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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 82, juillet-août 2012

Contribution de la Fraction l’Étincelle (12 juin 2012) : Pour le changement maintenant… au moins dans l’orientation du NPA

Mis en ligne le 3 juillet 2012 Convergences Politique

Le NPA dans lequel militent les camarades de la Fraction L’Étincelle tient une conférence nationale les 7 et 8 juillet prochains. Cette conférence a pour but d’ouvrir le débat sur le bilan, la politique et les orientations du parti et préparer son prochain congrès qui devrait se tenir fin 2012.

Ci-dessous une première contribution à ce débat des camarades de la Fraction L’Étincelle membres du Comité Politique National du NPA.


Si François Hollande et son gouvernement gardent les mains libres, nous savons déjà à quoi nous attendre. Le gouvernement de gauche reviendra sur quelques abus de son prédécesseur en matière de justice ou de police, mais en évitant de se heurter aux corps de magistrats comme de policiers ; apportera quelques améliorations minimes en matière de droits démocratiques – droit de vote limité pour les immigrés, proportionnelle tout aussi limitée aux législatives ; saupoudrera le tout d’une pincée de mesures sociales – coup de pouce à la prime de rentrée scolaire ou au Smic, retour au droit à la retraite à 60 ans pour une infime fraction des salariés, et encore à condition que cela ne coûte rien aux entreprises et à leurs actionnaires, voire serve de prétexte à de nouvelles subventions. En revanche, rien qui puisse stopper l’offensive de la bourgeoisie et faire en sorte que la crise ne soit pas payée par le monde du travail.

En face, les directions syndicales sont bien décidées à jouer les jeux de la concertation et de la négociation auxquels le gouvernement les invite. Elles n’engageront d’épreuves de force que si cela est indispensable pour sauver leur image et garantir l’existence des appareils qu’elles représentent ou si la colère des travailleurs ne permet pas d’éviter une confrontation, qu’elles essaieront de limiter au maximum. La gauche de la gauche et le Front de gauche se placent déjà en position de soutien conditionnel, prudemment critiques tant que cette critique ne mettra pas en danger le gouvernement ou le président. Et le Front national sera d’autant plus libre d’exercer sa démagogie à l’égard des classes populaires que, au fond, personne ne tente de donner réellement à celles-ci les moyens de la déjouer. Car, en la matière, ce ne sont ni les indignations vertueuses ni les dénonciations véhémentes qui peuvent convaincre.

Cesser de confondre l’unité du monde du travail avec celle des organisations qui prétendent le représenter

Nous n’attendons rien du gouvernement PS. Les différentes composantes de la gauche de la gauche, en particulier du Front de Gauche, peuvent se montrer plus ou moins critiques ou méfiantes mais apportent néanmoins leur soutien à ce gouvernement. Or c’est le moment où il nous est proposé de « construire une opposition de gauche » avec elles.

La formule « construire une opposition de gauche » est ambiguë à souhait. De la gauche révolutionnaire à la gauche antilibérale ? À chacun d’y retrouver ses petits ou d’y mettre ses envies. Elle peut laisser entendre que le NPA a l’ambition de constituer lui-même cette opposition en rassemblant autour de lui et de son programme. En réalité, elle ne peut avoir qu’une signification. Puisque ni LO ni le POI, ni les plus petits groupes qui n’ont pas déjà intégré le NPA, ne veulent pour le moment d’une alliance avec celui-ci, il n’y a pas d’espoir dans l’immédiat de passer par-dessus les sectarismes de ce côté. C’est donc bien sur notre droite que ce front politique est explicitement proposé, avant tout au FdG.

Qu’importe que cette quête d’une alliance avec le FdG n’ait rencontré jusqu’ici aucun succès, même lorsque le NPA, en fonction de ses forces militantes comme de ses résultats électoraux, discutait d’égal à égal !

Mais admettons que le FdG réponde aujourd’hui favorablement aux appels du pied, quelle qu’en soit la raison, que ses prétentions soient un peu douchées tout de même par les résultats des législatives, ou qu’il anticipe déjà les calculs en vue des élections prochaines.

À quoi pourrait bien servir aujourd’hui ce front durable (au moins tant que le PS serait au pouvoir si l’on comprend bien) et sur quel terrain ?

Pas à mettre sur pied une opposition parlementaire... vu l’absence de représentation du NPA à la chambre ou au sénat. C’est pourtant là que le FdG entend d’abord mener bataille et s’opposer, dans la mesure où il s’opposera. Mélenchon a déjà annoncé qu’il n’est pas question pour le FdG de voter la moindre censure, garantie donnée d’avance qu’il ne combattra pas le gouvernement jusqu’à le mettre en danger. Une bonne partie de ce FdG rêve tout haut d’intégrer le gouvernement.

Alors un front pour s’opposer plus efficacement au FN, et gagner la course de vitesse qui opposerait l’extrême droite à l’extrême gauche ?

Certes, le FN présente un danger à court et long terme. Mais, dans l’immédiat, le danger est qu’il accroisse encore l’emprise déjà acquise dans les milieux populaires et ouvriers. On ne la combattra pas par la méthode Mélenchon, l’organisation de duels médiatiques et électoraux avec Marine Le Pen dont on a pu juger l’efficacité tant lors des présidentielles qu’à Hénin-Beaumont.

La lutte contre l’emprise de l’extrême droite dans les milieux populaires se fera par la confrontation directe avec l’idéologie et le programme lepénistes dans ces milieux. C’est là, sur les lieux de vie et de travail des classes exploitées, que les prétentions de Le Pen à représenter les intérêts du monde du travail doivent être démontées et réfutées par la propagande et l’agitation quotidiennes, par l’organisation d’une riposte plus musclée si l’extrême droite passait en France aux agressions physiques contre certaines sections de la population comme elle commence à le faire en Grèce contre les immigrés, mais, surtout et avant tout, en proposant une politique qui se traduise par des luttes et des succès, même petits, même partiels, une politique qui montre aux travailleurs qui est dans leur camp et qui n’y est pas.

Car c’est d’abord le scepticisme en leurs propres forces et en la lutte qui pousse tant de salariés modestes, chômeurs ou retraités, ex-électrices et électeurs de gauche ou même d’extrême gauche, à regarder vers l’extrême droite et à lui donner leur voix. La politique des directions syndicales lors de la mobilisation contre la réforme des retraites (politique que PCF comme Mélenchon ont inconditionnellement soutenue, faut-il le rappeler) est aussi une des raisons des succès actuels de Marine Le Pen. Nous ne combattrons pas ce scepticisme en apparaissant, via une alliance avec la gauche de la gauche, liés à une gauche qui les a bernés ou à des directions syndicales qui ont trop souvent tourné le dos à leurs intérêts.

Un front alors pour préparer la future mobilisation d’ensemble qui ferait échec à l’offensive du gouvernement et de la bourgeoisie et pourrait ouvrir la voie à la transformation révolutionnaire de la société ?

Le FdG ne représente en aucun cas une réponse à ces problèmes. On se trompe déjà en cultivant l’ambiguïté et en laissant entendre que notre programme et celui du Front de gauche ne sont pas si éloignés, que les différences seraient somme toute minimes et pourraient se résorber : sur les salaires (un Smic à 1700 € brut ou net ?) ; sur l’emploi (l’interdiction des seuls licenciements boursiers ou pas ?), le chômage (répartition du travail entre tous ou protectionnisme ?), pour ne pas parler de la politique en matière d’écologie (sortir du nucléaire ou vague référendum à ce sujet ?) ou de l’oubli systématique par le FdG de la nécessité du contrôle de la population et des travailleurs sur la vie économique et politique, à commencer par les entreprises. Le fond de la question est que le Front de gauche met en avant des objectifs électoraux – la révolution par les urnes, jamais par la lutte d’ensemble ou la grève générale. À moins que le NPA n’accepte d’en rabattre sur tous les points et de mettre beaucoup d’eau dans son vin, la propagande de ce front tant sur les objectifs immédiats que sur les moyens pour y parvenir serait bien cacophonique (un bon moyen, il est vrai, de faire douter les travailleurs de la réelle possibilité d’une lutte d’ensemble... dont une partie dudit front n’aurait visiblement pas trop envie). Mieux vaut présenter chacun sa politique et ses objectifs jusqu’à ce que les travailleurs eux-mêmes tranchent quand ils entreront en lutte.

Certes, l’unité des travailleurs ou des opprimés dans les luttes est souhaitable, voire nécessaire. Mais l’unité entre qui et qui ? L’unité des travailleurs n’est pas équivalente à l’unité des organisations, même de celles qui se réclament du mouvement ouvrier, sans parler de celles qui lui sont étrangères. L’unité des organisations, réclamée à grands cris au nom des intérêts du mouvement, peut aboutir au contraire à dresser un obstacle supplémentaire devant celui-ci. Ne serait-ce qu’en posant comme un préalable indispensable la présence d’organisations, politiques ou syndicales qui n’ont pas l’intention de se joindre au mouvement, voire ont celle de le saboter. Combien de grèves voulues par une majorité des travailleurs ont avorté parce que l’unité syndicale n’était pas au rendez-vous, ou furent trahies par la désertion d’une partie de cette intersyndicale soi-disant garante de la lutte unitaire ? Notre rôle est au contraire d’aider les travailleurs à prendre eux-mêmes le contrôle et la direction de leurs luttes.

Dans la situation actuelle, l’unité avec le FdG comme avec la gauche syndicale ou politique ne peut être que ponctuelle dans l’action sur un objectif partagé. Certes, nous ne devrons pas hésiter à la rechercher et à la proposer partout où se dessine un conflit, une protestation, une mobilisation, même partielle. En ce moment même, par exemple, contre les plans de licenciements ou les restructurations qui se multiplient, le NPA pourrait et devrait s’atteler à convaincre les militants d’autres organisations politiques ou syndicales, ces organisations elles-mêmes, les travailleurs qu’elles influencent, de s’adresser à ceux des autres entreprises concernées par les mêmes problèmes.

Mais un front c’est déjà l’embryon d’un parti, sinon une discipline commune du moins l’affirmation publique de solidarités et d’engagements durables entre les organisations qui le composent. Alors que le monde du travail va devoir affronter un gouvernement de gauche qui s’apprête à lui faire payer la crise capitaliste, le NPA ne doit ni prendre d’engagements durables ni affirmer de solidarité autre qu’au coup par coup avec des organisations qui apparaissent elles-mêmes solidaires en tout ou en partie de cette gauche.

Mettre fin à la politique du « tout électoral »

Alors, que change donc l’élection de François Hollande à notre programme et nos tâches ? A priori rien, ou alors à la marge ou dans les nuances. Rien, puisque face à un changement politique qui ne change rien à la situation de l’ensemble des classes populaires, la tâche demeure d’œuvrer au vrai changement que seules les luttes et la mobilisation d’ensemble du monde du travail pourront imposer. Le plan d’urgence, ce programme pour les luttes, celui que nous avons défendu dans les élections, garde de toute évidence toute sa pertinence, quitte à le préciser peut-être dans le contexte de la phase actuelle de la crise.

Nous n’aurions donc pas grand-chose à changer dans nos orientations... si la politique du NPA, durant les trois ou quatre ans qui viennent de s’écouler, avait été à la hauteur du parti « anticapitaliste qui vise à la transformation révolutionnaire de la société » qu’il ambitionne d’être. C’est, malheureusement, loin d’être le cas !

Toute la courte vie du NPA a tourné pour l’essentiel autour des élections. Il est né d’un succès électoral. Les seules campagnes menées à l’échelle nationale, c’est-à-dire les seules tentatives de s’adresser à l’ensemble de la population, le furent à l’occasion de celles-ci. Les débats qui ont déchiré le parti aussi.

Il est normal qu’un parti utilise l’opportunité des élections, moment où les classes populaires prêtent un peu plus d’attention à la politique. Nous devons continuer à le faire, aussi systématiquement que nos forces nous le permettent. Mais à condition que la participation aux élections ne soit qu’une activité complémentaire de celles qui se déploient sur d’autres terrains, à condition d’intervenir, en y mettant autant d’énergie et de forces, en d’autres occasions et sur d’autres questions, celles qui concernent directement le sort des classes laborieuses. Ce n’est pas ce qui a été fait, ni tenté. Même les pseudo-campagnes sur les salaires ou l’emploi, destinées à apporter une réponse politique aux préoccupations du plus grand nombre, se sont terminées avant même de commencer, du moins à l’échelle du parti sinon ici ou là de tel comité.

Nous payons le prix de ce qui a été la stratégie de fait du NPA : imaginer que, à partir du succès d’Olivier Besancenot en 2007, le NPA devait grossir en électeurs comme en adhérents en allant simplement d’élections en élections. Nous le payons par l’affaiblissement du parti, la démoralisation et les départs de militants, certains fascinés par les résultats électoraux du Front de Gauche, mais d’autres désappointés par un parti trop vite transformé en un comité électoral permanent, peu soucieux ou incapable de leur proposer une autre activité militante.

La voie électorale n’est pas la voie royale pour construire un nouveau parti anticapitaliste. Elle ne peut même pas lui permettre de prendre sa place dans la cour des grands... une ambition au demeurant bien dérisoire pour un parti qui veut révolutionner la société et renverser le capitalisme.

En fait, il n’y a que des partis bourgeois à vocation gouvernementale, sans prétention de changer le système tout au plus de l’améliorer à la marge, qui peuvent se construire en se coulant dans le processus électoral autour d’un leader médiatique rassemblant peu à peu notables et élus autour de lui. Les exemples que nous en avons sous les yeux en ce moment même, à droite comme à gauche, ne devraient ni nous servir ni nous éblouir.

Un parti anticapitaliste visant au changement révolutionnaire de la société, en clair et sans périphrase un parti révolutionnaire donc, ne peut se bâtir qu’à partir des classes sociales qu’il entend représenter, en recrutant des militants politiques parmi les travailleurs. C’est dans ces conditions que le parti en construction pourra se faire le porte-parole de leurs préoccupations, en contribuant à les organiser en vue des combats nécessaires, en les gagnant au programme anticapitaliste correspondant à leur intérêt. En bref, en existant en permanence au sein de la population, par sa propagande, ses activités et ses militants, et pas seulement le jour où il vient lui demander ses suffrages. Car c’est en dirigeant des luttes sociales partielles ou d’envergure qu’un tel parti pourra s’ancrer durablement comme parti des travailleurs, la seule façon de donner un contenu social à un parti anticapitaliste.

Le NPA se veut l’héritier du meilleur des traditions des différents courants du mouvement ouvrier. Mais c’est justement par ce travail de terrain que se sont construites les organisations révolutionnaires, anticapitalistes, qui nous ont précédés, socialistes, communistes ou anarchistes. Récupérons donc au moins cette tradition qui leur est commune.

Bien sûr, bon nombre de militants et de comités du NPA ont une activité dans les entreprises, les quartiers ou la jeunesse. Mais sans que ce travail soit la priorité ni même la préoccupation du parti lui-même. Il n’est qu’à voir l’inefficacité, souvent même l’inexistence des commissions nationales mises en place, paraît-il, pour suivre et diriger les activités de terrain. Résultat, le travail de terrain des militants NPA se fait la plupart du temps uniquement dans le cadre d’un syndicat, d’un collectif, d’une association, très rarement au nom du parti. Celui-ci ne s’est ainsi pas donné et ne donne pas à ses propres militants les moyens de défendre auprès des travailleurs du rang ou des gens « ordinaires », sa propre politique révolutionnaire quand elle diffère de celle réformiste des syndicats, collectifs ou associations dans lesquels ils militent.

Il nous faut inverser les priorités telles qu’elles ont eu cours jusque-là. Participer aux élections, mais d’abord pour prolonger les interventions dans la vie, les luttes et les mobilisations de la classe ouvrière et des couches populaires, au niveau des entreprises, des quartiers, des lycées et des universités. Militer dans les syndicats, les collectifs ou associations populaires, mais en même temps défendre publiquement la politique révolutionnaire en toutes occasions. Et, dans l’immédiat, faute de pouvoir intervenir tout de suite sur tous les terrains, vu nos forces limitées, établir des priorités, choisir ceux vers lesquels diriger l’activité des militants et des comités, les secteurs qui peuvent jouer un rôle décisif lors des prochaines mobilisations d’ensemble auxquelles nous voulons œuvrer : les lieux de travail et la jeunesse.

Le 12 juin 2012

Aurélien (75), Hervé (91), Maria (75), Zara (93), membres du CPN du NPA (Fraction l’Étincelle)

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