, dans les années 1980, n’ont-ils pas menée les plus importantes grèves politiques que l’Europe ait connues ces dernières décennies ! Depuis, malgré les traditions à recréer, malgré les effets du terrible choc social qu’a provoqué le retour du capitalisme, la colère et les luttes n’ont rien à envier à celles de ce côté-ci de l’ancien rideau de fer.

Le capitalisme de retour à l’Est a joué son rôle d’immense centrifugeuse sociale, en créant à un bout de la société une certaine prospérité pour les nouvelles classes privilégiées, à l’autre extrémité la misère pour des millions de prolétaires ou de chômeurs. Un recul ? Sûrement pas si, profitant de la fin des chapes de plombs étatiques, parviennent à se reconstruire des mouvements ouvriers dont les luttes convergent avec les nôtres. Sûrement pas, si la fin de l’impasse historique que représentaient les avatars européens du stalinisme signifie une intégration toujours plus grande des classes ouvrières du continent.

30 avril 2005

B.M.

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