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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 53, septembre-octobre 2007

EADS, Airbus, « notre ami » Khadafi, et quelques autres...

Mis en ligne le 27 septembre 2007 Convergences Monde

Le 24 juillet dernier, la libération des infirmières bulgares et du médecin palestinien retenus depuis plusieurs années en Libye achevait le retour en grâce de son dictateur le colonel Khadafi auprès des puissances impérialistes. L’ancien « État-voyou » a ces dernières années indemnisé les victimes d’attentats imputés à ses services secrets. Il discute de sa participation à Frontex, un système de patrouilles en Méditerranée pour intercepter les embarcations de fortune des immigrants clandestins, et de la délocalisation sur son sol des centres de rétention des pays occidentaux. Il ne manquait plus qu’un vernis de respectabilité pour l’opinion publique internationale. C’est chose faite.

Le marigot de la vente d’armes

Dès 2004, l’Europe avait levé son embargo sur la vente d’armes à destination de la Libye. Le premier trust à décrocher la timbale est EADS. Le consortium de l’aéronautique civile (Airbus) et militaire, et de l’aérospatiale (Ariane) va vendre pour 168 millions d’euros de missiles antichars Milan, et pour 128 millions de plus de systèmes de communications cryptées Tétra. Selon Le Figaro, Tripoli pourrait aussi acheter bientôt des frégates et des sous-marins, notamment le Scorpène fabriqué par DCNS, la société privée issue des arsenaux d’État français. Au total, un milliard d’euros est en jeu.

En France, le PS dénonce la vente d’armes à un régime « qui a été à l’origine d’actes terroristes ». Mais c’est oublier que la gauche au pouvoir n’a pas eu davantage de scrupules. Que ce soit la vente de munitions à l’Iran, alors sous embargo pour cause de guerre avec l’Irak (affaire Luchaire), le versement de pots-de-vin monstrueux (affaire des frégates de Taïwan, dans laquelle était impliqué Roland Dumas), le commerce a toujours primé sur le reste. Les armées des grandes puissances constituent de juteux marchés. Mais ils sont quasiment le pré carré des trusts nationaux. C’est ailleurs que se réalisent les profits d’entreprises comme EADS. 33,5 % des ventes d’armes françaises entre 1996 et 2005 ont eu pour destination le Moyen-Orient. En réalité, lesdits « États-voyous », actuels ex- ou futurs, sont les vaches à lait des capitalistes bien de chez nous.

Leurs emplettes, nos emplois ?

Cette clientèle pèse également dans l’industrie civile. À commencer bien sûr par la fameuse centrale nucléaire vendue par Areva, pour laquelle Sarkozy est allé jouer les VRP fin juillet. Selon Claude Guéant, secrétaire général de l’Élysée, ce contrat « signifie qu’un pays qui respecte les normes internationales (sic !) peut être doté d’une industrie nucléaire civile » [1]. Comprenez : « nous pouvons lui vendre ».

EADS touche une seconde fois le jackpot, via sa filiale Airbus : Afriqiyah Airways, la compagnie aérienne libyenne, a confirmé 11 des 20 commandes d’A-320 et A-350 au dernier salon du Bourget. À cette occasion, Airbus a totalisé 339 commandes, dont une bonne partie pour les compagnies aériennes… du Golfe persique. Le record établi lors du salon 2005 (280 unités) est enfoncé, le carnet de commandes, 728 dont 425 fermes soit 100 milliards d’euros, plein à craquer.

Et pourtant la preuve, pour ceux qui en douteraient, que les « intérêts français » à l’étranger sont ceux des patrons et pas des travailleurs, c’est que le nouveau Pdg Louis Gallois maintient le plan Power 8 : suppression de 10 000 emplois et vente de non plus 6, mais 7 sites sur 16. Airbus affiche certes une perte de 572 millions d’euros, au titre du retard de l’A-380. Mais la maison mère EADS dégage quant à elle au total un bénéfice de 399 millions. Surtout, le groupe conserve une cagnotte de 4,2 milliards d’euros ! Largement de quoi maintenir l’emploi et les salaires de tous. Au lieu de quoi la direction entend faire des « économies » par la sous-traitance et l’augmentation des cadences, c’est-à-dire davantage de profits pour les actionnaires ; 2,1 milliards d’euros par an exactement.

Les réactions des travailleurs

Jusqu’ici, les syndicats d’Airbus ont surtout cherché à convaincre les dirigeants du constructeur aéronautique et Sarkozy de la nécessité d’investir, d’« arrêter de mélanger finance et industrie ». Autant convaincre le loup de devenir végétarien.

Ce sont les ouvriers, notamment les jeunes, qui ont poussé à la grève, parfois sauvage. Ainsi en avril dernier à l’annonce du versement de la prime de 2,80 euros : « Les syndicats nous promettaient sans arrêt des actions, et il ne se passait jamais rien. Il a fallu faire nous-mêmes quelque chose », expliquait un gréviste de Saint-Nazaire à Libération.

Depuis cet été, la direction temporise : 1 138 postes seulement seront supprimés dans les usines Airbus françaises, au lieu des 1 500 initialement prévus, et la cession des sites est repoussée d’un mois, pour octobre. C’est à ce moment-là que Power 8 prendra effet. Il n’est pas dit qu’il passera. À en croire un sondage CSA pour l’Humanité, 82 % des Français soutenaient les manifestations contre Power 8 au printemps passé. Licencier, alors que les coffres et le carnet de commande sont manifestement pleins, expose EADS à une réaction de colère chez ses propres salariés, mais aussi au-delà. Pour peu que les travailleurs de ce poids lourd de l’industrie française se mettent en grève, ils pourraient fédérer dans un même combat pour l’interdiction des licenciements nombre d’entreprises confrontées aux mêmes menaces.

18 septembre 2007

Mathieu PARANT


[11 Camille Bauer, « Le nucléaire offert aux Libyens », L’Humanité, 27 juillet 2007.

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