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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 22, juillet-août 2002

Congo-Brazzaville : Le massacreur est un admirateur de Chirac

Mis en ligne le 9 juillet 2002 Convergences Monde

Denis Sassou-Nguesso (alias DSN), est revenu au pouvoir à l’été 1997, suite à un coup d’Etat qui lui a permis de renverser le président Pascal Lissouba, lequel menaçait de délaisser Elf pour la compagnie américaine Oxy [1]. Un coup de force qui n’aurait peut-être pas été victorieux sans le soutien de la France, de ses spécialistes et de la coalition militaire rameutée par Paris : mercenaires, contingent angolais, soldats tchadiens, anciens mobutistes voire génocidaires rwandais en exil. [2]

Il est également vraisemblable que les blindés français ont donné depuis le Gabon voisin le coup de pouce indispensable à la victoire de DSN.

Cent mille morts

Aussitôt installé, le nouveau président lança ses miliciens cobras durant l’hiver 98-99 dans une grande campagne contre les quartiers sud de Brazzaville et contre le Pool, une région méridionale, repaires présumés des partisans de Lissouba. Exécutions sommaires, pillages, incendies, viols amenèrent l’exode de régions entières (peut-être le tiers de la population du pays) et firent sans doute plus de 100 000 morts.

Chirac n’a jamais caché les liens étroits qui l’unissent à Sassou Nguesso. Ne bénissait-il pas le massacre et son auteur, en juin 1998, lors d’un voyage en Angola : « Je me réjouis de l’intervention de l’Angola au Congo-Brazzaville pour la raison simple que ce pays était en train de s’effondrer dans la guerre civile, de s’auto-détruire, et qu’il était souhaitable que l’ordre revienne. Il y avait quelqu’un qui était capable de le faire revenir, c’était Denis Sassou Nguesso…La paix est revenue, les conditions de développement reprennent. Cette ville de Brazza, qui était devenue martyre commence à se relever et Denis Sassou Nguesso s’est engagé à mettre en œuvre le processus de démocratisation dans un délai maximum de deux ans. » (La bonne blague !) [3]

En retour, Sassou Nguesso n’a d’ailleurs pas été avare de louanges après le plébiscite du 5 mai 2002 : « En acclamant votre brillante réélection, les Congolais expriment (…) leur reconnaissance à votre égard pour votre soutien indéfectible au Congo ». Election qui est la « récompense méritée par tant d’engagements hardis, par tant d’intransigeance morale et par tant de pugnacité en faveur d’une France plus fraternelle et plus solidaire ».

Cet expert en matière d’intransigeance morale a aussi vite compris ce qu’il pouvait gagner à épouser la grande cause de la « lutte anti-terroriste ». Un mini-sommet de chefs d’Etats locaux a été réuni pour proclamer la nécessité « d’éradiquer le terrorisme ». Et l’armée proclame qu’elle poursuivra sa mission « jusqu’à l’anéantissement total des terroristes ».

La nouvelle campagne de terreur

La réélection de Chirac (qui suivait de peu celle de Sassou lui-même, à 89%, encore mieux que Chirac) a été vue, semble-t-il, comme le feu vert pour le déclenchement d’une nouvelle répression sous le prétexte de réagir à des attaques de Ninjas (les hommes de Lissouba), dont la réalité est sujette à caution. Plusieurs agglomérations du Sud (Vindza, Kimba…) ont à nouveau fait l’objet de bombardements, d’exécutions massives et probablement d’autres atrocités (pendaisons, habitants enterrés vivants, etc.). « Les femmes ont été violées systématiquement » déclarait à l’AFP [4] le représentant local de l’Unicef. Les réfugiés se comptent par dizaines de milliers et, comme en 1999, se terrent dans les forêts où ils périssent peu à peu de maladies et de malnutrition. « Les agences humanitaires attendent désespérément que quelqu’un de la communauté internationale fasse un geste » lisait-on récemment dans le journal sud-africain Mail & Guardian of Johannesburg. « Jusqu’à présent, leurs requêtes se sont heurtées à un mur de silence ». Mais la Banque mondiale vient d’accorder au Congo, début mai, un nouveau crédit de 40 millions de dollars.

Les intérêts de TotalFinaElf

Grâce à sa meurtrière offensive, le régime de Sassou Nguesso a pu étendre son emprise sur le pays au point de remettre en service le Chemin de Fer Congo-Océan, une artère économique essentielle. Pour la plus grande satisfaction, on s’en doute, des trusts français (notamment Bolloré) dont l’enracinement au Congo s’est étendu parallèlement depuis 5 ans, à la faveur des privatisations-braderies organisées par le régime putschiste.

Armée par la France, encadrée par des officiers français, la coalition de Sassou Nguesso ne sert en réalité que les intérêts de TotalFinaElf. Derrière la barbarie des miliciens se cachent les froids calculs des dirigeants impérialistes.

30 juin 2002

Julien FORGEAT


[1voir : Convergences n°14, mars-avril 2001, « Barbarie pétrolière au Congo-brazzaville ».

[2Le Canard Enchaîné évoquait en janvier 2001 une étonnante scène à l’Ecole de guerre, à Paris : devant 300 officiers venus du monde entier, est évoquée à l’improviste l’intervention militaire angolaise au Congo. « Et mention était faite que cette opération militaire avait été menée à la demande expresse de la France. Les officiers angolais présents ont fait semblant de ne pas entendre. Comme les généraux français, frappés eux aussi d’une subite surdité. »

[3Difficile à croire et pourtant avéré : les cobras de DSN sont dans l’hexagone comme chez eux et terrorisent les opposants en exil parfois jusque sous les yeux de la police française : lors d’un grand prix hippique donné à Vincennes en l’honneur du couple Sassou Nguesso, en présence du gratin parisien, les cobras ont chargé des militants congolais sans provoquer la moindre réaction des CRS présents sur les lieux.

[4AFP, 28/04

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