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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 35, septembre-octobre 2004 > DOSSIER : Défendre les services publics ? Pourquoi ? Comment (...)

DOSSIER : Défendre les services publics ? Pourquoi ? Comment ?

EDF, leçons d’une privatisation : couper le courant c’est bien, lier son combat aux autres c’est mieux

Mis en ligne le 1er octobre 2004 Convergences Entreprises

Les mois de mai et juin derniers ont vu la mobilisation de la plupart des centres EDF et des milliers d’agents dans la rue (80 000 le 27 mai). Une partie non négligeable des salariés a ainsi amené la direction de la CGT Energie à accompagner le mouvement alors qu’au départ elle était clairement décidée à laisser faire cette privatisation sans combattre. On se souvient que déjà, au début 2002, le projet de remise en cause des retraites des personnels d’EDF avait eu l’assentiment de la direction de la CGT avant d’être rejeté par une partie non négligeable de la CGT-Energie puis par un vote de l’ensemble du personnel. Cependant la privatisation est maintenant réalisée et c’est un succès pour Raffarin et une défaite pour les travailleurs. Et pas seulement pour les salariés des deux compagnies.

Le mouvement dont les directions syndicales n’ont pas voulu...

Bien sûr, le pire aurait été une défaite sans combat. Mais celui-ci ne pouvait suffire pour faire reculer le gouvernement à partir du moment où les directions syndicales sont parvenues à éviter la grève générale d’EDF et GDF et l’extension du mouvement à tous les services publics menacés à brève ou longue échéance, voire déjà privatisés (France telecom, La Poste et bien d’autres).

Car les directions syndicales, CGT, FO et CFDT, ont tout fait pour que cela ne dépasse pas le niveau d’une simple protestation. Le secrétaire de la fédération CGT de l’Energie déclarait le 15 juin : « Pour en revenir sur la question de la grève générale (...) pourquoi faudrait-il que les salariés s’engagent aujourd’hui dans des actions coûteuses d’un point de vue salarial alors que la semaine passée a montré que leur détermination pouvait s’exprimer au travers de modalités d’action beaucoup plus pénalisantes pour les employeurs (...) ». Les directions syndicales ont tout centré sur les coupures de courant sans donner la moindre publicité aux centres ou centrales électriques (12 sur 14 à un moment) qui tentaient de se mettre en grève. Au centre R&D de Clamart, par exemple, où des piquets de grève furent mis en place, puis à celui de Chatou, lorsque l’ensemble des militants locaux ont mis leur poids dans la balance pour convaincre les salariés qu’une lutte sérieuse était nécessaire, la grève a été reconduite de jour en jour. Dans d’autres sites également. Mais cela n’a pas suffi pour en faire la grève organisée, centralisée et coordonnée qui aurait peut-être permis de gagner la plus grande partie du personnel qui est restée hors du coup.

Jusqu’au dernier moment, la direction de la CGT a laissé croire qu’elle tenait en réserve une botte secrète : une journée « France dans le noir ». Elle a occupé des postes centraux de l’électricité. Mais elle n’a jamais mis sa menace en pratique. Et parmi l’ensemble des salariés, le climat n’était pas tel qu’il permette de déborder les appareils syndicaux.

Bien sûr, dans l’ambiance morose actuelle, les coupures de courant et occupations de postes sont apparues comme des actions dynamiques et combatives. Mais c’était en partie illusoire, un dérivatif pour les militants les plus combatifs, ceux qui plutôt que se battre tout seuls auraient pu être employés à convaincre leurs camarades d’entrer vraiment dans la lutte.

Des militants de la CGT ont manifesté leur mécontentement lors des réunions de rentrée du syndicat, montré qu’ils avaient compris le piège et que, conscients qu’ils avaient été trompés, ils ne comptaient pas la mettre en veilleuse.

... mais qui pourrait n’être qu’un prélude

En effet les conséquences de la privatisation, nuisibles pour les salariés comme pour les usagers, ne manqueront pas de donner raison à ceux qui se sont mobilisés. Les secteurs du gaz et de l’électricité sont livrés à la concurrence avec en conséquence hausses des prix, chaos de la production et de la distribution, désordres financier, casse du statut des salariés et des retraités, etc. La filiale de transport de l’électricité, RTE, est vendue en majorité à la Caisse des dépôts et consignations. EDF et GDF sont mis en concurrence et opposés artificiellement alors qu’au sommet on nomme le PDG de GDF au poste de patron d’EDF ! Déjà, la remise en cause du régime des retraites est programmée pour janvier prochain. Ni les promesses gouvernementales ni même la loi fixant un minimum de participation de l’Etat à 70 % du capital n’empêcheront que l’Etat se désengage encore davantage lorsqu’il le jugera possible ou souhaitable. La direction d’EDF affirme aux salariés dans Vivre EDF qu’« EDF continue à incarner les valeurs du service public » mais trois phrases plus loin que « notre trajectoire financière devrait faire de l’EDF l’une des entreprises les plus profitables du secteur » !

Le service public de l’énergie n’existe plus même si c’est seulement en 2007 que les simples particuliers dépendront du seul marché de l’énergie. Certes le service public servait déjà les intérêts privés, mais c’est un changement important. Ainsi, rien ne dit qu’une entreprise privée de l’électricité se pressera de rétablir le courant à ses frais dans une France frappée par une tempête comme l’a fait encore récemment EDF. Les conséquence de la recherche de la rentabilité sur le dos des usagers, on vient d’en avoir un aperçu avec l’incendie d’un foyer de Saint Denis le 17 août dernier. La famille, démunie qui ne pouvait plus payer ses factures, avait été privée de courant. La bougie avec laquelle ils devaient s’éclairer a causé l’incendie. Et EDF n’est pas encore réellement privatisée ! Le commentaire d’un représentant de la direction, déclarant qu’on n’est pas là pour faire du social, a donc clairement dévoilé ce que sera la politique d’une EDF privée.

Une annulation du projet aurait nécessité que les agents de l’Energie construisent un véritable rapport de force, se lient dans leur combat à tous les salariés du public menacés eux aussi, à terme ou immédiatement, par des privatisations, en appellent à leurs alliés naturels, les usagers populaires, c’est-à-dire l’ensemble des travailleurs. Rappelons-nous que c’est un début d’extension et de généralisation de la grève qui avait fait le succès du mouvement des cheminots de 1995 contre Juppé et pour la défense des retraites. A l’époque on nous avait déjà servi la thèse des usagers en colère mais cela n’avait pas marché.

Oui, il nous faut refuser d’être privatisés secteur par secteur, licenciés boîte par boîte, attaqués à la suite les uns des autres, saucissonnés. Le mouvement d’EDF de ce printemps doit être un prélude à la lutte d’ensemble qu’il nous faut préparer, aussi bien pour défendre le service public de l’Energie, que la santé, la Sécu, les retraites et les emplois.

R.P.

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