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Accueil > Convergences révolutionnaires > Numéro 87, mai 2013

Comment les multinationales comme Arkema sous-traitent les licenciements : l’opération casse sociale s’accélère chez Kem One

Mis en ligne le 30 avril 2013 Convergences Entreprises

Il a fallu seulement six mois après la cession du pôle vinylique (fabrication de PVC) du groupe chimique Arkema, ledit pôle devenant Kem One, pour voir au grand jour le rôle de liquidateur du repreneur Gary Klesch. Son pedigree à la « Tapie » avait été dénoncé par bon nombre de travailleurs et les syndicats. Une grande manifestation au siège social d’Arkema avait eu lieu en décembre 2011.

En début d’année, on apprend que l’entreprise a accumulé une dette estimée à 125 millions d’euros, et que les 100 millions d’euros de cadeau de bienvenue d’Arkema à Klesch se sont envolés en grande partie vers des comptes dans des paradis fiscaux. Des entreprises sous-traitantes ne veulent plus intervenir car elles ne sont plus payées et les salariés de Kem One craignent de ne pas toucher leurs payes à la fin du mois.

Le premier mars, à l’initiative de la CGT, un rassemblement a lieu devant le siège social de Kem One à Lyon, puis devant l’usine Arkema de Pierre-Bénite. Grève et montée nationales pour ceux de Kem One. Grève de solidarité chez Arkema, et mobilisation dans la région lyonnaise mais aussi plus loin puisqu’un car est descendu de l’usine lorraine de Carling. Ce jour-là, Klesch en personne devait s’expliquer sur la situation de l’entreprise. Finalement, il n’osera même pas venir. Ce rassemblement a permis aux travailleurs de Kem One et d’Arkema de se réunir dans la lutte contre le tandem patronal Klesch/Arkema.

Quelques jours après, Klesch lance une procédure judiciaire contre Arkema pour « fausses informations ». Il demande l’annulation de la cession du pôle vinylique et 310 millions d’euros de dommages et intérêts. La direction d’Arkema répond qu’elle ne comprend pas et qu’elle a fait la procédure de cession en toute transparence et selon les règles. L’homme de main choisi par Arkema pour liquider le pôle vinylique s’avère être plus gourmand que prévu.

Ensuite, les événements s’accélèrent. Les syndicats de Kem One rencontrent le ministère du Redressement productif et le Préfet du Rhône, qui cherche à temporiser. Même son de cloche du côté de Montebourg, « nous avons pris le dossier en main (…) nous allons tout faire pour sauver la filière PVC en France ». Ils cherchent à temporiser pour éviter un embrasement social.

La justice s’en mêle, pour sauver quels intérêts ?

Le 25 mars, la direction de Kem One se déclare en cessation de paiement sur la partie amont. Le 27, le Tribunal de commerce de Lyon place l’entreprise en redressement judiciaire pour une durée de six mois. L’administrateur judiciaire fraîchement nommé déclare d’emblée que l’argent touché par Klesch et qui a disparu des comptes ne pourra être retrouvé. Par voie de presse, le Préfet annonce qu’il a trouvé 90 millions d’euros auprès d’Arkema et de Total sur les 105 millions nécessaires pour financer la période d’observation de six mois. Ces deux entreprises ont en effet un intérêt à la fois politique (éviter les réactions des travailleurs) et économique (éviter les répercussions sur leurs propres productions) à ce que la liquidation de Kem One ne soit pas immédiate. Reste qu’elles rechignent à payer. Si ces deux anciens propriétaires des sites concernés s’en sont débarrassés, c’est pour ne pas avoir à payer plus tard.

Le 9 avril, c’est une nouvelle douche froide pour les salariés. Le Tribunal de commerce annonce avoir trouvé seulement 42 millions d’euros de cash, ce qui ne garantit l’emploi que pour trois mois. Total, l’entreprise aux 10 milliards d’euros de profits, a préféré faire des prix préférentiels sur les matières premières à Kem One plutôt que de reverser de l’argent. Les dépôts d’éventuelles offres de reprise devront se faire avant le 14 juin et le tribunal se prononcera le 9 juillet.

L’illusion d’un repreneur du repreneur

Les travailleurs sont baladés par les patrons et les différents représentants de l’État entre fausses promesses et illusions semées. Aujourd’hui, la situation des travailleurs est précaire. Ils sont passés à un CDI en sursis, sans parler de ceux qui n’ont pas de CDI. Par exemple, un travailleur de Saint-Fons s’est vu refuser son crédit par sa banque pour acheter un appartement parce qu’il travaille à Kem One. Certains pensent démissionner pour trouver un travail ailleurs.

Vu la situation de l’emploi aujourd’hui, la meilleure solution est de se battre collectivement pour interdire aux patrons et au gouvernement de fermer des usines.

Faire grève, ce serait se souder et s’organiser pour s’adresser à nos seuls alliés, les autres travailleurs

Pour l’instant, beaucoup de salariés et les syndicats de Kem One pensent qu’il faut ne pas faire grève pour préserver leurs chances d’avoir un repreneur. Illusion. La grève, au-delà d’être une contrainte économique sur les bénéfices des patrons, est aussi un moyen de se souder et de s’organiser pour s’adresser aux autres travailleurs. Car ce sont les seuls alliés sur lesquels pourront compter les travailleurs de Kem One. Ni un patron ni le gouvernement ne les aideront à sauvegarder leur emploi. Si telle est leur croyance, ils subiront le même sort que les salariés d’Arcelor-Mittal à Florange ou de Petroplus. Aujourd’hui, la situation de Kem One est connue nationalement. Si ces travailleurs décidaient d’entrer en lutte, ils pourraient s’adresser largement à tous ceux qui sont victimes des plans sociaux et, en particulier, à ceux qui sont déjà en lutte, tels ceux de PSA. C’est la seule perspective réaliste permettant, à terme, de mettre un coup d’arrêt aux méfaits de tous ces patrons voyous.

19 avril 2013, Maya PALENKE


La partie amont de Kem One, aujourd’hui en redressement judiciaire, comprend 1 300 salariés et 5 usines en région lyonnaise (Saint-Fons, Balan) et dans le Sud-Est (Fos-sur-Mer, Lavéra, Saint-Auban). Des travailleurs de Kem One sont aussi menacés à Lyon et Pierre-Bénite, dans le couloir de la chimie, en face de Saint-Fons par rapport au Rhône. Ils ont gardé de nombreux liens avec ceux d’Arkema, travaillant bien souvent dans les mêmes usines. Des liens qui auraient pu être mis à mal par la cession mais qui ont été au contraire renforcés par la lutte contre cette dernière.

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