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De référendum en élections

9 juin 2005

Toute la gauche du Non a triomphé après le large succès de celui-ci. Mais la gauche de la gauche, celle qui va de Mélenchon à la LCR en passant par le PCF, a exulté. Pour elle pas de doute : la victoire du Non c’est d’abord, sinon exclusivement, celle du Non de gauche.

L’affirmation prête évidemment d’abord à discussion. Certes ce sont les couches populaires qui ont voté Non. Mais était-ce pour cela l’expression d’une radicalisation ? Le sentiment fédérateur des Non a sans aucun doute été l’envie de dire merde à Chirac. Mais mêlé à quels autres ? L’envie d’en découdre avec les patrons ou la crainte de l’Europe, voire un peu de xénophobie ? Les réactions dans les couches populaires justement au lendemain du scrutin ont été loin de donner une indication de cette radicalisation. La joie bien réelle d’avoir vu la longue figure de politiciens haïs ou déconsidérés, de droite comme du PS, était aussi parfois mélangée avec quelques inquiétudes sur la suite des événements et ne portait en tout cas guère de trace d’un désir de profiter de la « victoire » pour transformer l’essai et continuer plus avant sur un autre terrain. Il faut d’ailleurs croire que c’est bien ce qu’a estimé Chirac lui-même pour qu’il ait jugé sans danger de poursuivre ses petites manœuvres politiciennes (qui ne lui ont pourtant guère réussi jusqu’ici) et de renommer le même gouvernement, à un Raffarin près, avec en prime le retour de Sarkozy. Dans un autre climat cela seul aurait été une véritable provocation, une incitation à descendre dans la rue.

Mais c’est d’ailleurs bien là aussi au fond le jugement de toute la gauche du Non. Au soir de sa prétendue victoire, après quelques rodomontades vite étouffées, elle n’avait d’autres perspectives à présenter que les élections de 2007. Et depuis, comme celle du Oui, elle n’a d’autres soucis que d’élaborer les stratégies et commencer les grandes manœuvres qui la mettront dans la meilleure des positions pour aborder présidentielles et législatives dans deux ans. C’est vrai des Fabius ou autres Emmanuelli, mais aussi bien de la gauche de la gauche. Quand la LCR elle-même veut se montrer à la pointe du Front dans lequel elle s’est intégrée, c’est dans cette direction qu’elle renchérit. Son radicalisme, désormais, c’est demander... la dissolution immédiate de l’assemblée nationale et de nouvelles élections !

Ses alliés ou partenaires sont moins pressés. Sans doute ont-ils moins d’illusions sur la portée de leur « victoire » ou savent-ils qu’ils ont encore quelques problèmes à résoudre et quelques obstacles à surmonter avant d’en tirer les fruits.

Fabius a d’abord à mener sa bataille dans le PS, s’il veut s’imposer au final comme le champion de la gauche en 2007. Ce n’est certes pas impossible, même s’il vient juste d’être éjecté de la direction. Il y aura encore bien des épisodes. Mais il lui reste à tirer parti de son appel pour le Non, d’utiliser les sympathies ou le crédit qu’il peut avoir gagné dans la gauche de la gauche mais sans trop se compromettre avec celle-ci, pour imposer sa prédominance sur ses amis, et surtout concurrents, du PS.

Le PCF, qui a réussi à l’occasion du référendum à fédérer autour de lui cette gauche de la gauche, doit maintenant, pour tirer tout le bénéfice de l’opération, maintenir ce front autour de lui tout en ne gâchant pas ses chances d’une alliance avec le PS... dont on ne sait encore qui en prendra ou gardera la tête, Fabius, Hollande ou un autre. Mais ce n’est pas cela qui importe à Buffet qui ne l’a pas envoyé dire à la LCR : OK pour vous garder comme concubine mais n’allez pas croire que cela change mes projets de mariage avec le PS. Pour résumer grossièrement, mais clairement, la politique du PCF dans les deux ans à venir vise à aller au premier tour des élections en ayant regroupé le plus de forces possibles, celles qui se sont retrouvées dans les 1000 collectifs qui se seraient créés dans le pays - Verts en rupture de ban, alternatifs, altermondialistes de toutes nuances et la partie de l’extrême gauche voudra bien marcher dans la combine - afin de négocier dans la meilleure position possible un ralliement au candidat PS au second tour des présidentielles et une éventuelle alliance gouvernementale en cas de victoire de la nouvelle union de la gauche aux législatives.

Voilà donc la perspective ouverte par la victoire du Non ! Dans le meilleur des cas, celui où ce sera bien vers la gauche et non vers la droite ou même l’extrême droite que se tourneront dans deux ans les électeurs.

Cela valait-il vraiment la peine que l’extrême gauche soit comme la LCR se compromette avec de faux amis des travailleurs, soit comme notre organisation n’ose pas aller à contre-courant, et dépense son énergie à appeler à voter Non au lieu d’épingler ce référendum pour ce qu’il était : une opération politicienne dont les travailleurs n’avaient rien à attendre quelle qu’en soit l’issue ?

Jacques MORAND

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