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Europe : Du tsunami à la tempête dans un verre d’eau

28 juin 2007

« Constitution européenne » ? Quelle constitution ? Les 400 pages dont on avait envoyé d’indigestes extraits à tout citoyen français, sont passées à la trappe. Un « traité simplifié » d’une trentaine de pages fera l’affaire. Trois jours de marchandages quelque peu minables ont suffi à les boucler. Les votes des parlements ou de simples accords des gouvernements l’entérineront.

On nous avait pourtant clamé, lors du référendum de 2005, que l’enjeu était majeur. Selon les partisans du oui, sans constitution l’Europe serait bloquée : honte à la France ! Selon les opposants, la constitution de Giscard était la porte ouverte à l’invasion des Turcs et des plombiers polonais (côté Non de droite), au règne sans limite de l’ultralibéralisme (côté Non de gauche).

Le Non l’a emporté. L’Union européenne a continué à tourner. Avec sa même politique, celle des grands trusts européens. Sur la base du traité de Nice qui gérait jusque-là le fonctionnement de ses institutions, ni plus ni moins réactionnaire que le projet de constitution avorté.

L’opération de Chirac destinée à se faire plébisciter en mettant à mal le PS et en le coupant du PC, simple mesquinerie politicienne, avait tourné au fiasco. Le « tsunami politique » annoncé par certains, n’a pas empêché la droite de ramasser la mise aux élections de 2007. Et le successeur de Chirac de se flatter aujourd’hui de défendre les partisans du non. « Il ne faut pas oublier que 55 % des Français ont voté non dans mon pays » a-t-il tonné pour obtenir que soit effacé du mini-traité la référence à la « concurrence libre et non faussée ». Ce qui ne change rien, précise Manuel Barroso, président de la Commission européenne.

Pour satisfaire les nationalistes de tous poils, symboles et hymne de l’Union européenne ont aussi disparu. Le Pen, Chevènement et Royal pourront continuer à chanter la Marseillaise.

Plus sérieux ont été les marchandages des frères Kaczynski qui gouvernent la Pologne, mais pas moins ridicules. En débat, le poids des représentations des pays membres et leur nombre de voix dans les instances européennes, où les pays riches comptent garder la place prépondérante. Mais c’est pour leur seule pomme que prêchaient les très réactionnaires jumeaux, avec l’argument que sans les massacres des années 1939-1945 la Pologne ne compterait pas aujourd’hui 38 millions d’habitants mais 66 millions, presque autant que l’Allemagne (82 millions) et qu’elle devrait avoir les droits de vote correspondants. Colère d’Angela Merkel, entremise de Nicolas Sarkozy, et le compromis est tombé : exit la demande polonaise d’un droit de vote proportionnel à la racine carrée du nombre d’habitants, qui donnerait à la Pologne les 2/3 des voix de l’Allemagne (rapport de 6 à 9) au lieu de la moitié (rapport de 38 à 82) ; la règle initialement prévue est maintenue mais ne s’appliquera qu’à partir de 2014 et même seulement en 2017 si un Etat le demande. Rien ne presse !

De son côté Tony Blair, dont c’était le dernier sommet avant de quitter le gouvernement britannique (et faire sa première communion de néo-converti au catholicisme), ne voulait pas entendre parler d’un Ministre des affaires étrangères de l’Union européenne. Ayant des rapports privilégiés avec les Etats-Unis, la Grande Bretagne tient à afficher ses distances avec les diplomaties française et allemande. Pas de ministre donc, mais un « Haut représentant » aux affaires étrangères. Cette anicroche est révélatrice du fait que, tout en fusionnant en partie leurs affaires et se dotant d’une politique commune pour faire front à la concurrence mondiale, chacune des bourgeoisies nationales européennes (pas seulement la britannique) tient à garder ses prérogatives et à se réfugier derrière son propre Etat pour défendre ses intérêts particuliers. C’est cela, plus que le grippage d’éventuelles mascarades référendaires, qui fait que l’Union européenne avance piano piano.

Mais si la presse italienne titre sur « Sarkò retrò » (Prodi ayant été chaud partisan de la constitution), la française se félicite. Chacun de flatter les mérites du nouveau président qui, lors du sommet européen, a tenu à se montrer partout, et surtout devant les caméras de télévision. Jack Lang a vu en Sarkozy « un bon ouvrier de la relance européenne ». Marie-George Buffet a fait entendre un autre son de cloche. Ce qui semble la scandaliser surtout est que le mini-traité ne soit pas soumis à un nouveau référendum, dont elle revendique l’organisation. Une nouvelle campagne électorale et de nouveaux comités du non, alors qu’il y a à contrer la politique du gouvernement et du patronat sur le terrain des luttes ?

Par-delà leurs incessants marchandages, les patrons européens ont une politique commune : les licenciements pour rentabilisation forcenée de leurs trusts communs ou concurrents, comme ces 10 000 licenciements programmés à EADS ; mais aussi des attaques semblables et quasi simultanées contre les régimes de retraites, les dépenses sociales, les services publics, etc. Sans parler de la TVA, dont la récente augmentation de 3 points en Allemagne a donné des idées à Sarkozy.

C’est contre ces attaques concrètes que les travailleurs de toute l’Europe ont besoin d’une politique commune.

Olivier BELIN

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