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Craindre les délocalisations ou combattre les patrons ?

30 juin 2004

« Les syndicats ont enfin admis que c’est l’allongement et pas la réduction du temps de travail qui favorise l’emploi ». C’est en ces termes qu’Angela Merkel, dirigeante de la CDU, grand parti de la droite allemande, a salué l’accord signé par Siemens et l’IG Metall, le 24 juin. Cet accord satisfait d’abord le patronat. Il s’agit d’un accord concernant deux sites de production de téléphones portables en Rhénanie-du-Nord, Kamp-Lintfort et Bocholt. Siemens en avait annoncé la délocalisation en Hongrie et le licenciement de 2000 sur les 4000 travailleurs des deux sites. Pour « sauver » ces emplois, l’IG Metall a accepté le passage de la semaine de 35 heures à la semaine de 40 heures, avec salaire inchangé (ce qui revient à une baisse du taux horaire de 12,5%). De plus, les primes de vacances et de fin d’année sautent et sont remplacées par un bonus dépendant des résultats (au bon plaisir du trust !). À noter que les salaires nets pour bien des ouvriers des deux sites ne dépassent déjà pas 1000 euros par mois.

Cette nouvelle concession syndicale permet au patronat allemand de poursuivre de plus belle ses attaques pour l’allongement du temps de travail. À peine l’accord signé, on a entendu pêle-mêle les représentants du patronat voire les politiciens réclamer le passage à la semaine de 42 heures dans l’industrie du bâtiment, la semaine de 42 heures pour toute l’Allemagne de l’Est, le retour au 40 heures pour les cheminots, etc. Dans la métallurgie, Siemens n’est pas seul à vouloir remettre en cause la semaine de 35 heures, et Siemens ne se limite pas aux deux sites mentionnés. Des négociations concernant quatre autres sites, eux aussi « menacés de délocalisation », sont en cours. Et la politique de l’IG Metall augure mal de leur résultat. Selon Berthold Huber, numéro 2 du syndicat, l’accord serait « un grand succès pour les salariés qui montre que des alternatives existent à la délocalisation... » !

L’été dernier, l’IG Metall avait mené une grève pour la semaine de 35 h en Allemagne de l’Est (où la durée de travail dans la métallurgie, pour un salaire égal, est supérieure de 3,5 heures). La grève fut appelée et contrôlée par l’appareil syndical, qui n’a pas préparé les travailleurs à l’affrontement avec le patronat. Une campagne de presse haineuse fut déclenchée contre cette grève et le fait qu’elle aggraverait la situation économique en Allemagne de l’Est. L’idée qu’une réduction du temps de travail menaçait l’emploi, aussi absurde soit-elle, fut largement répandue. La grève, finalement lâchée par la bureaucratie syndicale qui l’avait lancée, fut ressentie comme un échec par les travailleurs de tout le pays.

Le patronat s’appuya sur cet échec pour réclamer, lors de la négociation des conventions collectives en janvier dernier, le retour à la semaine de 38,5 voire de 40 heures aussi en Allemagne de l’Ouest. Cette « revendication » patronale a indigné bien des travailleurs. D’où une bonne participation aux « grèves d’avertissement » appelées par l’IG Metall, auxquelles la bureaucratie syndicale n’a proposé aucun lendemain. Au contraire, elle a conclu un compromis en se félicitant d’avoir empêché l’allongement généralisé et gratuit du temps de travail, mais en acceptant la semaine de 40 heures dans les secteurs de la recherche et du développement, ainsi que dans toutes les entreprises où la direction se mettrait d’accord avec le syndicat pour « sauver » des emplois...

Le terrain était donc préparé... pour des accords du style de celui de Siemens. Ce n’est pas un hasard si l’IG Metall s’en félicite. C’est le fruit de sa politique. Le vendredi 18 juin, la direction syndicale a organisé une journée d’action nationale au niveau du trust Siemens. Elle a appelé à une manifestation pendant les heures de travail mais sans appeler ouvertement au débrayage, encore moins à la grève. 25000 salariés, sur les 167000 des usines du trust en Allemagne, y auraient participé. Le mécontentement est là. Mais le mot d’ordre « Innovation, pas exportation d’emplois ! » (« Innovation, statt Job-Export ! », tous les tracts et auto-collants sont à cette enseigne !) en dit long sur les intentions des bureaucrates syndicaux.

Ladite innovation patronale, c’est-à-dire l’allongement du temps de travail si telle est l’envie patronale, ne se limite pas au secteur privé. Plusieurs gouvernements régionaux ont soutenu cette attaque en annonçant au printemps dernier de telles mesures pour leurs fonctionnaires et employés. C’est le premier ministre bavarois de droite Stoiber qui a pris les devants en annonçant la semaine de 42 heures... soi-disant pour améliorer la performance économique et résorber le chômage ! En Rhénanie-du-Nord-Westphalie, des politiciens ont emboîté le pas avec davantage de franchise, affirmant que l’allongement du temps de travail permettrait des économies par réduction d’effectifs.

Et on peut dire que l’imagination patronale scélérate a facilement franchi le Rhin. En France aussi, ces dernières semaines, les « innovations »patronales (de Bosch ou Motorola, entre autres) paraphées par certains syndicats, ont eu les honneurs des medias. Le chantage à la délocalisation va bon train. C’est le dernier gadget du patronat et évidemment un prétexte à imposer des reculs aux travailleurs. La seule façon pour la classe ouvrière d’Allemagne, de France et de toute l’Europe, de ne pas tomber dans ce piège, c’est d’avancer et d’imposer partout, un même programme de défense de ses intérêts fondamentaux.

Toni ROBERT

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