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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 48, novembre-décembre 2006

Contre la chasse aux enfants, la résistance continue

Mis en ligne le 27 novembre 2006 Convergences Politique

À la veille de la rentrée scolaire, des dizaines de milliers de familles de sans-papiers qui espéraient être régularisées avec leurs enfants scolarisés ont appris le rejet de leur demande par les préfectures. Sarkozy a tenu à montrer à la fraction la plus réactionnaire de l’électorat qu’il ne régularisera pas ces familles. Et, après avoir prétendu que leurs situations seraient examinées au cas par cas, il a en réalité appliqué des quotas : 80 % de refus. 6 324 personnes régularisées sur 30 000 dossiers déposés...

Depuis, il ne se passe pas de semaine sans tentative d’expulser des familles, des enfants, ou parfois l’un des parents séparé ainsi du reste de la famille. Autant de tragédies, de vies brisées, de façon implacable et brutale.

Comme pour Houreye Sako et sa petite fille de 4 ans scolarisée dans une école de Compiègne. Inconnue des services de police, elle a cru dans les promesses ministérielles et a déposé une demande en préfecture au mois d’août. Déboutée, elle est arrêtée début octobre à l’aube, séparée de son compagnon, de nationalité française dont elle attend un enfant, et expulsée au Mali 48 heures après. La petite n’a aucune protection sanitaire, aucun vaccin, ce qui la met en danger dans son nouvel environnement. Elle vient d’attraper le paludisme.

Comme pour Suzilène, arrêtée dans la rue alors qu’elle emmenait son petit frère à la crèche. Malgré une mobilisation massive de ses profs et camarades de classe du lycée Valmy de Colombes, la préfecture l’a expulsée, seule, sans ses parents, au Cap-Vert.

Comme pour Fatima, placée en centre de rétention à l’heure où nous écrivons, et dont le père est ouvrier en France... depuis 1976 ! Travaillant chez Dunlop, il eut un grave accident du travail. Du coup, il a perdu son emploi et a dû vivre avec de maigres ressources, ce que les autorités ont prétexté pour lui refuser le regroupement familial. Fatima avait tout de même rejoint son père il y a 4 ans... et la voici en danger d’expulsion.

Échec à l’expulsion

Les expulseurs ont aussi connu des échecs. Force même est de constater que la machine à expulser les enfants est grippée, même si elle ne l’est pas autant qu’on pourrait le souhaiter. Car, fort heureusement, ces expulsions ignobles créent une large émotion. Ces sans-papiers ne sont pas isolés. L’annonce qu’un enfant risque de laisser une chaise vide dans son école consterne ses copains, ses profs, les parents d’élèves, pour qui la « politique migratoire de la France » perd brutalement son caractère abstrait et impersonnel !

Ainsi, à Vaulx-en-velin, c’est Nadia qui a échappé à l’expulsion en octobre. Algérienne, mère de deux adolescents qui n’ont jamais mis les pieds en Algérie, fille d’un de ces « indigènes » de la Deuxième Guerre mondiale récemment glorifiés au cinéma, elle est arrêtée à l’aube au domicile de son compagnon français. Tout un réseau s’active aussitôt. Quand les policiers arrivent à l’aéroport de Satolas, ils sont déjà accueillis par des dizaines de manifestants. Ils embarquent alors Nadia menottée et ses enfants en voiture, direction un ferry à Marseille... où à nouveau des manifestants les accueillent. Un médecin finit par décréter que Nadia est trop malade pour être expulsée, et elle est donc libérée.

C’est encore dans le port de Marseille qu’a échoué l’expulsion de Lahcen Douibi, parent d’élève algérien arrêté et séparé de ses enfants. Le 9 novembre, des centaines de personnes, aidées et accompagnées des militants de la CGT-SNCM, s’opposent à son embarquement dans un ferry. Le 11, la police tente à nouveau de l’expulser, par l’aéroport de Marignane : à nouveau les manifestants sont nombreux, ils ont appris où est Lahcen par des militants syndicaux de l’aéroport. Gaz lacrymogènes, coups de matraques... Sauf que, du coup, une bonne partie des passagers de l’avion protestent et refusent d’embarquer. Expulsion annulée. Le procureur décide de faire libérer Lahcen.

On pourrait citer des dizaines d’autres cas d’expulsions empêchées par la mobilisation. À chaque fois, c’est la détermination de tous ceux qui sont solidaires qui a payé, empêchant un embarquement, influençant un médecin ou un juge, décourageant la préfecture. À chaque fois un bras de fer est engagé, qui fait que même quand l’expulsion a lieu, la préfecture et la police ont de quoi s’en souvenir, et de quoi redouter les prochaines fois. Sans oublier que la lutte continue... pour exiger et imposer le rapatriement des expulsés.

Un peu partout en France, le Réseau éducation sans frontières est manifestement en train de se développer. Sans attendre que le pire, l’arrestation et l’expulsion, survienne, des enseignants, surveillants, parents, copains de classe, s’organisent, et la lutte semble se faire de plus en plus souvent en amont. Les soutiens ne se contentent pas de dénoncer la loi, ils la bravent, ils hébergent, cachent, aident, réconfortent, les sans-papiers. Ils les accompagnent devant l’administration, comme l’ont fait le 16 novembre de très nombreux élèves du lycée Ravel à Paris, qui ont massivement « débrayé » et manifesté jusqu’au tribunal administratif où était jugé le cas d’un de leurs camarades. L’organisation de la résistance se fait un peu partout, comme à Montluçon, Nevers, Soissons, Clermont-Ferrand, etc.

La toile s’étend, et il faut espérer que cela va rendre de plus en plus difficile le sale boulot de la police. À cette occasion, beaucoup prennent aussi conscience du caractère inhumain de toute la politique d’immigration du gouvernement, et d’ailleurs des précédents... Car si des jeunes enfants ou adolescents se retrouvent menacés d’expulsion, c’est une conséquence directe de la restriction du droit au regroupement familial, ou encore du droit d’asile. C’est le problème de tous les sans-papiers qui se trouve posé.

De la défense à l’attaque ?

La plupart des enfants et des familles déboutés cet été n’ont pas été expulsés et ne le seront pas d’ici les élections. Trop nombreux pour les centres de rétention, les charters, l’administration policière, qui se plaint d’ailleurs, la pauvre, de rafler bien plus de gens qu’elle ne peut réellement en expulser. Mais même quand on n’est pas arrêté, on vit la peur au ventre. Peur d’être arrêté sur la route de l’école ou du retour, peur de sortir dehors, avec un avenir complètement incertain, un sort qui peut basculer en deux secondes.

C’est pourquoi, à côté de la nécessité première de continuer à organiser autour de chaque jeune menacé ceux qui sont prêts à s’opposer concrètement, voire physiquement, à son expulsion, seule manière d’empêcher celle-ci, se pose aussi la question d’unir les forces, pour qu’un mouvement large se développe pour exiger la régularisation de tous ces enfants, et au-delà de tous les sans-papiers. Pour qu’ils aient enfin une vie normale. Ce serait alors engager un véritable bras de fer politique, à l’échelle nationale, contre le gouvernement, pour une régularisation générale et l’arrêt de la chasse à l’homme.

Le 15 novembre 2006

Bernard RUDELLI


Sarkozy n’a pas le monopole du cynisme

Interrogé lors d’une réunion en septembre avec les organisations syndicales sur le sort des élèves sans-papiers, son collègue le ministre de l’Éducation nationale de Robien a tout simplement répondu : « je ne suis pas ministre de l’Éducation internationale ».

Plutôt qu’aux enfants étrangers de Robien réserve son hospitalité aux policiers. Dans une circulaire aux chefs d’établissement d’août 2006 (au moment donc où les lettres de refus de régularisation partaient des préfectures en rafales), le ministère écrit : « Dans le cadre du partenariat entre l’Éducation nationale et la police ou la gendarmerie, les bonnes relations nouées entre les membres de ces institutions, basées sur la confiance et la courtoisie réciproques, doivent permettre un libre échange d’informations. C’est ainsi que, hors le cadre des réquisitions écrites, le chef d’établissement permettra aux enquêteurs l’accès à certains renseignements comme, par exemple, la consultation des fiches individuelles de renseignements afin de connaître l’identité et le domicile d’un élève (...), la composition de la fratrie... »

Par ailleurs, les préfectures n’ont pas hésité à refuser des régularisations d’élèves en s’appuyant sur des documents, gracieusement transmis par l’Éducation nationale, sur l’absentéisme ou des « incidents de vie scolaire ».

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