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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 77, septembre-octobre 2011 > L’éducation en danger ?

Enseignant : un métier de « privilégiés »... que plus personne ne veut faire

25 septembre 2011 Convergences Société

Temps de travail hebdomadaire, vacances, et même salaire : par rapport aux autres salariés – à commencer par les agents du même ministère – et même sans parler des légendes sur les grèves payées, les enseignants font figure de privilégiés.

Un métier de fainéants ?

Le temps de travail d’un professeur certifié de collège ou de lycée est de 18 heures par semaine sur son lieu de travail. Fixé par un décret de 1950, il prévoyait, que pour une heure « devant élève », on ajoute 1,5 heure de préparation, correction, remise à niveau des connaissances, etc. chez lui. Ce qui donne une semaine de 45 heures pour 18 heures de cours [1]. De l’aveu même des inspecteurs, les enseignants travaillent plus que cela. D’autant que les temps de réunion décomptés dans les « obligations de service » ont explosé, pour la plupart sans compensation ou rémunération.

Des congés « payés » ?

Mais, objectera-t-on, les enseignants bénéficient des congés scolaires payés. À l’époque du décret, le temps de travail réel dans les autres secteurs atteignait environ 42 heures hebdomadaires sur 50 semaines. Les trois heures de plus du décompte de 1950 parvenant aux 45 heures hebdomadaires permettent, depuis cette époque, de « payer » les « petites vacances » : Toussaint, Noël. Car l’État a annualisé dès le départ le temps de travail des professeurs. Quant aux deux mois d’été, ils ne sont tout simplement pas payés ! La grille de salaire a été fixée, elle aussi en 1950, au même niveau que les autres cadres de la fonction publique recrutés avec un concours au niveau Bac + 3. Mais, à cette grille, il a été retiré deux mois de salaire. Les 10 mois restants ont été divisés par 12.

En fait, les salaires des enseignants sont nettement en dessous de la moyenne des cadres du privé comme du public. Celui d’un ingénieur débutant est de 2 800 euros environ – certes parfois moins et au forfait jour – ; celui d’un professeur certifié est, actuellement, de 1 689 euros. Le pouvoir d’achat des enseignants a constamment reculé depuis quarante ans. En 1970, le salaire d’un enseignant débutant était 2 fois supérieur au SMIC. Aujourd’hui, il n’est plus que 1,5 fois plus élevé. À 15 ans d’ancienneté, les salaires des enseignants français sont inférieurs de 15 % à la moyenne de ceux de leurs homologues européens, rapportait récemment Le Monde.

La crise du recrutement

Ces quinze dernières années, le nombre des candidats aux concours de recrutement est tombé en chute libre. Ainsi, le nombre d’inscrits au Capes (concours de recrutement pour les professeurs de collège et de lycée) en 1997 était de 8 204 en mathématiques et 6 848 en français ; en 2010, il n’est plus respectivement que de 2 771 et 2 648. En septembre dernier, le nombre de candidats inscrits aux concours de 2011 accusait une baisse de 25 % pour le Capes, de plus de 30 % pour l’enseignement technique et professionnel et de près de 40 % pour les professeurs des écoles.

Au ministère, on parlait d’un phénomène « transitoire » dû à la réforme de la formation qui a élevé de deux ans, de la licence (bac + 3) au master (bac + 5), le niveau requis pour passer les concours. En fait, les attaques gouvernementales ont découragé une génération entière. La preuve : les inscriptions en première année de master pour préparer le concours 2012 ont encore marqué un recul de plus de 55 %, tous degrés confondus.

L’anéantissement de la formation

La réforme de la formation explique bien des choses. Jusqu’à l’an dernier, ceux qui préparaient le concours ne faisaient que cela pendant un an minimum. Une fois le concours réussi, ils étaient fonctionnaires stagiaires payés et se professionnalisaient dans les IUFM (Institut Universitaire de Formation des Maîtres) pendant un an – mais autrefois pendant deux ans, et encore avant trois ; les économies ne datent pas d’hier – avec un temps de présence en classe réduit – huit heures six auparavant.

Les jeunes enseignants recrutés l’an dernier avaient préparé sur deux ans un master, un concours et leur professionnalisation sans être payés... ni voir beaucoup d’élèves ! Ils se sont retrouvés sans formation face aux élèves, jetés devant des classes surchargées à 18 heures avec tous leurs cours à préparer. À la clef, de nombreuses démissions ou des arrêts maladie – dont le ministère refuse de fournir les chiffres.

Sélection des futurs enseignants accrue – il faut se payer des études jusqu’à Bac+5 – alors même que l’attrait du métier s’érode : rien de tel pour saboter le recrutement.

D’autant que la professionnalisation en a pris un coup. La formation en IUFM offrait un minimum de connaissances pour gérer la ou les deux classes dont le stagiaire avait la charge. Désormais, non seulement le master « enseignement » est bidon, mais n’importe quel master fait l’affaire, du moment que l’on réussit le concours. Les stagiaires de l’an dernier se sont formés eux-mêmes, en autodidactes – un comble pour des professeurs ! – au risque de privilégier les recettes « efficaces », celles qui permettent de « tenir » face à des jeunes prompts à repérer l’enseignant fragile, au détriment de la réflexion, des tâtonnements, qui exposent davantage, certes, mais sont indispensables pour transmettre les connaissances ou le goût du savoir autrement que par l’intimidation ou la contrainte.

Les premiers à en subir les conséquences, hormis les professeurs eux-mêmes, sont naturellement les élèves.

Léo BASERLI


[1La convention collective des professeurs du privé est plus généreuse : elle attribue deux heures de préparation pour une heure de cours, soit une semaine de travail de 54 heures.

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