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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 49, janvier-février 2007

Crise dans l’automobile européenne ? Hécatombe d’emplois chez les équipementiers

Mis en ligne le 18 janvier 2007 Convergences Entreprises

L’Humanité du 30 octobre 2006 faisait état de 25 000 emplois en passe d’être supprimés sur l’ensemble du pays et de près de 20 000 menacés.

Parmi eux, près de 10 000 ont été supprimés chez les équipementiers automobiles : Thomé-Génot, Delphi, Visteon, Bosch, Valeo, Faurecia, Wagon Automotive, EAK, Ford, Cignet Electronics, SPRIA Dalphimetal, Cadence Innovation, Oris, Magna International. À cela, s’ajoutent à l’échelle mondiale les 10 000 suppressions de postes chez PSA, les 75 000 chez General Motors et Ford1, les dizaines de milliers en cours chez Volkswagen, etc. Voilà ce que les patrons appellent « la crise du secteur automobile ». Et tous bien sûr d’invoquer les aléas du marché, la baisse des ventes, la compétitivité ou les difficultés financières.

En difficulté financière ces équipementiers ? Qu’on rigole ! Fin 2006, les résultats du groupe Valeo, par exemple, un des plus gros groupes mondiaux, sont de 2,3 milliards d’euros et les actionnaires ont pu empocher 7 millions d’euros. De plus, tous sont des fournisseurs, sous-traitants, voire filiales des grands groupes automobiles. Quand ils ne sont pas carrément sous-traitants de sous-traitants comme Thomé-Génot dans les Ardennes.

L’exemple d’un déficit artificiel : Thomé-Génot

Les « difficultés financières » de cette usine de 320 salariés, sous-traitant de Valeo et Visteon, ont été assez significatives. Après que l’ancien patron a déposé le bilan et est parti les poches pleines, l’entreprise a été rachetée en 2004 par un repreneur qui promettait de développer l’usine, le fonds d’investissement américain Catalina. Depuis, celui-ci a pillé les caisses pour payer des royalties mirifiques aux « sociétés mères » et offrir des salaires mirobolants à des membres de la direction (800 000 € par an)... jusqu’à la mise en liquidation judiciaire, le 24 octobre dernier. Voilà lesdites « difficultés financières » de Thomé-Génot ! Mais ce sont les licenciés qui ont essuyé les charges de CRS et qui ont été traités comme des voyous.

Les voyous sont, en réalité, les patrons des gros équipementiers et leurs donneurs d’ordres : les grands groupes automobiles qui, après avoir externalisé des secteurs entiers de leur activité, les mettent en concurrence, en imposant des conditions toujours plus draconiennes. Concurrence que les sous-traitants, à leur tour, s’empressent de faire peser sur leurs salariés.

Baisse des ventes, licenciements massifs... et profits records !

Quant aux difficultés financières des grands groupes, elles ont encore moins de réalité que celles de leurs sous-traitants.

Les ventes pour Renault et PSA ont augmenté de 50 % au cours des sept dernières années, ce qui relativise la baisse actuelle. De 2000 à 2005, les dividendes versés aux actionnaires de Renault ont augmenté de 250 %. Pour PSA Peugeot-Citroën, si le « résultat net » 2006, c’est-à-dire après déduction des charges, est annoncé à la baisse par rapport à 2005, ce n’est que parce que les « charges » étaient d’un caractère tout spécial : 227 millions d’euros dépensés pour la fermeture de l’usine de Ryton en Angleterre (2 300 licenciements) et 107 millions d’euros pour la restructuration de Faurecia dont PSA est le principal actionnaire (plusieurs centaines de licenciements). Les patrons de l’automobile investissent dans la fabrication massive de chômeurs, et ça rapporte. Fiat, Volkswagen et General Motors sont saluées comme les meilleures performances boursières dans le secteur automobile en 20062, PSA comme la meilleure performance du Cac 40 en cette première semaine de janvier 20073.

Les baisses de ventes (souvent grossies pour les besoins de la cause comme à PSA en ce moment) et les prétendues difficultés financières sont d’abord un prétexte pour les patrons pour justifier les licenciements, les baisses de salaires, la détérioration des conditions de travail afin que les dividendes des actionnaires, eux, restent au beau fixe, voire s’envolent. Une politique que le gouvernement sait encourager et, surtout... récompenser.

Cadeaux aux licencieurs et aide au développement du chômage

Les ouvriers de Thomé-Génot demandaient une indemnité de 30 000 € chacun, c’est-à-dire à peine deux ans de salaire à 1 250 € par mois. Il leur a fallu plusieurs semaines de lutte déterminée pour ne l’obtenir que partiellement, l’État se déchargeant sur les collectivités locales.

Loin de vouloir contraindre les patrons à payer, Villepin... les a payés eux-mêmes. Le plan d’aide aux fournisseurs et équipementiers automobiles leur octroie ainsi 400 millions d’euros. Il comprend l’aide à la recherche, des diminutions d’impôts, un encouragement à la « mobilité » des salariés et, surtout, une enveloppe de 250 millions d’euros au titre de l’innovation et de la recherche, attribuée cette année à Valeo, un des principaux licencieurs. Osons un petit calcul : un tiers de cette enveloppe (soit environ 90 millions d’euros) aurait suffi pour assurer aux 320 ouvriers de Thomé-Génot de quoi vivre jusqu’à leur retraite, c’est-à-dire 300 000 € pour un travailleur de 45 ans. Car c’est bien ce qu’aurait dû recevoir tous ceux à qui les patrons et l’État ne sont pas capables d’assurer un nouvel emploi.

Quant à l’« aide à la mobilité », elle est de la même veine que le prétendu « contrat de transition professionnelle », le genre de formations bidons dont les ouvriers de Thomé-Génot n’ont à juste titre pas voulu. Après souvent 25 ans de travail dans une région sinistrée par les licenciements (notamment à Visteon et Delphi), on se demande bien à quelle « mobilité » peuvent amener ces « transitions », si ce n’est à accompagner le chômage et à faciliter les plans de licenciements.

Tous les salariés du secteur automobile, ouvriers des grands groupes ou des équipementiers, sont touchés par ces licenciements. Pour en imposer l’interdiction la seule réponse évidente n’est-elle pas de rassembler toutes les forces et faire converger toutes les luttes ? Afin que plus aucun Thomé-Génot ne se retrouve seul face aux licencieurs, patrons ou État.

11 janvier 2007

Léo BASERLI

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